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naturelle, et gouvernant le monde par sa providence), il y faut cependant beaucoup de temps, et des esprits qui surpassent le vulgaire. » C’est ce qu’avait si bien développé saint Thomas, Contra génies, t. I, c. iv. Véga indique alors les moyens soit préternaturels, soit simplement providentiels, que Dieu, dans l’ordre présent, ajoute à la faculté naturelle pour assurer même au vulgaire, s’il veut s’en donner la peine, ces connaissances, préambules nécessaires de la foi et de la justification. D’abord, Dieu a donné " la docttine théologique, qui a été toujours requise pour que, en partie par elie, en partie par la lumière naturelle, les hommes puissent saisir l’existence de Dieu (avec jes attributs énumérés) et en être tout à fait persuadés. » C’est à peu près ce que dira le concile du Vatican sur le pouvoir de la raison, qui n’empêche pas l’utilité ni même une certaine nécessité morale de la rétiélation des vérités rationnelles sur Dieu. Denzinger-Bannwart, n. 1785, 1786. Cf. Dieu, t. iv, col. 825 sq. La « doctrine théologique « dont parle Véga est, comme on sait, fondée sur la révélation, qu’elle explique et adapte à tous les esprits, à tous les temps et à tous les siècles, sous la direction du magistère infaillible’de l’Église. Ensuite, continue notre auteur, « la majesté divine, sans mérite de notre part, a eu toujours de tels soins de providence pour donner à chacun ces premières connaissances nécessaires, qu’il n’est pas vraisemblable qu’un homme quelconque puisse ignorer Dieu sans qu’il y ait de sa faute » (du moins après un certain temps). Ces secours de la Providence, naturels ou préternaturels, ne sont pas nécessairement des miracles proprement dits et constatés comme tels ; nous avons vu que Véga n’aime pas recourir à la multiplication de tels miracles. Quoi qu’il en soit. Dieu peut sans l’enseignement des liommes, de même qu’avec cet enseignement, éveiller des idées religieuses dans les âmes, au moins si elles sont droites et sincères, si elles cherchent la vérité ; il peut appliquer leurs facultés avec une grande intensité à bien saisir les vérités religieuses que la raison peut connaître et à les bien’retenir, et il ne manquera pas d’employer des secours de ce genre quand la privation des moyens de salut, ne provenant pas d’une volonté criminelle de l’homme, retomberait sur la volonté salvifique universelle en la privant de sincérité. Exiger un secours objectif, tel que la révélation divine, base de la foi salutaire, comme nécessaire à toute connaissance de Dieu, serait du fidéisme ; exiger en certains cas un secours subjectif, tel qu’une action de Dieu, même extraordinaire, sur nos facultés, — sur la volonté pour l’exciter à de bonnes dispositions morales qui aident à l’intelligence, sur l’intelligence elle-même pour lui faire produire avec lucidité et force ses actes propres, sans leur enlever leur caractère de certitude rationnelle, — voilà qui n’est point condamné, et reste dans le champ des hypothèses permises. Voir Dieu, t iv, col. 860-862 ; cꝟ. 856.

Voici enfin le passage très important du c. xxi, où Véga soutient que la nécessité absolue de l’acte de foi pour la justification est définie par le concile de Trente. « J’attribue, dit-il, à une providence et à une inspiration divine que tous les Pères du concile, sans avoir eu là-dessus une discussion bien longue, aient reconnu comme certain, et même défini, qu’absolument personne n’a obtenu la justification sans la foi. Denzinger-Bannwart, n. 799. Quelqu’un dira peut-être qu’ils parlent ici de la vertu infuse de foi ; ou bien (s’il s’agit de l’acte de foi), qu’ils exposent la loi générale et la voie commune ((’emportant des exceptions). Et ces autres paroles du concile : Fides…, radix omnis jusiificationis, sine qua impossibile est placere Dec (ibid., n. 801), on dira qu’on peut leur faire signifier, non pas la nécessité absokie de la foi, mais seulement une nécessité de croire analogue à celle

du baptême dans ces paroles du Christ : Nisi quis lenaius fuerit ex aqua, etc. ( Joa., iii, 5 ; on sait que cette nécessité comporte des exceptions) Ou enfin l’on dira que les Pères, et saint Paul Lii-même, Heb., xi, G, dans cette phrase : Sine fide impossibile est, etc., entendaient sous le mot fides une connaissance quelconque de Dieu. Mais pour nous, aucune de ces échappatoires, de ces tergiversations ne nous plaît. Si nous examinons bien ce que se propos : ient les Pères, et toutes les circonstances (Véga, présent à tout, pouvait en juger), nous verrou » clairement qu’ils ont défini comme ayant toujours été nécessaire à la justification la foi actuelle et proprement dite, suivant la doctrine de saint Paul et des docteurs cités ; et cela très raisonnablement, car avant tout il est nécessaire, pour obtenir la vraie justice, de captiver nos intelligences pour rendre hommage à notre seul Dieu et législateur suprême. » Ainsi ce grand théologien signale et rejette tous les faux-fuyants que nous aurons à réfuter, en expliquant les textes décisifs soit du concile de Trente, soit de l’Épître aux tiébreux.

Nous terminons ici l’examen historique des auteurs accusés de naturalisme par négation de la nécessité de la foi. Pour les temps plus rapprochés de nous, lés accusés sont plus connus et la solution plus facile. Par exemple, que faut-il penser des modernistes à cet égard ? Comme ils employaient les expressions catholiques de « révélation », de « foi », etc., sans avertir d’abord qu’ils les détournaient de leur sens usuel, on a hésité sur leur compte pendant un certain temps. Mais ensuite eux-mêmes se sont déclarés, soit par des paroles plus franches, soit par le fait de leur séparatien ; et le jugement du Saint-Siège est venu encore nous éclairer et nous fixer. Étant donnée leur doctrine sur l’expérience religieuse, qui est pour eux le fond de la religion, il s’ensuit nécessairement, dit l’encyclique Pascendi, « qu’une religion quelconque, sans en excepter celle des païens, doit être jugée vraie. Car pourquoi n’y aurait-il pas là des expériences religieuses ? … Les modernistes ne s’y opposent point ; bien plus, ils prétendent, les uns en termes voilés, les autres ouvertement, que toutes les religions sont bonnes. » Denzinger-Bannwart, n. 2082.

III. Thèse fondamentale pour le choix de la MEILLEURE SOLUTION. — il s’agit de prouvcr ceci : « pour la justification de l’adulte, l’acte de foi (au sens strict) est de nécessité de moyen, en lui-même, absolument et sans aucune suppléance. Nous exposerons d’abord l’état de la question, puis les preuves principales : documents de l’Église, Écriture sainte et tradition des Pères, réponse aux objections.

1. ÉTAT DE LA QUESTION.

Nous avons à expliquer les termes de la thèse, et la pensée de ses principaux adversaires (Ripalda, Gutberlet).

Explication des termes.

1. Cette thèse étant tenue pour certaine par la très grande majorité des théologiens, un catholique instruit, capable de discuter le diffuile problème du salut des infidèles, ne peut la regarder comme de peu d’importance, ni en éviter l’examen Cette enquête du reste lui permettra de bien choisir parmi les nombreuses solutions que ce problème a reçues ; car, si après l’étude de cette thèse il en reste persuadé, non seulement par l’autorité de ce grand courant théologique, mais encore et surtout par la valeur intrinsèque des preuves, il devra logiquement s’interdire ensuite toute solution contraire, pour attrayante et simple qu’elle paraisse. Il doit donc avant tout examiner cette thèse et la valeur de ses preuves : voilà pourquoi nous l’appelons fondamentale. Les théologiens placent généralement la question de la nécessité de la foi après avoir expliqué la nature assez complexe de cet acte, comme la méthode Je demande. Pour nous, ayant