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son gouvernement du~monde~et sa loi morale, de sa justice qui fait respecter ses lois, etc. Enfin sa bonté même fait recourir à la menace de la damnation éternelle : la pensée de l’enfer a mis au ciel plus d'àmes que la pensée du ciel. « Rien de plus utile que la crainte de l’enfer, dit saint Chrysostome ; car c’est elle qui nous apporte la couronne du royaume céleste. TiIIomil., XV, ad popul. Anliochenum, P. G., t. xux, col. 154. Naturellement notre auteur aénigre la crainte de l’enfer, et prétend la remplacer par l’amour de Dieu, que son système allumerait dans les cœurs les plus livrés au péché. Si quelqu’un de ces pécheurs n’est pas touché (l’apprendre que Dieu le mettra dans son ciel quoi qu’il fasse, ni enflammé d’amour divin à cette nouvelle, cehii-lù i ne sera iiimais retenu que par une crainte servile, qui n’a aucun mérite devant Dieu, et qui n’est propre qu'à faire des hypocrites. » Art. 10, 5° obj. C’est là, malheureusement, l’erreur de Luther, condamnée par Léon X, puis par le concile de Trente, Denzinger-Bannwart, n. 746, 818, 898, 915. De plus, en supposant qu’un certain amour de Dieu s'éveillât en quelques pécheurs adonnés à tous les crimes et persuadés que par la grâce de la rédemption il n’y a pas d’enter pour eux, rien ne serait gagné si cet amour, insufiisant à leur conversion, ne servait qu'à endormir leur conscience. Un tel amour de Dieu ressemblerait à celui que l'Église a condamné dans la doctrine spirituelle de Molinos. Ennemi, lui aussi, du souvenir de l’enfer, celui-ci associait l’amour divin avec les pires horreurs, auxquelles l'âme n’avait qu'à s’abandonner passivement. Denzinger-Bannwart, n. 1227, 1244, 1257, 1261-1267.

Dans la dernière partie, l’auteur répond aux objections principales qu’on lui a faites. A cette question : t Ce traité n’est-il point contraire aux décisions du concile de Trente au sujet de la justification ? » il répond carrément : Non. Art. 14. Nous avons pourtant cité plusieurs textes décisifs du concile ; ajoutons celui-ci : « Le Christ est mort pour tous les hommes, mais ils ne reçoivent pas tous le bénéfice de sa mort. » Decretum de jusliflcatione, c. ni, Denzinger-Bannwart, n. 795. A cette objection, que dans son système ceux qui mènent une vie licencieuse n’ont aucun intérêt à en sortir, il répond qu’ils y ont un grand intérêt, soit parce qu’ils s’exposent en ce monde à des châtiments temporels, soit surtout parce qu’ils se privent des « grâces de surabondance » par lesquelles ils gagneraient des mérites et des degrés de gloire, ce qui encourage aussi dans leur zèle les apôtres qui cherchent à les convertir. Art. 10, l'^ et 5 « objections. Mais les châtiments temporels de Dieu ou des hommes ne leur viennent pas régulièrement, et beaucoup se flattent de les éviter. Quant à une place plus élevée dans le ciel, ils se contenteront volontiers d’une plus modeste, pourvu qu’ils soient sûrs du bonheur éternel, et puissent, grâce à cette opinion, satisfaire ici-bas toutes leurs passions sans le perdre. Enfin à cette objection irréfutable, que la sainte Écriture nous dit souvent qu’il y aura des damnés, quand, par exemple, Jésus-Christ nous annonce qu’au jugement dernier il les enverra à un supplice éternel, Matth., xxv, il répond : Il y a en chacun de nous deux hommes, celui que saint Paul appelle le « vieil homme » et celui qu’il appelle « l’homme nouveau » restauré par le Christ et sur son modèle ; ils ont des volontés opposées. Rom., vu. « C’est ce vieil homme, conclut-il, qui au jugement dernier recevra une condamnation authentique, et qui avec la mort et l’enfer sera envoyé dans l'étang de soufre, d’après l’Apocalypse, xx, 14, 15. Car pour lors il sera entièrement séparé de l’homme nouveau… L’un ira dans le ciel, l’autre sera perdu pour jamais et accablé de malédictions… Explication Bimpls et natiirjlb. » Ibid., 3° o ! ij., et art. 11. Kl

disserte sur l’Antéchrist, qui sera seul damné, n'étant autre chose que le vieil homme, art. 2, Il et 14. Mais laissons là ce mélange de chicane et de rêve.

Solution pélugienne.

1. Remarques préliminaires.

a) Ennemis de deux grands dogmes, le péché originel et la grâce, les pélagiens n'étaient pourtant pas simplement des rationalistes ou naturalistes, comme on se l’imagine parfois. Ils prétendaient s’appuyer sur la révélation, et ne rejetaient pas absolument la fin surnaturelle. Ainsi, pour esquiver la preuve que saint Augustin, et avec lui l'épiscopat catholique, tirait du baptême des enfants, nécessaire à les purifier du péché originel, les pélagiens, tout en reconnaissant pour ces enfants la nécessité du baptême, imaginèrent qu’il ne leur était pas nécessaire pour laver en eux la tache d’un péché, mais pour les faire monter à une béatitude plus haute. Et ils tentaient de s’appuyer sur l'Évangile, qui parle tantôt d’une vita œterna, tantôt d’un regnum Dei. Le baptême n’est pas nécessaire, disaient-ils, pour arriver à la « vie éternelle » ; m&is il est nécessaire pour arriver au « royaume de Dieu. » Augustin n’eut pas de peine à montrer que ces deux locutions sont synonymes, et désignent une seule et même béatitude. Voir Baptême, t. ii, col. 195, 364.

b) Quelle grâce attaquent les pélagiens ? Non point celle qu’ils se représentent comme une pure dignité sans action, la dignité de fils adoptif, d’héritier du ciel, voir Lettre de Pelage à Démctriade, P. L., t. xxxiii, col. 1099 sq., mais toute grâce agissante, qu’elle soit habituelle ou actuelle. Ils attaquent spécialement la grâce intérieure, au moins celle qui est dans notre volonté. Ils la croient inutile et même nuisible au « libre arbitre », dont ils exagèrent les forces, et qu’ils cherchent à sauvegarder avant tout. Voir Grâce, t. VI, col. 1568, 1574 sq. Parmi les grâces extérieures, ils admettent volontiers la révélation faite dans les Livres saints, la loi divine, les exemples du Christ, les sacrements, etc.

c) Mais il est une grâce extérieure qu’ils rejettent comme nuisible d’une autre façon à notre libre arbitre, et aussi à la justice de Dieu. C’est une providence spéciale, favorisant les uns plus que les autres et produisant des inégalités entre les hommes pour les moyens de salut. Réduisant Dieu au rôle de simple spectateur, les pélagiens veulent laisser l’homme décider seul de son sort dans l’ordre de la vertu (d’après une idée stoïcienne) et dans l’ordre du salut, où ils donnent au libre arbitre un pouvoir illimité et alîranchi de Dieu. Voir Augustin ^Som/J, 1. 1, col. 2381, 2 585. Ils rejettent donc une providence qui dispose à son gré les circonstances et les événements, ibid., col. 2302, et qui favorise en cela les uns plus que les autres. S’il y a des inégalités incontestables dans l’ordre J même du salut, elles doivent s’expliquer, selon eux, m par un mérite ou démérite antérieur, et se ramener ainsi au seul libre arbitre, jamais à la faveur. La justice, ennemie de la faveur et de la grâce, est pour eux

la vertu suprême ; elle doit donc dominer en Dieu. « La justice est de toutes les vertus la plus grande, s’acquittant diligemment de son olTice de rendre à chacun ce qui lui revient, sans fraude, sans grâce. » Ainsi parle Julien, cité par saint Augustin dans son dernier ouvrage inachevé, Opus imperfectum contra Julianum, P. L., t. xlv, col. 1063. Si donc les infidèles ont reçu moins de moyens de salut, c’est que leur libre arbitre a démérité. Mais l’idée de justice est ici mal appliquée par les pélagiens ; ils confondent les temps. Quand Dieu jugera l’homme après la mort, alors, oui, il le jugera exactement selon ses œuvres, il exercera la justice sans aucune faveur, sans acception de personnes. Voir Acception de personnes, t. i, col. 299 sq. Mais quand il -crée l'âme, et lui pré-