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INFANTICIDE — INFIDELES


malgré les efforts tentés, l’exposition des enfants restait un infanticide déguisé.

Il y avait donc toujours place pour la charité privée €l les hardies initiatives. Saint Vincent de Paul en fut l’apôtre. On connaît ses premiers efforts, les difficultés auxquelles il se heurta et qui semblaient devoir le condamner à un échec. On connaît aussi sa fameuse allocution aux dames de la charité : « Or sus, mesdames, la compassion et la charité vous ont fait adopter ces petites créatures pour vos enfants ; vous acz été leurs mères selon la grâce, depuis que leurs mères selon la nature les ont abandonnés. Voyez maintenant si vous voulez aussi les abandonner. Cessez d’être leurs mères pour devenir à présent leurs juges ; leur vie et leur mort sont entre vos mains… ; il est temps de prononcer leur arrêt et de savoir si vous ne voulez plus avoir de miséricorde pour eux. Ils vivront si vous continuez d’en prendre un charitable soin ; et au contraire ils mourront et périront infailliblement si vous les abandonnez ; l’expérience ne nous permet pas d’en douter. » Sous son impulsion furent créés, à Paris d’abord, puis dans les principales villes du royaume, des hôpitaux spéciaux pour enfants trouvés ; et le nombre des pauvres petits qui y furent recueillis montre à quelle nécessité urgente répondait cette création : à l’hôpital des Enfants trouvés de Paris, il yen eut 312 en 1670 ; 890 dix ans après ; vers la fin du xviie siècle, on en compte plus de 1 600 ; en 1740, 3 150 et près de 7 000 en 1770.

La Révolution a enlevé à l’Église le soin des enfants trouvés pour le confier à l’État ; mais sur ce terrain spécial comme dans tous les domaines de la charité, l’Église fut la première et pendant de longs siècles la seule à penser aux pauvres enfants abandonnés : c’est elle qui a tourné vers cette misère des cœurs aimants et créé des institutions pour la soulager.

III. Appréciation morale de l’infanticide. — 1° L’infanticide positif.

Il est un homicide et un homicide commis par ceux-là mêmes qui avaient le devoir absolu de veiller sur la vie de leur enfant. A ce double point de vue, il est un péché grave.

Péché grave contre la justice d’abord, comme tout homicide. Voir col. 37-38.

Péché grave ensuite contre les devoirs imposés aux parents ; et c’est une circonstance qui ajoute une malice spécifique nouvelle au péché d’homicide. Dieu, en effet, en faisant naître un enfant dans une famille, ne donne pas aux parents un droit absolu sur le petit être ; il n’est pas une chose quelconque dont les parents puissent user et abuser ; il est un dépôt qui leur est confié. L’enfant est incapable de vivre par lui-même : les parents lui doivent de protéger cette vie toute faible, de la garantir et de la fortifier autant qu’il est en eux. L’enfant n’a pas à sa naissance la vie surnaturelle : il ne la recevra qu’au baptême et c’est aux parents de lui procurer, autant qu’ils le peuvent, la grâce et le salut. Si, par un crime, les parents tuent cet être qu’ils avaient mission de défendre, ils vont directement et en matière grave contre la volonté de Dieu, auteur de la nature et créateur de la famille ; si les parents donnent la mort à leur enfant avant que celui-ci ait reçu la grâce par le baptême, alors que leur devoir était de la lui procurer, ils vont directement et en matière grave contre la volonté de Dieu, auteur de l’ordre surnaturel.

Nous laissons de côté volontairement les considérations sociales ou humanitaires pour nous en tenir aux motifs religieux.

Infanticide négatif ou abandon de l’enfant.

Si l’abandon a lieu dans des conditions telles que l’enfant doive inévitablement mourir, faute de quelqu’un qui le recueille, c’est un véritable infanticide au point de vue de la conscience : il faut en juger comme de

l’infanticide positif. Ce sont des crimes que rien ne saurait justifier.

II en va autrement de l’abandon tel qu’il s’est pratiqué et se pratique encore dans nos sociétés. L’enfant n’est pas condamné à mourir faute de soins ; placé dans un endroit où certainement il sera recueilli, ou confié anonymement à une œuvre créée dans ce but, il ne manquera pas des soins que réclame le nouveau-né. Ce n’est donc pas un homicide. Mais c’est toujours un manquement grave aux devoirs imposés aux parents. C’est à eux et non à des étrangers que Dieu a confié leur enfant, âme et corps ; ils sont personnellement responsables de sa vie, de son éducation morale et religieuse et n’ont pas le droit de se décharger sur d’autres de l’obligation qu’ils ont contractée en le mettant au monde. Il faudrait des circonstances exceptionnellement urgentes pour autoriser cet abandon de l’enfant, par exemple, la misère qui mettrait les parents dans l’impossibilité absolue de le nourrir, ou peut-être aussi une crainte grave de déshonneur. Encore faudrait-il que les parents n’aient rien négligé de ce qui est en leur pouvoir pour assurer à l’enfant qu’ils délaissent la vie surnaturelle, l’éducation physique, morale et religieuse, et même l’avenir auquel il a droit. Cf. Ballerini-Palmieri, Opus theologicum morale, tr. VI, sect. iv, dub. ii, Prato, 1890, t. ii, p. 571.

L. GODEFROY.

    1. INFIDÈLES (Salut des)##

INFIDÈLES (Salut des). Ce problème théologique, très comphqué, a toujours préoccupé les esprits, et les attire spécialement de nos jours. — I. Notions préliminaires. II. Solutions hétérodoxes du problème. Les unes rigoristes (calvinisme, jansénisme). Les autres laxistes (origénisme, pélagianisme, naturalisme ou rationalisme) ; examen historique de quelques auteurs célèbres, accusés d’une solution naturaliste (Abélard, Vives, Dominique Soto, Véga). III. Thèse fondamentale pour le choix de la meilleure solution : « l’acte de foi stricte est de nécessité de moyen pour la justification de l’adulte, absolument et sans aucune suppléance. » État de la question ; principaux adversaires (Ripalda, Gutberlet). Preuves : documents de l’Église, Écriture sainte et tradition des Pères ; réponse aux objections. IV. Solutions orthodoxes du problème, nombreuses et plus ou moins probables.

I. Notions préliminaires.

1° Définitions des termes et délimitation de la question. — « Salut », au sens théologique, signifie l’acquisition de la fin surnaturelle, de la vision intuitive de Dieu, à laquelle Dieu a bien voulu, après comme avant le péché originel, destiner les hommes, bien que cet état final fût au-dessus de leurs forces et de leurs exigences. « Infidèle », au sens théologique, signifie celui qui n’a pas la foi, fides, de même qu’un « fidèle » est celui qui a la foi. « Infidèle » peut encore signifier le manque de fidélité, mais alors il demande un complément : infidèle « à ses promesses » ou « à ses obligations. » Dans la question présente, c’est le seul manque de foi qui définit l’infidèle.

De quelle « foi » s’agit-il ? De la foi proprement dite : c’est-à-dire d’un assentiment dont le motif est l’autorité du témoignage de Dieu, de la révélation divine. Voir Foi, t. vi, col. 107 sq. C’est par rapport à cette foi qu’un homme est appelé « infidèle » en théologie. De quelle révélation divine est-il question ? D’une révélation surnaturelle, ibid., col. 122 sq. ; et généralement d’une révélation médiate, révélation ancienne, transmise par l’intermédiaire de témoignages humains, surtout par la prédication de l’Église : nous avons montré que la révélation médiate suffit à la foi, qu’elle en est même la condition normale. Ibid., col. 144. Mais une telle révélation peut facilement rester inconnue et inaccessible à des païens qui non seu-