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INFIDÈLES

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du rédempteur promis, appliqués au premier homme par sa pénitence, ibid., col. 379, à tous les autres par divers moyens avant et après Jésus-Christ ; notre baptême en est le principal. Voir Baptême, t. ii, col. 167 sq. ; Péché originel ; Rédemption. C’est la volonté salvifique, universelle même après la chiite. Mais le naturalisme modéré conteste ici ' universalité de la fin surnaturelle : après la chute, une telle fin est promise aux « fidèles o seulement, à ceux qui auront la foi et le baptême ; aux « infidèles », qui n’ont ni l’un ni l’autre, la fin surnaturelle n’est pas rendue : ils restent donc avec la fin naturelle, répondant à la nature humaine que le péché originel n’a pas détruite. On aperçoit cette solution dans la pensée de certains catholiques de nos jours. Accordons-leur, d’abord, que l’on peut concevoir, mais dans un autre ordre de choses, une fin naturelle. En créant le premier homme, le créateur aurait pu lui assigner comme fin dernière une béatitude naturelle, comportant une connaissance naturelle de Dieu plus satisfaisante pour l’esprit et le cœur que la nôtre en cette vie, mais infiniment inférieure à la vision intuitive, que Dieu n'était pas tenu de nous donner. Ce serait « l'état de pure nature » qui de fait n’a jamais existé, mais dont l’hypothèse sert par contraste à concevoir le surnaturel. Voir Grâce, t. vi, col. 1590 ; Nature {État de pure) ; Surnaturel.

Cette solution plus modérée n’en est pas moins inadmissible. — a. Elle suppose que l’homme, par l’effet du péché originel, a cessé d'être ordonné à la fin surnaturelle, à la vision intuitive. Mais c’est une fausse supposition. C’est précisément parce qu’il resta ordonné à cette fin, sans jiouvoir désormais l’atteindre, qu’il fut dans un état anormal, comme une machine détraquée, et qu’aujourd’hui même il naît dans un état de déchéance et de désordre moral, produit de la prévarication du chef de la race. L’elTet de cette prévarication a été seulement de lui enlever les moyens de parvenir à une fin qu’il devrait atteindre, ce qui le met dans un état de privation et non de simple carence, et lui fait perdre pratiquement la fin. De même, l’effet de la rédemption a été, non pa.s de lui rendre vers la fin surnaturelle une orientation, une destination éloignée, qu’il n’avait jamais perdue, mais la grâce sanctifiante, et autres moyens de salut liés à cette grâce. Dieu n’a donc pas assigné deux fins à la postérité d’Adam, ni par le fait de la chute jjcrmise, ni par le fait de la rédemption soit promise en général, soit appliquée en détail ; qu’il s’agisse de fidèles ou d’infidèles, d’adultes ou d’enfants. Voir Baptême, t. ii, col. 372, 373.

b. Si, dans l’ordre de providence que Dieu a choisi, il y avait une béatitude naturelle pour une partie des êtres humains, ce serait surtout pour le groupe immense des petits enfants morts sans baptême. D’après la doctrine catholique ils ne peuvent entrer au ciel ; et quand même on admettrait en leur faveur, par quelque hypothèse plus ou moins risquée, quelque suppléance du baptême, qui les fasse entrer dans la béatitude surnaturelle, encore n’alteindrait-on qu’un certain nombre de cas, et non pas le groupe comme tel. Et pourtant ce groupe, pris comme tel, est le plus digne d’intérêt, puisqu’au péché originel ces entants n’ajoutent pas, comme les adultes, des péchés personnels. Voyons donc si l’on peut admettre, dans les limbes, une « béatitude naturelle », mot parfois prononcé de nos jours. Non, si adouci que l’on se représente leur sort, si fortunés et si joyeux qu’ils soient, par ignorance ou autrement. La « béatitude b même naturelle comporte une exemption de tout mal. Or ils garderont éternellement en eux la tache du péché originel, qui est un grand mal ; et ils sont « condamnés », disent les textes des conciles, à une peine cor respondante, tout au moins à la privation de la vision béatifique qui leur était destinée ; condamnation et privation qui sont un autre malheur. Pour les textes qui parlent de leur condamnation et de leur peine, voir Denzinger-Bannwart, n. 364, 693. Il ne faut pas pourtant les entendre (comme les jansénistes) de la peine du feu, et soufferte dans Venfer des damnés. Voir Baptême (Enfants morts sans), t. ii, col. 364 sq. Augustin a beaucoup hésité sur ce dernier point.

2. Attaque naturaliste contre les moyens de parvenir à la fin surnaturelle. — Ces moyens sont surtout : les divers secours surnaturels et intérieurs de la grâce ; l’acte de foi fondé sur la révélation surnaturelle ; les autres dispositions à la justification, et la justification elle-même ; les sacrements. On peut distinguer deux genres d’attaque : celle qui travestit tel ou tel de ces secours ou de ces actes, en mettant sous le nom qui lui est consacré ce que Dieu et l'Église n’y ont pas mis ; et celle qui nie la nécessité de tel ou tel secours ou acte, entendu dans son vrai sens.

Premier genre d’attaque. — Pour ce qui est des secours de la grâce. Pelage changeait le contenu du nom traditionnel de « grâce », quand d’abord il y mettait le libre arbitre, sous prétexte que c’est un bienfait de Dieu, et, n’admettant que le libre arbitre, prétendait admettre la grâce ; quand ensuite il restreignait le nom de « grâce » à des grâces extérieures, comme la révélation et les exemples du Christ ; quand enfin, admettant (peut-être) un secours surnaturel intérieur, il le mettait dans la seule intelligence et non dans la volonté. Mais ces concessions progressives à la défense de la vérité catholique sont en dehors du sujet qui présentement nous occupe. Voir Grâce, t. VI, col. 1568, 1636 sq. En dehors aussi de notre sujet, le travestissement de la justification, réduite par Luther et beaucoup de protestants à une simple imputation divine sans aucune transformation intérieure de notre âme pécheresse ; ou par d’autres protestants de nos jours, très naturalistes, à une simple amélioration morale, obtenue par le travail de la volonté sur elle-même. Voir Justification. A la place de cette causalité ex opère operato qui distingue le sacrement proprement dit, les protestants ont mis l’aptitude vulgaire d’une cérémonie religieuse quelconque à produire une impression de foi et de piété. Voir Sacrement. Mais ce qui vient plus à notre sujet, c’est la déformation des concepts traditionnels de révélation et de foi. Pour Luther, la « foi qui justifie », c’est la persuasion absolue que possède le croyant de son propre salut, et pas autre chose. Il conservait pourtant l’adhésion à des dogmes ; mais les protestants libéraux ont rejeté tout dogme, plusieurs même toute croyance religieuse. La « foi » devient un vague et aveugle sentiment religieux ; pour d’autres, ce n’est que la connaissance naturelle de Dieu, ou la bonne volonté et l’intention droite, ou la poursuite de l’idéal. La révélation, base de la foi, subit des déformations correspondantes : elle devient cette idée, ou cette impression vague, qui excite le sentiment religieux ; ou bien le spectacle de l’univers, qui amène à la connaissance naturelle de Dieu, ou la voix de la conscience, ou l’apparition d’un idéal moral. Faite immédiatement à chacun, cette prétendue « révélation » n’est pas médiate, comme la révélation évangélique historiquement transmise. S’ils admettent celle-ci, c’est en la confondant avec l’enseignement naturel des grands philosophes, ou avec l’inspiration des poètes. Nous avons longuement réfuté ailleurs ces fausses conceptions de la foi et de la révélation, voir Foi, t. vi, col. 57 sq., 82-84, 107-124, 135-145. Ces conceptions résoudraient facilement le problème du salut des infidèles : tous les païens vraiment adultes, au sens non seulement physique, mais intellectuel et moral, auraient ainsi à