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€ Le moyen, dit Suarez, n’est pas seulement nécessaire à cause du précepte (qui l’impose), mais surlout à cause de son influence et de sa causalité, que l’ignorance ne supplée pas, quand même elle excuserait du péché. » De fide, disp. XII, n. 3. Opéra, Paris, 1858, t. XII, p. 335. Du reste quand une chose est de nécessité de moijen pour la juslilication, et conséquemment pour le salut, il y a en général un précepte divin de prendre ce moyen ; alors les deux nécessités, quoique distinctes, sont réunies ; de là ces mots « seulement. ., surlout dans ce passage de Suarez. Telle est la notion de la nécessité de moyen, d’après beaucoup de théologiens. Une chose est de nécessité de moyen « si sans elle on ne peut obtenir le salut (ou la justilicafion), quand même on ne serait pas coupable de l’omettre », sine qua, eliam inculpabiliter omissa, salus hnberi neqiiit. Voir Grâce, t. vi, col. 1571, où la nécessité de la grâce sanctifiante pour la justification et le salut est donnée comme exemple de la nécessité de moyen. Véga reconnaissait que les Pères de Trente avaient affirmé la nécessité absolue de l’acte de foi pour la justification des adultes, sans exception ni suppléance ; voir col. 1752. Mais Il avait peine à concilier cette « providentielle » affirmation avec la /possibilité, chez les païens, de l’ignorance Invincible soit de la foi divine soit de ses préambules indispensables. La seule voie de conciliation qu’il trouva fut de nier enlin, très arbitrairement, la possibilité de cette ignorance invincible en qui que ce fût. Une voie plus sûre eût été la conception de la nécessité de moyen, qui semble lui avoir manqué. Elle n’eût pas, sans doute, résolu les difficultés du problème du salut des infidèles ; mais elle lui aurait donné une orientation plus juste.

b) Complément nécessaire de cette explication. — Tout en répondant à une vérité, cette e.xplication n’est pas complète, comme l’ont constaté ensuite les théologiens. Pour avoir une classification qui cadre avec tous les faits qu’elle résume, on a été amené à distinguer deux espèces de nécessité de moyen.

La première et la principale est celle où le moyen, non seulement n’admet pas, comme le précepte, d’être suppléé par l’ignorance invincible, mais encore n’admet absolument aucune suppléance ; il doit exister lui-même dans sa réalité, absolute in re, disent les théologiens. La seconde admet une suppléance ; exemple i la nécessité du baptême pour que l’adulte puisse arriver à la justification. Le désir du baptême, appelé souvent « baptême de désir », peut suppléer (comme nous le savons par la tradition) le véritable baptême, le baptême d’eau. » Celui-ci n’est donc pas nécessaire absolument dans sa réalité, absolute in re, mais en réalité ou en désir, in re vel in voto. Il suffit même que le désir ou « vœu » du baptême soit implicite, c’est-à-dire contenu dans un autre acte. Cet autre acte est la contrition parfaite, qui a le privilège de justifier immédiatement le pécheur ; elle contient comme élément le ferme propos d’accomplir tout ce qui sera gravement obliivaloire ; il y a là, pour l’adulte non baptisé, un vœu implicite du bapteme. la réception du baptême se trouvant, qu’il le sache ou non, parmi ses graves obligations ; en voulant accomplir celles-ci, il veut donc lmpli ;-ilenient et confusément celle-là. Toute celle doctrine, qui doit servir à expliquer en partie la justification des infidèles, est exposée par le concile de Trente : « La contrition (ou repentir en général, avec ferme propos.pour l’avenir) est quelquefois rendue parfaite par la charité (c’est-à-dire par le motif le plus parfait de repentir, l’amour de Dieu que nous avons offensé), et alors elle réconcilie l’homme avec Dieu (c’est la « justification » ) avant même que le sacrement ne soit reçu de fait. » Toutefois ce résultat immédiat de justification « ne doit

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

pas être attribué à l’influence de la contrition sans l’influence du vœu du sacrement inclus en elle. » Sess. XIV, c. IV, Denzinger-Bannwart, n. 898. Voir Contrition, t. iii, col. 1C85. Il est vrai qu’il s’agit ici du sacrement de pénitence, et non pas de baptême. Mais le concile a dit précédemment : « Le repentir a été de tout temps (et est encore) nécessaire à tous les adultes en état de péché mortel pour obtenir l’état de grâce et de justice, même à ceux qui demandent le sacrement de baptême.. Ibid., c. i, n. 894. Et plus loin : « A ceux qui sont tombés après le baptême le sacrement de pénitence est nécessaire pour le salut, comme le baptême est nécessaire à ceux qu’il n’a pas encore régénérés ». Même espèce de nécessité. Ibid., c. II, n. 895. Les théologiens ont donc raison d’appliquer au baptême des adultes tout ce que le concile, à propos du sacrement de pénitence, dit de la nécessité du repentir comme disposition, de la nécessité du sacrement in re vel in voto pour la justification, enfin du vœu implicite, inclus dans ta contrition elle-même. Du reste, le concile affirme ailleurs plus directement que la justification « ne peut se faire sans le baptême ou le vœu du baptême. » Sess. vi, c. iv, n. 796.

Obfection. — N’y a-t-il pas de l’arbitraire à prêter au baptême une certaine nécessité de moyen, tandis qu’à d’autres actes, aussi nécessaires pour la justification ou le salut, on ne daigne accorder qu’une nécessité de précepte ? « — Réponse. — Il n’y a pas d’arbitraire, si cette différence de traitement et de classification est fondée sur une dififérence réelle entre les choses. Le baptême est un véritable moyen, c’est-à-dire une cause positive et proportionnée à la fin à atteindre, parce qu’il est cause positive de la justification (sacrement et sacrement des morts), et lui est proportionné par sa surnaturalité. De plus, pour la justification première, il est le moyen normal, par institution divine ; que la contrition parfaite (autre cause surnaturelle), avec le vœu implicite d’être baptisé qu’elle contient, soit admise par la volonté divine (pour le salut d’un plus grand nombre) à suppléer le baptême, cela ne détruit pas la prérogative de celui-ci comme moyen normal. On en dira autant du sacrement de pénitence : à l’égard des baptisés qui ont perdu la première justification, il est le moyen normal de la seconde. Au contraire, il y a des choses exigées par un grave précepte, qui se trouvent être des conditions très nécessaires de la justification, je l’avoue, mais qui n’ont point par rapport à elle la nature du moyen, encore moins de moyen normal. Par exemple, la restitution d’une somme volée, enjointe par un grave précepte, est une condition très nécessaire à la justification du voleur ; car le repentir et le Icrme propos, alisolument nécessaires au pardon, ne seraient ni sérieux ni sincères, si le coupable ne se décidait à rendre le bien d’aulrui. Mais Dieu n’a pas institué la restitution comme moyen général et normal de justification, puisqu’elle ne regarde qu’une certaine catégorie de pécheurs, ni même comme un moyen, puisqu’elle n’a 1 pas avec la justification, avec la grâce sancti liante, cette proportion que nous voyons soit dans les actes surnaturels qui préparent la justification, soit dans les sacrements qui la produisent. Dieu n’exige lias, pour la volonté de restituer, la qualité d’acte surnaturel, proportionné à la grâce sanctifiante ; si la restitution se fait par un mouvement purement naturel, et môme vénicllement mauvais, cela suffit pour que le bien volé cesse de faire obstacle à la justification ; et la restitution n’est destinée qu’à enlever cet obstacle, non pas à être « cause de la grâce » comme le sont les sacrements. Sur l’ellicacité et la nécessité du baïUême d’après la tradition, voir Baptême, t. ii, col. 201, 203, 208, 209, 275, 280, 287-289.

On insiste : « Comme le baptême, la restitution

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