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INFIDÈLES


de la grâce suffisante) donnée à tous. On les trouve 1 » chez les anciens protestants : 2° chez les jansénistes.

Protestants.

1. Calvin, surtout, entend le dogme de la prédestination de manière à nier en Dieu toute volonté sérieuse du salut des réprouvés. Par la prédestination, dit-il, Dieu en a ordonné aucuns à salut, et assigné les autres à damnation éternelle… C’est tout confondre, de dire que Dieu élit (pour le ciel) ou rejette selon qu’il prévoit ceci et cela (les bonnes œuvres ou les crimes)… Selon la fin à laquelle est créé l’homme ; nous disons qu’il est prédestiné à mort ou à vie. Institution chrétienne, t. III, c. xxi, n. 5 ; Corpus Rcformatorum, Calvini opéra, Brunswick, 1866, t. IV, col. 460, 461. « Ceux que Dieu laisse en élisant (les autres), il les réprouve : et non pour autre cause, sinon qu’il les veut exclure de l’héritage. » Ibid., c. xxiii, n. 1, col. 485. A cette question : « Pourquoi Dieu en a-t-il prédestiné aucuns à damnation, lesquels ne l’avaient point mérité, vu qu’ils n’étaient pas encore », Calvin répond : « S’ils sont tous pris d’une masse corrompue (par le péché originel), ce n’est point de merveilles s’ils sont assujettis à damnation. » Ibid., n. 3, col. 489. Il n’y a pas à se prt occuper davantage du problème de leur salut. A cette autre objection : « Pourquoi Dieu imputerait-il à vice aux hommes les choses desquelles il leur a imposé nécessité par sa prédestination, » il note que les scolastiques nient cette nécessité, en disant que la préscience divine n’apporte nulle nécessité aux créatures : mais lui ne recourra pas à cette réponse tirée de la nature de la prescience, parce que Dieu n’a pas seulement prévu, mais voulu et déterminé les crimes. Ibid., n. 6, col. 493, 494. Les scolasliques, ajoute-t-il, « recourent ici à la différence de volonté et permission, disant que les iniques périssent, Dieu le permettant, mais non pas le voulant. » Pour lui, il rejette cette différence. C’est r par l’ordonnance de Dieu que l’homme s’est acquis damnation. » Ibid., n. 8, col. 495. Et si l’on objecte que les réprouvés, puisqu’ils sont forcés à pécher par l’ordonnance de Dieu, sont excusables, Calvin < nie que cela soit pour les excuser, parce que cette ordonnance de Dieu, de laquelle ils se plaignent, est équitable, combien que l’équité nous en soit inconnue. « Ibid., n. 9, col. 497. Enfin, pour se débarrasser des textes où brille la volonté divine du salut de tous, il ajoute : « Combien que les promesses de salut soient universelles, toutefois elles ne contrarient nullement à la prédestination des réprouvés… Car le Seigneur, en promettant ainsi, ne signifie autre chose sinon que sa miséricorde est exposée à tous ceux qui la chercheront. Or nul ne la chen-he, sinon ceux qu’il a illuminés. Finalement, Il illumine ceux qu’il a prédestinés à salut. » Ibid., c. XXIV, n. 16, col. 529. Les autres, ou bien ne reçoivent pas la prédication de l’Évangile, ou bien la reçoivent sans la grâce intérieure nécessaire à la foi, recevant l’Évangile « en odeur de mort, et pour matière de plus griève condamnation. » Ibid., n. 8, col. 516. Quant à la dureté de Dieu à l’égard de ceux-ci, non seulement Calvin ne songe pas à l’en justifier, mais il fallait qu’il en fût ainsi : « les réprouvés ont été suscités pour illustrer sa gloire en leur damnation. » Ibid., n. 14, col. 524. Et Calvin trouve cette doctrine « fort douce et savoureuse, car elle met en relief la gloire de Dieu et elle fonde la vraie humilité. » Voir Calvinisme, t. II, col. 1407-1412 ; Prédestination ; Réprobation.

Remarquons d’ailleurs que la doctrine la jilus rigide sur le salut des infidèles n’est point fondée sur un particularisme qui réserverait le salut à un peuple et en exclurait les autres. Calvin ne nie pas que les élus puissent se trouver dans toutes les nations, toutes les races, et jusque dans les milieux les plus idolâ triques ; même dans l’Ancien Testament l’Écriture l’indique. Remarquons encore que citer des noms de païens sauvés, c’est question secondaire, qui n’atteint pas le vrai problème, car il reste à expliquer si les païens qui ne sont pas sauvés avaient une vraie possibilité de l’être ; c’est aussi question passablement oiseuse, où le plus souvent on ne peut avoir que des probabilités ou des possibilités pour et contre, et où l’on ne décide que d’après sa fantaisie. Il arriva pourtant que cette question occupa beaucoup les premiers protestants. Ce fut à l’occasion de l’indulgence excessive deZwingle, qui peu avant sa mort, 1531, dans un opuscule dédié à François l", s’était laissé entraîner par l’humanisme de l’époque à canoniser, non seulement tous les rois de France morts dans la foi, mais encore « Hercule, Thésée, Socrate, Aristide, Antigone, Numa, Camille, les Catons, les Scipions. » Sur le scandale que cette phrase causa parmi les réformateurs, sur les controverses qui en naquirent non seulement parmi eux, mais encore parmi les catholiques, voir de nombreux détails dans l’Essai historique, très documenté, de M. l’abbé Capéran sur le Problème du salut des infidèles, Paris, 1912, p. 242-251. A noter, le rôle qu’a joué parfois dans cette question secondaire, du côté rigoriste, la théorie protestante que tout est dans l’Écriture et qu’il ne faut rien admettre au delà ; comme si elle devait nous donner les noms de tous ceux qui ont été sauvés. « Les grands hommes du paganisme, disait le luthérien Wigand, étant morts sans la foi, sont en enfer. » — « Mais, répondait le zwinglien Gwalther, Dieu n’a-t-il pas pu leur montrer la lumière, fût-ce à l’heure de la mort ? Tout est possible à Dieu. » — « L’Écriture n’en dit rien, reprenait Wigand, c’est témérité de soutenir que ceux dont parle Zwingle sont sauvés. > Capéran, op. cit., p. 245. C’est témérité de le soutenir comme certain en l’absence de toute révélation ; ce n’est pas téméraire de le soutenir comme possible, du moins pour quelques-uns de ces noms, et un protestant avait raison de répondre à Zwingle qu’il craindrait de se trouver au ciel à côté de la massue d’Hercule.

2. Synode protestant de Dordrechi (1618-1619). — Ses décisions furent reçues dans les Pays-Bas, en Suisse, en France et en Angleterre. Il maintient la prédestination de Calvin, et cette idée calviniste que la grâce, du moins la grâce intérieure, produit toujours son effet, que l’homme ne peut jamais lui résister. Conséquence : pas de grâce qui soit suffisante sans être efficace, c’est-â-dire sans produire son effet ; on ne doit pas distinguer de la grâce efficace, une grâce suffisante, qui donnerait à l’homme une possibilité de salut dont il ne voudrait pas se servir. Voir Grâce, col. 1656. Les infidèles qui ne se convertissent pas n’ont donc reçu aucune grâce intérieure de conversion ; car s’ils en avaient reçu, ils se seraient nécessairement convertis. Et la raison de cet abandon, c’est que Dieu a priori ne voulait pas leur salut Citons quelque chose des réfutations que dans ce synode divers groupes de théologiens protestants opposèrent aux disciples d’Arminius, ou « remontrants ». Ceux-ci avaient parlé d’une grâce intérieure de conversion à laquelle on peut résister, d’une grâce suffisante, mais qui ne produit pas son effet par la malice de l’homme. Les théologiens du Palatinat répondent « que la grâce n’est pas résistible, mais irrésistible, s’il est permis d’employer une terminologie barbare nouvellement inventée par de vilains oiseaux… Pourquoi disent-ils qu’on peut résister à la grâce ? Pour exalter les forces du libre arbitre contre la grâce de Dieu : il n’y a pas d’autre raison. Mais c’est tirer gloire de notre infirmité et de notre malice, c’est armer l’homme contre Dieu. Comme si la poussière et la cendre pouvaient empêcher et éluder l’action