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INFIDÈLES


toute-puissante de Dieul Comme si elle pouvait se glorifier, quand elle ne l’empêche pas d’avoir par sa liberté rendu la grâce de Dieu efficace ! » Acla synodi nationalis… Dordrcchti habitas, Leyde, 1620, part. I, p. 139, 140. « Nous rejetons, disent les théologiens de Hesse, cette misérable assertion que Dieu donne une grâce suffisante pour la conversion et la foi à tous ceux à qui l’Évangile est prêché, et par conséquent à ceux-là même qui de fait ne se convertissent pas et ne croient pas. » Ibid., p. 147. Viennent à leur tour les théologiens du pays d’Emden : « Bellarmin, avec le concile de Trente et avec Pelage, entend par grâce prévenante une vocation offerte du dehors, une sollicitation morale de la volonté, dont l’efficacité dépend de l’homme qui la reçoit. Voilà la grâce que ces sophistes appellent un secours suffisant pour la conversion et qu’ils pi étendent être donnée à tous les hommes, avec laquelle le hbre arbitre peut coopérer s’il le veut et se convertir, sans qu’il soit nécessaire d’y ajouter aucun autre secours efficace. C’est aussi la pensée des remontrants, » etc. Ibid., p. 166. Et plus loin : « Nous affirmons au contraire que Dieu meut par sa grâce la volonté de l’homme non pas de la manière qu’enseignent les papistes, c’est-à-dire en laissant à notre faculté d’élection le pouvoir d’obéir ou de résister, mais de telle sorte qu’il courbe efficacement notre volonté à l’obéissance. » Et ils concluent : Quapropter graiia resistibilis, qucm Rcmonstrantes ad liirbandas Ecclesias Bclgicas doccni et urgent, nihil aliiid est quam excremenium jesuiiiciim, etc. Ibid., p. 169. A la négation de toute grâce suffisante, à laquelle on résiste, se joignait naturellement la négation de la volonté salvifique, antécédente et universelle. A la cxuii" session, on donna lecture du jugement envoyé par Pierre Dumoulin, pasteur de l’Église de Paris, où il disait entre autres choses : « Jean Damascène, au livre II de la Foi orthodoxe, c. xxix, et après lui Arminius, mettent en Dieu deux volontés’l’une antécédente, l’autre conséquente. Leu intention n’est pas de mettre en Dieu des volontés ou plutôt des volitions qui se précèdent les unes les autres ; ceci est en dehors de la controverse mais ils appellent la volonté de Dieu antécédente, en ce qu’elle précède la volonté humaine, et conséquente, en ce qu’elle la suit… Ils disent qu’antécédemment Dieu veut sauver la totahté des hommes, mais que conséquemment il n’en veut sauver qu’une partie, ceux dont il a prévu la foi.. ; que l’on peut résister à la volonté antécédente et éluder l’intention divine… Cette doctrine est, plus que toute autre, injurieuse à Dieu… » Elle lui suppose des désirs inefficaces…, etqui, dépendent, pourleur accomplissement, du libre arbitre de l’homme t Ibid p. 294. 295.

2 « ’Jansénistes. — 1. Jansénius. — Au temps du synode protestant de Dordrecht, Jansénius venait de commencer en Belgique son Auguslinus. Voir Jansénisme. Il y reprend pour son compte l’attaque des calvinistes contre la grâce suffisante, ou grâce à laquelle résiste la liberté humaine. « Cette grâce suffisante, dit-il, que beaucoup de scolastiques ont fait entrer dans la théologie comme un secours du Sauveur, avait été d’avance renversée par Augustin… Nous appelons suffisante une grâce qui n’a pas besoin que Dieu de son côté ajoute autre chose par manière de principe nécessaire, pour que l’homme veuille ou fasse l’acte salutaire. Car c’est ainsi que beaucoup de théologiens modernes, et Généralement le vuleaire, entendent ce mot. » Jansénius, fait observer que cependant quelques-uns donnent au mot un autre sens, et appellent « suffisant » un secours qui en demande encore un autre pour que l’acte puisse avoir lieu ; que saint Augustin admettrait peut-être un secourt de ce genre, mais qu’assurément il lui

refuserait le titre de véritable grâce du "Christ. Et il conclut : « Depuis la chute il n’est donné aucun secours suffisant dans le premier sens du mot, sans qu’il soit en même temps efficace (accompagné de l’effet salutaire ) : voilà ce qui ressort clairement des principesd’Augustin. » Augustinus, t. m. De graiia Christii Salvatoris, Rouen, 1643, t. III, c. i, p. 102. Ainsi, ou la grâce efficace, ou rien qui mérite le nom de la grâce. Cette grâce suffisante qui demeure sans effet paraît monstrueuse à Jansénius, monslrum qucddam singularc gratiæ. Ibid., c. iii, p. 106. Cꝟ. t. IV, c. x, p. 184 Mais alors, comment les infidèles qui ne se convertissent pas à la foi (signe évident qu’ils n’ont pas eu ce qu’on appelle la grâce efficace) ont-ils pourtant une vraie possibilité de salut ? L’Église a vu la gravitéde cette négation de la grâce suffisante, de la grâce a laquelle on résiste, et l’a condamnée comme hérétique parmi les cinq propositions de Jansénius « Dans l’état de nature déchue on ne résiste jamaisa la grâce intérieure, » Denzinger-Bannwart, n. 1093. De cette 2°= proposition on pourrait déduire les quatre autres. Notons spécialement la 5 « où il est dit quele Christ n’est pas mort pour tous les hommes, prc omnibus omnino hominibus. En effet, si la grâce suffisante n’existe pas, le Christ ne fait part de quelque fruit de la rédemption qu’aux prédestinés auxquels il donne la grâce efficace.

2. Les jansénistes, à la suite de leur maître, rejetèrent d’abord, et pendant longtemps, toute grâce suffisante. Encore en 1690, Alexandre VIII condamne avec d’autres maximes jansénistes cette proposition 6 » ^ : « La grâce suffisante, dans notre état, est moins utile que pernicieuse, en sorte que nous pouvons a bon droit faire cette prière : De la grâce suffisante délivrez-nous. Seigneur. » Denzinger, n 1296 Voir, t. I, col. 754. Malgré tout, u’ne évolution avait commencé chez eux, dans le but de se mettre extérieurement en règle avec la condamnation descinqpropositions fameuses, qu’ils prétendaient d’ailleurs netre pas dans le hvre de Jansénius. Si l’on ne remarque cette évolution, on ne peut rien comprendre à la question théologique du jansénisme. Ce secours incomplet, qui en demande encore un autre pour que l’acte salutaire puisse avoir heu, et auquel, d’après Jansénius, saint Augustin refuserait le nom de véritable grâce, voici que les jansénistes s’en emparent et le baptisent véritable grâce, et grâce suffisante sou » prétexte qu’il suffirait à l’homme en d’autres circonstances, et si telle tentation ne lui rendait pas en ce moment l’acte salutaire impossible. Le grand Arnauld, principal auteur de cette évolution, va même jusqu’à tâcher de confondre cette singulière « grâce suffisante » avec celle des thomistes, qu’il ne répugne pas trop à accepter, Dissertatio theologica quadripartita ou De gratta efficaci. Œuvres, Lausanne, 1778, t. XX, p. 257. Voir Revue thomiste, mars 1902’p. 59, 60. Ainsi les jansénistes se mirent à utihser’sans y croire et par pure pohtique, la doctrine cathohque de l’existence d’une grâce suffisante, en la prenant « avec l’explication thomiste., disaient-ils, ou plutôt avec l’explication de certains thomistes. Fénelon, témoin de ce manège, et trouvant qu’il durait depuis trop longtemps, protesta en plusieurs occasions. Après avoir rappelé la seconde Provinciale, où Pascal, avant cette évolution, se moquait ouvertement de la grâce suffisante des dominicains de Paris : « Telle est, dit l’archevêque de Cambrai, cette ridicule suffisance d’une grâce véritablement insuffisante, que (les jansénistes) mettent dans leur j>rofession de foi, pour se justifier devant toute l’Église cathohque. Ils la jugent ridicule chez les thomistes, et cependant ils s’en couvrent comme d’un manteau de conudie, pour passer comme catliohques… Demandez-leur