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INFIDÈLES

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Cassien, prenant pour exemple la conversion de Zachée et celle du bon larron, décrit ainsi l’acte du libre arbitre qui prévient tout seul, d’après lui, l’appel même de la grâce : « Par leur désir, faisant une sorte de violence au ciel, ils ont prévenu l’avertissement spécial de la vocation. » Collaliones, xiii, c. xi, P. L., t. xux, col. 923. Cassien, plus modéré que les autres, concède pourtant que parfois c’est la vocation d’en haut, ou appel de la grâce, qui commence ; ainsi dans la conversion de saint Paul. Cette erreur est très clairement condamnée dans le II « concile d’Orange, can. 3-8, Denzinger-Bannwart, n. 176-181. Voir Augustin (Saint), 1. 1, col. 2283 ; Cassien, t. ii, col. 18261828 ; Fauste, t. v, col. 2103-2105 ; Gbace, t. vi, col. 1575-1577.

bj Après la conversion, il s’agit de persévérer. Le principal obstacle est la tentation grave, où le juste lui-même a besoin d’un secours spécial. Saint Prosper reproche à Cassien d’avoir nié la nécessité d’un tel secours divin, dans tout l’ensemble des tentations terribles que Job eut à souffrir de la part du démon, et d’avoir fait Dieu simple spectateur du combat et de la victoire : Conflictus illius atque victorise non vis credi cooperatorem Deum fuisse, sed tantummodo spcctatorem. Contra Collatorem, c. xv, P. L., t. li, col. 258. Enfin, après les combats de la vie, la « persévérance finale », la bonne mort, n’était pas pour les semi-pélagiens un nouveau don de Dieu, mais le simple résultat des précédents efforts de l’homme avec la grâce, le fruit de ses mérites. Saint Augustin réfute cela dans son hvre De dono perseverantiee, P. L., t. xlv.

c) Mais voyons ce qui dans leur doctrine touche de plus près à la question des infidèles et de leur salut. Ils soutiennent la volonté salvifique universelle, à bon droit ; mais ils se la figurent comme si Dieu voulait également et indifféremment le salut de tous les hommes. « D’après eux, dit saint Prosper, la justice de Dieu exige que ceux qui n’auront pas cru, périssent (donc, nécessité de la foi pour le salut) ; mais sa bonté brille en ce qu’il veut sauver tous les hommes et les amener à la foi sans mettre de différence entre eux, indifferenter. » Lettre à saint Augustin sur leur doctrine, n. 4, P. L., t. LI, col. 70. « La grâce qui fait de nous le peuple du Christ, dit-il dans un autre exposé de leur système, appelle et invite tous les hommes sans exception, pour leur salut commun ; mais c’est au libre arbitre de chacun, d’obéir à cet appel » comme si la différence entre les fidèles et les infidèles venait tout entière du libre arbitre. Carmen de ingratis, part. II, vers 251 sq., ibid., col. 110. Aussi les semi-pélagiens attaquaient-ils, comme les pélagiens, la doctrine auguslinienne des faveurs de la Providence dans l’ordre du salut, le principe de la distribution inégale de la grâce, voir col. 1723, enfin la prédestination, à laquelle ils voulaient substituer la seule prescience. Voir Prédestination. Dieu pour sa part était résolu à donner d’après eux. des secours égaux : la différence ne venait que des mérites ou des démérites humains. Alors Prosper leur montrait des infidèles à qui l’Évangile n’était point parvenu, sans qu’il y eût de leur faute : « Même de nos jours, dit-il, l’Évangile du Clirist n’a pas encore été porté partout ; à plus forte raison au commencement de l’Église, où il a été remis aux apôtres pour être porté partout, mais cet ordre du Sauveur n’a pu s’exécuter aussitôt, ni partout en même temps. » Carmen, ibid., vers 272-280. Et la grâce extérieure de la prédication évangélique emporte avec elle les grâces intérieures qui la complètent. Il fallait donc reconnaître une faveur divine faite à celles des nations infidèles qui les premières avaient reçu la grâce de la foi, une élection de Dieu en leur faveur. On ne pouvait dire qu’elles eussent mérité cette grâce, puisque la foi salutaire est un don de Dieu, qui ne jjrovicnt

pas de nos œuvres, de nos mérites, Eph., ii, 8, 9 ; puisque la justification, qui est donnée par la foi, est donnée gratuitement, Rom., iii, 22 sq. ; textes qu’Augustin ne cessait de rappeler aux semi-pélagiens. Et quant aux nations dont l’évangélisation avait été retardée, elles n’étaient pas pires que les autres, souvent même le contraire apparaissait ; mais par leur systèmeles semi pélagiens étaient forcés de leur trouver des démérites. Prosper, dans sa lettre à Augustin déjà citée, explique leurs vaines subtilités : « Habitués à ravaler l’élection divine sous des mérites imaginaires, ils disent que Dieu envoie la prédication de ses ministres à ceux (des infidèles) dont il prévoit la bonne volonté et la foi. » Les autres, qu’il veut également sauver, mais à qui il n’envoie rien, c’est leur faute, « ils sont inexcusables, parce que Dieu a prévu qu’ils ne croiraient point (si ses ministres leur étaient envoj’és) ; ils n’ont pas entendu parler de l’Évangile, parce qu’ils ne l’auraient pas reçu, Evangelium ideo non audierunt, quia nec fuerinl reccpturi. » Ibid., n. 5, col. 71. Augustin réfutera par l’Évangile même cette idée que Dieu aurait subordonné la prédication au bon ou au mauvais usage qu’on en aurait fait ; le Christ n’affirme-t-il pas que s’il avait prêché à Tyr et à Sidon, et dans ces villes païennes opéré les miracles qu’il avait faits en Gafilée, « il y a longtemps qu’elles auraient fait pénitence sous le cilice et la cendre, » et pourtant il ne leur a rien donné ; tandis que Corozaïn et Bethsaïde, ces villes « où il avait opéré le plus grand nombre de miracles, n’avaient pas fait pénitence. » Matth., XI, 20-24. La « pénitence », que Jésus prêchait, présupposait la foi, et ses « miracles » étaient des motifs de crédibilité qui montraient l’obligation de croire en lui. — Du point de vue rationnel, d’ailleurs, il était absurde d’admettre ces mérites ou démérites à l’état de futur conditionnel, qui n’ont jamais existé. Le mérite et le démérite demandent une existence réelle à quelque moment du temps, pour avoir quelque valeur. On n’est ni récompensé ni puni pour ce que l’on aurait fait, si on s’était trouvé dans d’autres conditions d’existence, qui peuvent varier à l’infini ; mais pour ce que l’on fait en réalité.

3° Solution naturaliste. — Elle peut attaquer : 1. ou afin surnaturelle, ou du moins 2. lesmoyens d'> arriver.

1. Attaque contre la fin surnaturelle.

Portée à l’extrême, elle nie la fin surnaturelle assignée au genre humain dans l’ordre actuel. Plus modérée, elle partage les hommes en deux groupes, l’un avec une fin surnaturelle, l’autre avec une fin naturelle.

a) La forme extrême se trouve chez les rationaliites, ennemis du surnaturel. Sans parler de ceux qui rejettent tout christianisme, il est des rationalistes qui se disent chrétiens, les protestants libércnix, parti très influent aujourd’hui dans les milieux protestants. Ils empruntent à saint Paul, et autres écrivains sacrés les formules d’une B fin, qui est la vie éternelle, » Rom., vi, 22, d’un « héritage qui nous est réservé dans les cieux, » d’un « salut prêt à être manifesté dans les derniers temps, » I Pet., i, 45, mais ils vident ces mots de leur contenu surnaturel. Le salut, pour eux, ou bien n’est pas dans une autre vie, ou n’est qu’une vague survivance, dont la conviction reste facultative.

b) Le naturalisme modéré ne rabaisse pas ainsi le salut que nous espérons. Il admet dans l’autre vie une fin surnaturelle. Aussi bien est-elle prouvée par les données scripturaires et patristiques. Voir Gloire, t.vi, col. 1393, 1402. A cette fin surnaturelle, le créateur avait déjà élevé le premier homme dès son origine, et en lui tous ses descendants. Voir Adam, t. i, col. 372, 374. Même après la chute, quand Adam eut perdu pour lui et pour nous l’état de grâce, et donc les moyens d’arriver à cette fin, ibid., col. 377, Dieu voulut bien les rendre en vertu des mérites futurs