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IMPERFECTION — IMPÉTRATION


vite, il peut devenir un dangereux embarras et un obstacle à notre progrès.

Mais si, par le vœu du plus partait, nous nous sommes engagés à faire ce qu’il y a de plus parfait pour nous, ce vœu ne change rien au programme des bonnes actions que nous avons à faire. Seulement Il nous oblige strictement, sous peine de péché mortel, à ne pas négliger des œuvres de conseil importantes auxquelles, en dehors du vœu, nous n’étions tenus que sous peine de péché véniel, aliqualiler. Il a l’utiUté d’ajouter à ces œuvres le mérite de la vertu de religion, et aussi le grand avantage de rectifier pratiquement l’erreur des personnes qui pensent pouvoir, sans pécher, omettre les bonnes œuvres que le Saint-Esprit leur demande.

3° MultipUer les exigences de la loi morale, c’est restreindre la hberté. — Nous retrouvons, dans cette objection, ces faux concepts de la loi morale et de la liberté qui donnent à toute loi morale le caractère restrictif de la loi positive et mettent entre la liberté et la loi morale une antinomie qui est le contraire de la réalité. C’est cette fiction d’une liberté distincte de la loi morale, d’un homme pouvant agir selon ses caprices tant que Dieu ne limite pas notre liberté, qui inspire des définitions de la loi morale aussi peu philosophiques que celle-ci : « Tends vers la fin dernière en faisant usage de ta liberté physique, aussi longtemps qu’aucun empêchement positif ne se présente à ton esprit. »

Qu’est-ce donc que la liberté physique ? Contradiction dans les termes : liberté de la girouette mobile au moindre vent, liberté de la chèvre qui bondit capricieuse, esclave des impressions changeantes de sa sensibilité, liberté de l’amant incapable de refuser à son idole de chair le sacrifice de ce qu’il y a de meilleur dans sa vie. Non, pas de liberté dans la créature sans vouloir rationnel, et pas de vouloir rationnel sans l’intimation d’une direction qui oriente l’action vers l’idéal, c’est-à-dire vers notre vrai perfectionnement. Si liberté veut dire indépendance absolue, Dieu seul est libre. L’homme n’a pas d’autre liberté que celle de choisir entre la servitude de l’attrait inférieur et le noble service de l’idée. Il ne s’affranchit de la loi du péché qu’en se mettant au service du bien, liberi a peccato, servi jacti estis juslitiee, et il ne s’affranchit de l’idéal que pour retomber sous l’esclavage du péché, cum servi esselis peccali, liberi fuisiis justitiæ. Rom., VI, 18 et 20. Mais si liberté veut dire affranchissement du déterminisme du monde phénoménal, je suis libre dans la mesure où l’amour de l’incréé, ni’élevant au-dessus des attraits et des répulsions du créé, me permet de leur commander et de m’en servir au lieu de leur obéir, libre par conséquent dans la mesure où une conscience délicate me rappelle plus souvent au culte de l’idéal et au gouvernement de mes facultés inférieures. Servira Deo regnare est.

4° Considérer comme péché véniel toutes les résistances aux inspirations du Saint-Esprit, c’est multiplier les péchés et exposer les âmes au scrupule. — Dès lors que nous avons conscience de repousser une inspiration du Saint-Esprit, le mal est fait. La dénomination de péché véniel n’ajoute rien au formel de la faute. Elle ne fait que nous avertir de ses conséquences et nous offrir un nouveau remède en nous permettant de la soumettre à l’absolution sacramentelle.

Quant aux scrupules, le plus sûr remède du côté de l’intelligence est encore la pleine connaissance de la vérité. Il est possible que nous hésitions sur le vrai caractère et l’origine de la pensée qui nous propose une œuvre de conseil. Cette œuvre nous convient-elle ou ne nous convient-elle pas ? est-elle du Saint-Esprit ou de l’imagination ? Elle sera du Saint-Esprit, si

elle nous convient, si nous n’avons, pour l’écarter, aucune des quatre raisons citées plus haut, col. 1292. En cas de doute, nous faisons pour le mieux, sans nous arrêter longuement à des détails qui ne doivent pas retenir l’attention d’un homme sérieux, Sum. theoL, I-’II*, q. xiv, a. 4, bien certains que notre décision sera toujours moralement bonne, si elle est inspirée par un désir loyal du bien. A plus forte raison ne devons-nous jamais discuter, après coup, cette loyauté. S’il nous reste quelque doute sur le vrai motif qui nous a fait décliner l’œuvre de conseil, nous n’avons qu’à nous en remettre à la miséricorde de Dieu, en répétant avec le psalmiste : Delicla quis intelligii ? ab occuUis meis munda me ! Ps. xviii, 13. C’est de ces cas douteux qu’on peut dire avec saint Liguori qu’ils ne sont pas matière à absolution. C’est à eux qu’on pourrait laisser le nom d’imperfection, étant donné notre impuissance à déterminer avec certitude leur vraie moralité. Mais on doit se rappeler que ce nom est un aveu d’ignorance, la simple étiquette d’une entité morale qui échappe à notre estimation et qui, dans la réalité, est acte méritoire ou péché véniel.

Ér. HUGUENY.

    1. IMPÉTRATION##


IMPÉTRATION. — I. Sens général du mot impétrer et de ses dérivés. II. Dans quels traités théologiques est-il question de l’impétration ? III. L’impétration et le mérite. IV. Efficacité ex opère uperalo et per modum impeiralionis.

I. Sens génêkal du mot impétrer et de ses DÉRIVÉS. — Contrairement à ce que dit André, Cours alphabétique et méthodique de droit canon, impetrare ne signifie pas demander, mais « amener quelque chose au point désiré, effectuer, accompHr, mener à bonne fin, obtenir, atteindre, parvenir à. « Cf. Benoist et Gœlzer, Nouveau dictionnaire latin-français ; Forcellini, Tolius latinitatis lexicon. Suarez a raison d’affirmer que IMPETRARE idem est quod prccibus obtinere, ut ex vi verbi et communi usu constat. De divina gratia, t. XII, c. xxxiv, n. 9. U impetratio est l’effet de la demande, de la requête, et non la demande elle-même. Le terme français « impétrer », particulièrement usité dans la langue du droit, a exactement le même sens. Cf. Littré, Dictionnaire de la langue française.

Pourtant, comme impétrer signifie obtenir en demandant, le terme a été appliqué de l’effet à la cause, de l’obtention à la requête. Du Gange, Glossarium médise et infimse latinitatis, donne cette définition de V impetralio : libellas supplex, quo coram judice superiori, omisso medio, jus suum prosequendi licentia petitur. Et, bien qu’en général les théologiens conservent au mot impétration son sens précis d’obtention par le moyen de la prière, on peut rencontrer des écrivains catholiques qui prennent le mol impétration comme synonyme de prière, de supplication, par exemple, André, op. cit. : « de sorte que par impétration on entend une demande formée par une supplication qui est suivie de son effet. »

IL Dans quels traités théologiques est-il QUESTION de l’impétration ? — L’impétration étant l’effet propre de la prière, c’est au traité De virtute religionis que ressortit en premier lieu la question de l’impétration. On y étudie notamment à quelles conditions doit satisfaire la prière pour avoir une valeur impétratoire infaillible, en d’autres termes, pour être efficace. L’examen de ces conditions est renvoyé à l’art. Prière (Efficacité de la).

La prière est un moyen d’obtenir ce que l’on désire ; mais toutes nos bonnes œuvres nous obtiennent aussi de Dieu les biens spirituels, ou même temporels, dont nous avons besoin : le traité De mérita s’efforce de bien distinguer le mérite de l’impétration.

Le sacrifice de la messe est certainement l’acte