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INFIDÈLES

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est nécessaire in re vel in voio. Dans l’ignorance invincible de l’un ou de l’autre, dans l’impossibilité de restituer ou d’être baptisé, le désir, le vœu suffit, et même le vœu implicite. Dans ce dernier cas, c’est un seul et même acte surnaturel de contrition, par son ferme propos général, qui sera le vœu du baptême et celui de la restitution. La nécessité de l’un et de l’autre, comme son efficacité, est donc alors identique. »

— Réponse. — Le vœu inclus dans l’acte de contrition est alors an physiquement, et du côté du sujet ; mais il est multiple du côté de ses objets, et variant dans sa valeur morale selon la nature de chaque objet, puisqu’il équivaut à plusieurs désirs différents. Ainsi le vœu du baptême participe de la nature morale du baptême, qui est un vrai moyen de sanctification, et nécessaire comme tel. Au contraire, le désir de la restitution suivra la nature morale de la restitution, qui n’a ni cette efficacité ni cette espèce de nécessité. Si Dieu, en effet, daigne accepter le désir au lieu de la chose désirée, comme son succédané et son remplaçant, si la bonne intention est réputée pour le fait, celle-ci ne peut cependant avoir une influence plus grande que le fait même qu’elle remplace ; et puisque le fait de restituer n’est pas un moyen de salut, l’intention de restituer ne le sera pas davantage. De plus, dans la contrition parfaite, il faut distinguer deux efficacités très différentes : l’une qu’elle a toujours eue, même avant Jésus-Christ, d’obtenir infailliblement, à cause d’une promesse divine, la rémission des péchés mortels ; l’autre, d’une nature supérieure, et seulement depuis Jésus-Christ instituteur de nos sacrements, est de pouvoir suppléer le baptême ; car le Sauveur a institué le baptême non pas comme nécessaire en soi sans aucune suppléance, mais comme nécessaire in re vel in vota, avec la suppléance du vœu renfermé dans la contrition parfaite. Dès lors celle-ci influe sur la justification à un nouveau titre, et plus excellent : par le vœu du baptême inclus en elle, elle participe à l’excellence de ce sacrement, car tout suppléant est assimilé à celui qu’il remplace. Le concile de Trente insinue cela en disant que la justification « ne peut se faire sans le baptême ou le vœu de ce sacrement, » ibid., n. 796, formule qu’il réserve aux sacrements de baptême ou de pénitence ; il ne dirait pas que la justification ne peut se faire sans la restitution ou le forme propos de restituer, sans la récitation de l’office ou le désir de le réciter, etc. C’est la remarque du cardinal de Lugo, dont nous avons à peu près reproduit la théorie. De eucharistia, disp. 111, n. 1-4, et surtout n. 22-28, dans Migne, Theologiee cursus completus, Paris, 1840, t. xxiii, col. 78-81.

5. Deux questions différentes : la nécessité absolue de la vertu de foi, ci celle de l’acte de foi. — Sur la vertu infuse de foi, habilus fidci, voir Foi, t. vi, col. 366-369. Cette vertu, quand elle survit à l’état de grâce perdu, peut subsister sans lui, mais la réciproque n’est pas vraie : la justice surnaturelle, ou état de grâce, ne peut exister sans la vertu de foi, comme il résulte de plusieurs textes du concile de Trente, il explique la justification », ou production en nous de la justice surnaturelle, par l’infusion de la foi, de l’espérance et de la charité. Voir Espérance, t. v, col. 608. 11 identifie l’augmentation de la justice surnaturelle avec l’augmentation de ces trois vertus infuses : « C’est cet accroissement de justice, dit-il, qu’implore cette oraison de l’Éfilise : Augmentez en nous. Seigneur, la foi, l’espérance et la charité. » Sess. vi, c. X, Denzinger-Bannwart, n. 803. C’est dire que la vertu de foi fait partie de la justice surnaturelle, bien qu’elle soit insuffisante à constituer cette justice à elle seule. Or on sait que la justice surnaturelle est d’une nécessité de moyen absolue pour l’effet de la justification en nous, puisqu’elle en est l’essence même.

ou (comme dit le concile en termes scolastiques) la « cause formelle ». Ibid., c. vii, n. 799. Rien n’est aussi nécessaire à une chose, que son essence. La vertu de foi partage donc sans aucun doute cette absolue nécessité. Cf. Suarez, loc. cit., n. 7, t. xii, p. 338. Mais il ne faut pas confondre la nécessité absolue de cette vertu, et celle de l’acte de foi. La nécessité de la vertu est non seulement : a) plus étendue que celle de l’acte, puisqu’elle s’étend même aux enfants avant l’âge de raison, qui ne peuvent être ni sauvés sans la justice surnaturelle, ni justifiés sans recevoir par le baptême la vertu de foi avec les autres parties essentielles de cette justice, bien qu’ils soient incapables de s’y disposer par l’acte de foi ; mais encore b) plus facilement prouvée, et plus unanimement reconnue par les théologiens catholiques. La thèse difficile que nous avons à prouver a pour objet la nécessité absolue, non pas de la vertu de foi, mais de l’acte de foi pour la justification de tous les adultes. Cet acte leur est-il nécessaire, sans aucune suppléance, comme disposition à la justification ? A-t-il une vraie « nécessité de moyen », et de la principale espèce, celle où le moyen est nécessaire absolule in re, et non pas in re vel in voto ? Telle est la question présente, et nous en avons suffisamment expliqué les termes.

Adversaires de la thèse.

Ce ne sont pas les rationalistes et naturalistes, réfutés ailleurs, mais quelques théologiens catholiques. Comme disposition à la justification, ils ont tenté de substituer à l’acte de foi stricte l’acte de foi large, non pas purement et simplement, mais en y ajoutant un élément d’ordre surnaturel ; cet acte ils ne le prétendent pas d’ailleurs valable d’une manière générale et pour tous, mais seulement dans le cas où manquent par ignorance invincible la révélation et la foi stricte. Ou encore ils ont tenté de substituer à la nécessité de moyen absolue de l’acte de foi stricte, absolule in re, l’autre nécessité de moyen, in re vel in voto. Voir ce que nous venons d’expliquer, n. 3 et 4. Parmi eux nous allons citer quelques noms plus connus, et donner leurs hypothèses. En guise d’introduction, voir Foi, t. vi, col. 513, 531.

1. Au xvi"^ siè. le, Véga hasardait déjà rhyjjothèse que la nécessité de l’acte de foi peut n’être pas supérieure à celle du baptême des adultes ; que pour l’un comme pour l’autre le fait peut être suppléé jiar l’intention, par le vœu, même implicite. Voir col. 1750 sq. Mais, nous l’avons vii, il abandonna finalement cette li^’pothèse, en expliquant la pensée du concile de Trente.

2. Au xviie siècle, Jean Martinez de Ripalda (15941648) conçut un système vaste et précis, plus ou moins imité depuis par les essais du même genre ; aussi l’exposerons-nous avec soin. Il y faut distinguer : a) ce que nous appellerons l’élément risque, et b) les correctifs qui adoucissent ce qui peut paraître téméraire et séparent ce système du naturalisme et du pélagianisme. Il est bon de distinguer aussi, historiquement, la première pensée de l’auteur, et la dernière, où il répond aux critiques de quelques grands théologiens de son temps.

Première pensée de fiipalda. — Nous la trouvons dans une dissertation de son grand traité du surnaturel ( 1° partie publiée en 1634). C’est là qu’il explique plus à fond le point de départ de tout son système sur l’acte de foi nécessaire à la justification de l’adulte. Il avertit, en passant, que pour désigner brièvement des choses qui n’étaient pas nouvelles, c’est lui qui a inventé les noms de « foi stricte » et de « foi large. » De ente supernaturali, édit. Vives, 1871, disp. LXIII, n. 30, t. II, p. 261. Il définit et explique ces deux termes, ibid., n. 7 sq., p. 249 sq. Cette même dissertation, avec les précédentes qu’il cite, expose et soutient, d’une part l’élément risqué du système, de l’autre ses correctifs.