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INFIDÈLES


actuelle ; et si cette grâce ne produit pas toujours son « Het, du moins elle doit être vraiment suffisante à le produire. Voir Grâce, col. 1599, 1636-1640, 16561660.

7. Inégalité pourtant dans la distribution des grâces.

— De ce que Dieu, voulant sérieusement sauver tous les hommes, offre à tous des moyens de salut, il ne s’ensuit pas qu’il donne à tous des moyens égaux. Voir Grâce, col. 1600. Parmi les dogmes chrétiens figure la « prédestination », par laquelle Dieu, en vertu de son souverain domaine, établit des inégalités entre les hommes comme il lui plaît, et favorise les uns plus que les autres dans l’ordre même du salut. Sans doute, nous ne sommes pas obligés d’admettre que Dieu détermine antérieurement à toute prévision de mérite surnaturel ou de démérite, quels seront les élus du ciel (prédestination à la gloire) et quels seront les damnés. Mais nous devons admettre qu’il détermine, indépendamment de tout mérite, des grâces, des secours tant extérieurs qu’intérieurs, beaucoup plus abondants pour celui-ci que pour celui-là, produisant leur effet en celui-ci, non en celui-là (prédestination à la grâce). L’espèce de prédestination que saint Augustin considère le plus souvent, c’est la prédestination à la grâce, surtout à la première grâce et conséquemment à tout l’ensemble des grâces, qui dépend de la première. La première des dispositions à la justification étant la foi, laquelle suppose une prédication ou proposition de la révélation, Dieu détermine sans aucun mérite de leur part ceux qui, devant naître dans un milieu éclairé des lumières de la foi, auront le baptême en naissant, et l’enseignement de la révélation dès l'âge de raison, et ceux qui, devant naître au sein du paganisme, seront privés de cette lumière sans qu’il y ait de leur part péché contre la foi (les infidèles négatifs). La grâce extérieure de la révélation est d’ailleurs accompagnée d’une grâce intérieure pour arriver à faire l’acte de foi ; l’ensemble des deux est appelé la « vocation prochaine à la foi ; » prochaine, pour la distinguer d’une vocation antérieure et éloignée qui consiste simplement en ce que Dieu, par sa volonté salviflque universelle, appelle, c’est-à-dire destine en principe, tous les hommes à la foi, qui est le premier moyen de salut. Même en admettant que tout infidèle, s’il n’y met pas obstacle par sa liberté, recevra avant de mourir, d’une manière ou d’une autre, la vocation prochaine à la foi et en général les moyens de salut, il ne s’ensuit pas qu’il ne puisse, sans qu’il y ait de sa faute, les attendre bien longtemps, et être constitué par là dans un état d’infériorité relativement aux fidèles, plongés de bonne heure, dans la lumière et dans l’abondance des grâces. Voir Grâce, t. vi, col. 1595 ; Prédestination.

8. État moral des infidèles : ils ne pèchent pas dans toutes leurs œuvres. — On peut considérer leur état moral soit après, soit avant la vocation prochaine à la foi.

— a) Après. — -Aidé par les grâces qui accompagnent et suivent cette vocation prévenante, l’infidèle, déjà en voie de devenir fidèle, peut arriver à faire l’acte de foi et d’autres actes moralement bons, et même surnaturels, pour se disposer au baptême et à la justification. Luther a nié jusqu'à la bonté morale de ces actes préparatoires, à cause de ses deux théories fondamentales, l’une sur la totale perversion de la moralité dans la nature humaine par l’effet du péché d’Adam, l’autre sur la nature toute extérieure de la justification, par laquelle Dieu laisserait le pécheur dans sa corruption intérieure et ne ferait que fermer les yeux, quand il lui plaît, sur les continuels péchés que sont tous ses actes. Le concile de Trente l’a condamné : « Si quelqu’un dit que toutes Iss œuvres faites avant la justification, de quelque

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

manière qu’elles soient faites, sont de vrais péchés, ou méritent la haine de Dieu ; ou s’il dit que, plus vivement on s’efforce de se disposer à l'état de grâce, plus gravement on pèche, qu’il soit anathème. » Sess. vi, can. 7, Denzinger-B., n. 817. — b) Même avant la vocation prochaine à la foi, par conséquent dans un état plus complet de paganisme, rien n’empêche l’infidèle, selon les lumières qu’il a sur la loi naturelle, de faire des actes, sinon surnaturels, du moins moralement bons : soit par la seule vigueur de la nature, laquelle n’est pas totalement corrompue par le péché originel, soit au moyen d’une grâce qui parfois ajoute à la nature des forces nouvelles, spécialement dans les occasions plus difficiles, de manière à pouvoir non pas être justifié encore, mais éviter un nouveau péché. Alexandre VIII a condamné cette proposition des jansénistes (8") : Necesse est infidelem in omni opère peccare, Denzinger-Bannwart, n. 1298 ; et cette autre, qui privait les infidèles de toute grâce actuelle, pour observer un précepte de la loi naturelle et éviter le péché : « Les païens, les juifs, les hérétiques, etc., ne reçoivent absolument aucune influence de JésusChrist ; leur volonté est dénudée et désarmée sans aucune grâce sufiisante. » Ibid., n. 1295. Voiï Alexandre VIII, t. i, col. 753, 754 ; Gra.ce, t. vi, col. 1578-1580 ; Péché originel.

De plus, le manque de foi n’est pas un péché dans l’infidèle à qui la révélation n’a pas été présentée : aussi la proposition 68 « de Baius a-t-elle été condamnée : t L’infidélité purement négative, dans ceux à qui n’a pas été prêché le Christ, est un péché. » Denzinger-Bannwart, n. 1068. Bien que Dieu, en appelant tous les hommes à la foi par une vocation éloignée, leur donne à tous en principe le précepte de la foi, cependant ceux qui ne connaissent pas la révélation, base nécessaire de la foi, sont excusés de ce précepte général par leur ignorance invincible et le manque de vocation prochaine. Cette proposition de Baius découle de sa théorie barbare (prop. 46) que le péché n’a pas besoin d'être volontaire pour être coupable et punissable, DenzingerBannwart, n. 1046 ; ainsi les mouvements involontaires de la concupiscence, bien qu’on n’y consente pas, sont de vrais péchés, prop. 50, 51 ; et Dieu peut commander sous peine de péché même aux justes, des choses impossibles, prop. 54 ; cꝟ. 1° propos, de Jansénius, Denzinger-Bannwart, n. 1092. L'Église a condamné aussi comme hérétique la 3° proposition de Jansénius, que dans l'état de nature tombée, le libre arbitre, libertas a necessitate, n’est pas requis pour qu’il y ait péché, ad demerendum, Ibid., n. 1094. Conséquence de cette erreur : si le péché n’a pas besoin d'être libre, ni possible à éviter, l’ignorance invincible, qui est une des causes enlevant à l’homme la liberté d'éviter le péché, n’excuse pas ; et les infidèles négatifs pèchent mortellement en omettant l’acte de foi dont ils ignorent invinciblement le précepte, et qu’ils n’ont pas le moyen de faire. L’erreur janséniste sur l’ignorance invincible a provoqué une condamnation de l'Église. Voir la proposition 2 « condamnée par Alexandre VIII, Ibid., n. 1292. Voir Ignorance, t. vii, col. 731-734, 737 ; Baius, t. ii, col. 81-86, 93-94, 96-99 ; Bonne foi, t. ii, col. 1015 ; Jansénisme.

II. Solutions hétérodoxes du problème. — Leur étude éclaire par contraste la doctrine catholique, et justifie les condamnations de l'Église. Elles peuvent se diviser en deux classes : celles qui sont rigoristes, et celles qui, allant à l’autre extrême, sont laxistes.

I. SOLUTIONS RIGORISTES.

Elles s’opposent au principe de la volonté divine du salut de tous, et au principe connexe de la vraie possibilité du salut (ou

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