Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/255

Cette page n’a pas encore été corrigée
1759
1760
INFIDÈLES


longuement expliqué la nature de l’acte de foi, nous avons renvoyé, pour l’étude plus profonde de sa nécessité, au présent article sur le salut des infidèles, où elle joue un rôle si important. Voir Foi, t. vi, col. 514.

2. Pourquoi les mois « adulte " et’justification ».’— Nous parlons de l’adulte, parce que seul il est capable d’un acte raisonnable, moral et surnaturel, comme la foi : l’enfant qui meurt baptisé avant l’âge de raison est justifié et sauvé, mais sans acte qui le dispose à la justification ; Dieu n’exige pas de lui ce dont il est incapable. Quelques personnes, adultes quant au développement du corps seulement, peuvent être baptisées (et justifiées) comme le sont les petits enfants, sans témoigner leur volonté, sans instruction, sans acte de foi, etc. Le nouveau droit canonique dit cela de ceux dont l’aliénation mentale est continuelle, et a commencé avant l’âge de raison. Can. 754. Voir Baptême, t. ii, col. 279, 280.

Nous disons : « pour la justification de l’adulte » au lieu de : « pour le salut… » Cela revient au même : car pour avoir, le salut, la vie éternelle, il faut avoir été justifié en cette vie. Voir 2 « et 3 « principes, col. 1728. Il y a même une raison de regarder plutôt la nécessité de la foi pour la justification, que celle de la justification ici-bas pour le salut. Cette dernière nécessité est estimée par tous les théologiens catholiques, sans exception, comme aussi absolue que possible, et cela avec certitude. Il n’en est pas de même de la première : quelques théologiens doutent qu’elle soit absolue et sans aucune suppléance. Notre thèse les réfutera, mais notre thèse est controversée entre catholiques, et libre tout au moins en ce sens, que nos adversaires ne sont pas hétérodoxes. Tout catholique est tenu d’admettre au moins d’une manière vague et générale la nécessité de la foi pour la justification, mais non pas avec la précision que nous avons posée. C’est donc là en définitive qu’est la difficulté, le nœud du problème, que l’on ne peut éviter, et que notre thèse aborde.

3. Foi stricte et foi large.

Notre thèse établit la nécessité absolue de « l’acte de foi au sens strict. » On entend par là l’assentiment donné à une vérité religieuse, non pas pour une raison quelconque, mais à cause de l’autorité de Dieu comme témoin de cette vérité ; c’est une question de motif intellectuel. Voir Foi, t. vi, col. 107 sq., 115-118. Ce motif de l’autorité divine exige une révélation surnaturelle et proprement dite. Ibid., col. 123 sq., 138-142. La foi au sens large » est déclarée insuffisante pour la justification, par une condamnation d’Innocent XI sur laquelle nous reviendrons. Denzinger-Bannwart, n. 1173. On entend par H foi au sens large » l’assentiment donné non pas à une révélation surnaturelle et proprement dite, mais à la " révélation naturelle », par exemple, au spectacle de l’univers matériel si bien ordonné qui nous « révèle » Dieu son auteur. Il n’y a pas ici révélation divine au sens propre, à savoir un témoignage de Dieu, mais plutôt « le témoignage des créatures, » comme dit la proposition condamnée par Innocent XI. Il manque dès lors le motif intellectuel essentiel à la foi qui dispose à la justification ; il manque l’hommage caractéristique rendu à l’autorité de Dieu par le fait que, sur sa seule parole, les croyants adhèrent à l’objet d’une affirmation divine, fût-il mystérieux. Autre exemple de » révélation naturelle » : la voix d notre conscience, qui est au sens large la parole de Dieu. Dire sans au( ; un correctif ni restriction que la foi large suffit à la justification ou au salut, c’est le faux principe de la solution naturaliste de la question des infidèles, déjà rejeté plus haut, col. 1744 sq. Mais quelques théologiens catlioliques, comme nous allons le voir, ayant ajouté

à la foi large tel ou tel élément d’ordre surnaturel, et restreint son usage, méritent par là de n’être pas confondus avec ces naturalistes et ces hérétodoxes. C’est leur position que nous devons examiner dans la thèse présente, dont ils sont précisément les adversaires.

4. Nécessité de précepte, et nécessite de moyen. — Une chose est « de nécessité de précepte » pour le salut, quand la loi divine la rend gravement obligatoire : il y a alors « nécessité » d’obéir à ce " précepte », à ce commandement divin, si je ne veux, par un péché mortel, compromettre mon salut éternel. Cette notion est fort simple, et a toujours été d’un grand _ usage. Il n’en est pas de même de la « nécessité de J moyen ; » notion plus complexe, qui ne semble pas " encore commune parmi les théologiens au temps du concile de Trente. Y a-t-il des choses nécessaires aux justes pour leur salut, « de nécessité de moyen ? » -J Quelques-uns le pensent ; mais peut-être n’y a-t-il ^ plus pour les justes qu’une nécessité de précepte ; pour pouvoir être sauvés, et n’être pas dans la nécessité de se perdre, ils n’ont qu’à conserver leur état de grâce par l’observation des préceptes sub gravi qu’ils rencontrent, observation toujours possible avec les secours divins qui sont la suite de leur état, que Dieu leur a promis et qui ne leur manquent jamais. Voir la condamnation de la 1 proposition de Jansénius, Denzinger-Bannwart, n. 1092. En tout cas, nous ne nous attarderons pas à cette question. Notre thèse, en effet, ne regarde que le pécheur, qui a besoin tout d’abord de la « justification » ; et c’est le cas général de tous les infidèles : ils manquent de l’état de grâce, au moins à cause du péché originel ; pas de baptême qui le leur ait enlevé dans leur enfance, et au péché originel ils ont pu ajouter des péchés personnels et mortels ; il faut donc qu’ils puissent parvenir tôt ou tard à la justification. C’est là seulement, que, dans cet article nous avons à faire intervenir la notion de la « nécessité de moyen ». D’ailleurs, c’est là aussi, que cette notion trouve son plus clair exemple, et qu’on peut le mieux la distinguer de la nécessité de précepte » déjà connue. Dans l’explication de cette différence, nous irons encore du plus facile au plus difficile.

a) Explication première et plus facile de la différence entre ces deux nécessités. — On les a distinguées d’abord, et facilement, par l’effet différent que produit sur elles l’ignorance invincible : par le fait de cette ignorance, la nécessité de précepte cesse, la nécessité de moyen ne cesse pas. L’ignorance invincible excuse complètement de la transgression d’un précepte quelconque, en dépit des jansénistes. Voir S" principe, col. 1729. Tant qu’elle demeure invincible, elle fait pratiquement cesser l’obligation du précepte ; car elle enlève à l’homme, sans qu’il y ait de sa faute, la connaissance de son obligation, connaissance essentielle à la pleine délibération de son intelligence et au libre choix de sa volonté ; Dieu ne peut alors lui commander un bon choix, puisqu’il ne commande pas l’impossible. Mais de ce que l’ignorance invincible ait cet effet négatif d’empêcher dans l’homme la liberté et la responsabilité d’un mal, et par suite d’empêcher que ce mal ne prenne un caractère moral et ne devienne péché, il ne s’ensuit nullement qu’elle puisse avoir l’effet positif et surnaturel de produire la vie de l’âme, et de procurer par la « justification » la grâce sanctifiante à qui ne l’a pas ; de même que l’ignorance invincible ne suffirait pas à rendre la santé et à sauver la vie du corps à un moribond qui se tuerait par préjugé, quand bien même elle l’excuserait du péché de suicide ; le moyen nécessaire serait un médecin peut-être, ou du moins un miracle : mais l’ignorance invincible se heurte inutilement à cette nécessité de moyen.