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IMPETRATION


religieux le plus efficace pour obtenir les bienfaits de Dieu ; mais de quelle manière nous les procure-t-il, ex opère operalo ou per modum impetrationis ? Telle est la question que se pose Suarez : hactenus generaiim explicuimus varias operandi modos hujus sacrificii ; superest ut in parliculari de effeclibus ejus dicamus, aperiendo quos effeclus uno modo conférât, quos vero alio. De sacramentis, part. I, disp. LXXIX, sect. m.

Enfin, le traité De cultu sanctonim légitime, contre les reproches des protestants, la prière adressée aux saints, par cette distinction classique : oratio porrigitur alicui dupliciter, uno modo quasi per ipsum implenda, alio modo sicut per ipsum impelranda. S. Thomas, Sum. theoL, II » IIîe, q. Lxxxiii, a. 4. Nous prions Dieu de nous accorder ses grâces, nous prions les saints de nous les obtenir de Dieu. Voir Saints. Pour le dire en passant, dans la prose Inviolala, la variante nobis impetres veniam répond mieux aux exigences de la théologie que le texte courant nobis concédas veniam.

Nous nous bornerons ici à l’étude de la distinction du mérite et de l’impétration, de l’efficacité ex opère operato et per modum impetrationis.

III. L’impétration et le mérite. — 1° Entendue au sens large, l’impétration englobe le mérite. Originairement, en efïet, impetrare, comme notre mot obtenir, » ne s’applique pas seulement au résultat de la prière, mais de tout moyen par lequel nous pouvons nous procurer ce que nous désirons. En ce sens large, l’impétration est un terme générique qui renferme le mérite aussi bien que l’impétration proprement dite. Priori modo, dit Suarez, impetrare nihil aliud est quam ratione alicujus operis vet obsequii aliquid ab alio obtinere ; in quo sensu cuilibet operi meritorio potest impetratio tribut, et præsertim quando meritum est imperjectum, quod a tbeologis de congruo nominatum est. De divina gratta, t. XII, prselud., n. 3 ; cf. c. xxxiv, n. 8, 11. C’est en ce sens large que Suarez entend le mot impetrare dans le texte célèbre de taint Augustin, Epist., cxav, c. iii, n. 9 : sed nec ipsa remissio peccatorum sine aliquo merito est, si fides hanc impetrat, P. L., t. xxxra, col. 877 ; et dans ce passage du concile de Trente, sess. XIV, c. iv : et quamvis sine sacramento pœnilentiie per se ad justiftcationem perducere peccatorum nequeat (altriiio), tamen eum ad Dei gratiam in sacramento pamitentiæ impetrandam disponit. En somme, le terme d’impélration au sens large tribut potest cuicumque operi vel dispositioni qurn Deum movere potest ut ratione illius aliquid homini iribual. Suarez, op. cit., c. xxxiv, n. 11.

2 » En fait, l’impétration et le mérite sont presque toujours associés : 1. parce que la prière elle-même, outre sa force impétratoire, possède presque toujours une valeur méritoire : oratio… duplicem habet virtutem respeclu futuri eventus, scilicel virtutem merendi et virtutem impelrandi, S. Thomas, Sum. tbeoL, II » 11^ », q. Lxxxiii, a. 15 ; 2. parce que le suppliant, pour appuyer sa demande, invoque généralement auprès de Dieu les mérites de Jésus-Christ et des saints ; 3. parce que, enfin, pour exaucer une prière. Dieu peut avoir égard aux mérites de celui qui l’implore ; cf. la collecte du xi « dimanche après la Pentecôte : qui abundanlia pietalis tuæ et mérita supplicum exeedis et vota.

Sur quoi Suarez fait cette réflexion : quod si aliquando oratio fit propter mérita vel Cliristi, vel aliorum sanctorum, vel ipsius petentis, tune non inlenditur pura et simplex impetratio postulationis, sed eliam quasi exactio et retribulio merilorum quw in oratione allegantur. Et ita tune quasi miscentur impetratio et meritum. Op. cit.-, c. xxxiv, n. 8.

Ce mélange du mérite et de l’impétration et l’impossibilité qui en résulte de distinguer ce qui serait

obtenu de Dieu en considération des mérites de celui qui le prie ou abstraction faite de ces mérites, se rencontrent surtout lorsque l’on parle de la prière du Christ : Jésus a prié, pendant sa vie mortelle, et pour nous et pour lui, mais sa prière possédait toujours virtutem merendi et virtutem impelrandi tout ce qu’il demandait, pour nous aussi bien que pour lui. Et c’est pourquoi, dans le traité De la rédemption, on parle plutôt de ce que le Christ a obtenu, pour nous et pour lui, par ses mérites, y compris celui de ses prières, que par la valeur strictement impétratoire de ses. supplications.

3° L’impétration au sens strict, adopté par la théologie, est l’effet propre de la prière en tant que demande, toute autre considération mise à part, selon cette parole de l’Évangile : Petite et dabitur vobis, Matth., vii, 7 ; Luc, xi, 9 ; il vous sera donné, non parce que vous méritez ce que vous demandez, mais simplement piu^ce que vous le demandez. Tel est l’enseignement de saint Thomas, Sum. theol., II » 11 » ^, q. Lxxxra, a. 15, si lumineusement commenté par Suarez, op. cit., prælud., n. 3 : alio vero modo magis proprio et speciali impetratio tribuitur orationi ianquam proprius effectus ejus, quia in ea non consideratur ex parte impetrantis meritum vel aliud obsequium prœter petitionem ; et c. xxxiv, n. 8 : impetratio proprie dicta est proprius effectus solius orationis quoad ejus propriissimam partem quee est petilio seu postulatio. Cf. De virt. relig., tr. IV, t. I, c. xxii, n. 1.

Suarez remarque justement que toute prière, ex hoc peculiari capite quod est petitio, habet propriam et pcculiarem aptitudinem ad impetrandum… quatenus consentaneum est bonitati vel liberalitati ejus qui rogatur moveri ad dandum solum quia rogatur. Op. cit., c. xxiii, n. 1. L’effet propre de la prière n’est-il pas, en effet, d’attirer l’attention de celui qu’on implore, de le toucher, de le vaincre en quelque sorte et d’obtenir de lui ce qu’on désire ?

Il est bien évident toutefois que la prière ne peut obtenir infailliblement son effet que si Dieu s’est engagé à l’exaucer, lorsqu’elle remplirait certaines conditions : si enim spectamus solam rationem petilionis, habet quidem oratio ex illa aptitudinem ad impetrandum. .. non tamen habet talem efficaciam quæ certum et infallibilem reddat effectum, quia non est causa necessitatem inducens… Ut ergo oratio habeat hanc efficaciam in impetrando, necessaria fuit promissio. Op. cit., c. xxiii, n. 2.

4 » Dégageons maintenant les différences du mérite et de l’impétration proprement dite. — 1. La première différence, signalée par saint Thomas, résulte de la définition même de l’impétration proprement dite : étant l’effet propre de la prière en tant que demande, là où il n’y a pas demande, il ne peut y avoir impétration, tandis que le mérite provient de toute bonne œuvre, y compris la prière. Sum. theol., IIa-IIæ, q. Lxxxra, a. 13, 15. Donc, conclut Suarez, il peut y avoir mérite sans impétration, et impétration sans mérite. De div. gratia, t. XII, c. xxxiv, n. 9 ; De virtute religionis, tr. IV, t. I, c. xxii, n. 4.

2. Qu’il puisse y avoir impétration sans mérite, cela est surtout manifeste en ce que l’une des conditions nécessaires, pour mériter, c’est d’être encore, selon l’expression théologique, in statu vise, tandis qu’on sait que le Christ ne cesse d’intercéder pour nous et que les bienheureux au ciel et les âmes du purgatoire peuvent prier, non seulement pour nous, mais encore pour eux-mêmes.

3. Les deux premières différences que nous venons de signaler distinguent nettement l’impétration du mérite, même de congruo. Les autres différences qu’il nous reste à énoncer se vérifient pleinement quand on compare l’impétration au mérite de condigno, mais