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INFIDÈLES


lement ne sont pas en contact avec les ministres de l’Église, mais qui n’ont même aucun moyen historique de connaître ce fait ancien, ou, s’ils le connaissent, de le connaître par des motifs sulTisants de crédibilité comme fait divin et surnaturel, ce qui est une condition préalable de la foi. Voir Foi, col. 171 sq. De là le problème angoissant du salut de ces païens : pour ce salut, la foi leur est nécessaire et en même temps, semble-t-il, impossible.

On distingue l’infidèle « positif », ayant rejeté la révélation qui lui était suffisamment proposée comme divine et obligatoire, bien que souvent il cherche à se faire illusion sur l’origine divine et le caractère obligatoire de cette révélation, et l’infidèle « négatif », celui à qui la révélation n’a jamais été proposée, du moins suffisamment, et qui est de bonne foi en ne croyant pas. Que l’infidèle positif n’arrive pas au salut, il n’y a rien là d’étonnant : c’est sa faute ; Dieu lui a offert les moyens de salut. La difficulté ne commence qu’avec l’infidèle négatif, le seul que nous ayons à considérer ici. « Infidèle », en théologie, peut se prendre, a) au sens générique : il comprend alors, avec ceux qui n’ont ni le baptême ni la foi chrétienne, ceux qui croient en dehors de l’Église une partie des vérités révélées, et rejettent les autres. La raison d’étendre à ceux-ci le nom d’infidèles, c’est que, s’ils ne sont pas de bonne foi, si leur conscience les avertit qu’ils devraient croire les vérités qu’ils rejettent, ils commettent le péché d’infidélité, ou rejet coupable d’une ou plusieurs vérités révélées ; et ce péché, soit qu’il porte directement sur une seule vérité ou sur toutes, détruit également dans l’âme la vei’tu infuse de foi. L’hérétique « formel » a donc « perdu la foi » en rejetant un dogme, aussi bien que l’apostat qui les rejette tous ; il est sans foi, infidelis ; on fait donc rentrer le péché d’hérésie dans celui d’infidélité. Voir. Hérésie, t. vi, col. 2211 ; Foi, t. vi, col. 313, 385, 386. b) Au sens spécifique, « infidèle », se dit seulement des non baptisés, et s’oppose à 1’ « hérétique » baptisé. D’ailleurs, quand il s’agit d’une âme de bonne foi, engagée par sa naissance dans l’hérésie, il n’y a pas de péché contre la foi ; la vertu infuse, reçue au liaptêine, n’a pas été perdue par des négations que l’ignorance invincilile excuse ; et l’acte salutaire de foi peut être fait sur les vérités qui sont retenues comme révélées. Voir Foi, col. 165, 306, 307. De cette foi, la grâce de Dieu peut faire passer l’âme aux autres actes nécessaires d’espérance, de charité, de contrition ; par ces actes s’ouvre une voie suiïisante au salut. La possibilité du salut n’est donc pas difficile à expliquer pour l’hérétique « matériel » ou de bonne foi ; reste seulement à bien entendre l’axiome « Hors de l’Église pas de salut. » Voir Bonne foi, t. ii, col. 10Il sq. ; Église, t. iv, col. 2163-2170. Nous n’avons pas à nous occuper ici de cette question plus facile de l’hérétique matériel ; nous prenons donc le mot « infidèle » au sens spécifique, pour les non baptisés, et qui ignorent la révélation, et de bonne foi (infidèles négatifs).

2° Principes généraux que toute solution du problème doit respecter. — Les uns sont des dogmes, les autres des thèses certaines et communément admises. Presque tous appartiennent à d’autres articles du dictionnaire, et ne sont pas à démonti-er ici. En voici le sommaire :

1. La fin dernière.

Dieu a élevé l’homme à la fin surnaturelle, concile du Vatican, sess. IH, c. ii, Denzinger-Bannwart, n. 1786 ; élévation qui n’a rien d’impossil )le. Ibid., n. 1808. Cette fin surnaturelle est la vision intuitive de Dieu, dé finie par Benoît X II ; elle est appelée « salut » de l’âme, Phil., ii, 12 ; I Pet., i, 5, 9, etc. Voir Benoit XII, t. ii, col. 657.sq. ; Fin dernière, t. v, col. 2485, 2486 ; Gloire, t. VI, col. 1393 ; iNniTivE (Vision).

2. La justification, moyen nécessaire pour arriver à la fin dernière. — Celte fin ne pourra être obtenue, si l’homme n’a été « transféré, de l’état où il naît, dans un état de grâce et d’adoption », translation en quoi consiste la « justification. » Concile de Trente, sess. VI, c. IV, Denzinger-Bannwart, n. 796. Cet état de grâce est une condition nécessaire pour le salut. Ibid., n. 842. La justification est une « sanctification et une rénovation de l’homme intérieur par la grâce et les dons qu’il reçoit volontairement… en sorte qu’il devient héritier de la vie éternelle. » Ibid., n. 799. Voir Grâce, t. vi, col. 1561 sq. ; Justification.

3. Nécessité, pour le salut, de mourir en étal de grâce (persévérance finale). — Cette « vraie justice » ou sainteté infuse, que l’on reçoit par la justification au baptême, on devra y persévérer « de manière à la porter au tribunal de Jésus-Christ et à avoir la vie éternelle. « Concile de Trente, loc.cit., n. 800. L’homme une fois « justifié… mérite par ses bonnes œuvres …l’acquisition de la vie éternelle, si toutefois il meurt en état de grâce. » Ibid., n. 842. Ainsi l’état de grâce est de rigueur à la mort, pour être sauvé. Qui meurt en état de péché, ne peut espérer une justification qui le sauverait après la mort. Voir Grâce, col. 1604 sq. ; Impénitence finale ; Persévérance.

4. La foi, condition nécessaire de la justification. — L’adulte ne peut obtenir la justification sans certaines " dispositions », actes libres et surnaturels. La première de ces dispositions est l’acte de foi, « par lequel on croit vrai ce que Dieu a révélé. » Concile de’Trente, ibid., n. 797, 798, n. 813. La foi est « le fondement et la racine de toute justification. » Ibid., n. 801.

Ici le point absolument certain, c’est que l’acte de foi, dont parle le concile, est, au moins en principe, nécessaire à la justification de l’adulte, et ne peut se confondre avec les actes purement facultatifs. Mais quelle est la nature exacte de cette nécessité, c’est une question fort difficile, controversée entre catholiques dans une certaine mesure, et pourtant capitale pour choisir la meilleure solution au problème qui nous occupe. Aussi la traiterons-nous largement, en exposant la thèse fondamentale.

5. Avec quelle étendue Dieu veut la fin dernière. — Après avoir vu quelle est la fin dernière dans l’ordre présent, on peut se demander si tous les hommes y sont vraiment appelés : quel est là-dessus le plan divin. Or « Dieu veut le salut de tous les hommes, » I Tim., II, 4 sq., même après le péché originel ; la rédemption du (Christ a été pour tous. Ibid., 6. Aussi Innocent X a-t-il condamné cette 5 « proposition de Jansénius : Semipelagianum est dicere Christum pro omnibus omnino hominibus morluum esse… ; et il déclare que si l’on entend par là que le Christ est mort pour les seuls prédestinés, c’est un blasphème et une hérésie. Denzinger, n. 1096. Et Alexandre VIII a condamné cette autre proposition des jansénistes : Christus dédit semetipsum… pro omnibus et solis fidelibus. Denzinger, n. 1294. Voir t. i, col. 753. Si le Christ ne s’est pas offert pour les seuls fidèles, il s’est donc ofïert aussi pour les infidèles, même pour ceux’qui de toute leur vie ne deviennent jamais des fidèles. Cette volonté « salvilique » de Dieu, comme disent les théologiens, n’est sans doute que conditionnelle, puisqu’il y a des damnés, qui n’entreront jamais au ciel ; et il fallait faire sa part à la liberté de l’homme : mais c’est une volonté sérieuse, ce qui suppose qu’elle offre à tous une vraie possibilité de salut. Voir Salut.

6. La grâce suffisante donnée à tous, même aux infidèles. — C’est une conséquence logique de la volonté divine de sauver tous les hommes, et de leur donner à tous une vraie possibilité de salut. L’adulte ne peut oljtenir la justification sans des actes libres et surnaturels, qui ont besoin d’une grâce intérieure et