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INFANTICIDE


En même temps l'Église qui commence à exercer sa bienfaisante influence sur le pouvoir civil, l’appelle à collaborer avec elle dans cette lutte. Le 17 « canon disciplinaire du 1I1 « concile de Tolède, en 589, invite le clergé et les juges civils « à unir leurs efforts pour détruire l’aliominable pratique, très répandue, de parents tuant leurs enfants pour ne pas les nourrir, » Hefele, trad. Leclercq, t. iii, p. 227. On trouvera le texte complet de ce canon dans Mansi, Concil., t. IX, col. 997.

De fait, à partir de Constantin, les lois impériales se font sévères contre l’infanticide, et on est bien obligé d’y reconnaître l’influence de l'Église. De Constantin même, nous avons une loi datée de 319 qui condamne au dernier supplice les parricides (et sous ce nom, le droit romain entendait non seulement les enfants qui tuent leurs parents, mais aussi les parents qui tuent leurs enfants). On ne les fera pas mourir par le glaive, ou par le feu, ou par une autre peine ordinaire ; on les coudra dans un sac de peau avec quelque bête, chien, vipère ou singe, et on les jettera, suivant les lieux, dans la mer ou dans une rivière. De parricidiis, P. L., t. viii, col. 152. En 374, Valentinien ordonne encore la peine de mort contre l’infanticide, Code Théodosien, IX, xvi, et veut que l’on mette en vigueur les sanctions prononcées contre ceux qui exposent leurs enfants : « Que chacun nourrisse ses enfants ; s’il les expose, qu’il soit puni conformément à la loi. » Code Justinien, VIII, ui, de inf. expos., 2.

Cette même influence de l'Église, nous la retrouvons dans les législations barbares. « Dans le crépuscule des temps barbares, dit Laboulaye, il semble que le père a sur les siens une autorité absolue ; il est impossible de méconnaître qu’une fois le christianisme levé, toutes ces atrocités disparaissent devant cette grande lumière. » Recherches sur la condition civile des femmes depuis les Romains jusqu'à nos jours, 1843, p. 81. Et en effet, peu à peu, les lois civiles des Wisigoths, des Francs, des Bavarois, des Anglo-Saxons, en s’imprégnant de l’esprit chrétien, édictent des mesures contre l’infanticide. Les parents, dit la loi des Wisigoths, n’ont pas le droit d’exposer ou de vendre leurs enfants. Celui qui recueille un enfant abandonné de naissance libre a droit à un esclave que les parents lui remettront en échange de leur enfant. Si les parents ne se font pas connaître, le juge les recherchera, les condamnera à une amende et à un exil perpétuel ; et s’ils ne peuvent payer l’amende, l’auteur de l’abandon deviendra esclave en place de l’enfant recueilli. Lex Visigothorum, t. IV, tit. iv,

§ 1 Pour terminer ce rapide exposé des lois formulées ou inspirées par l'Église contre l’infanticide, nous signalerons que le Corpus juris a toute une législation sur ce point, Décret. Greg. IX, t. V, tit. x, De his qui filios occiderunt ; tit. xi. De infantibus et languidis expositis, et que jusqu’en ces derniers temps, un certain nombre de statuts diocésains portaient des peines ou des réserves, soit contre l’infanticide proprement dit, soit contre l’exposition et l’abandon des enfants, soit contre l’imprudence des parents qui faisaient coucher avec eux des petits enfants et les étouffaient ou les blessaient gravement.

3 » Institutions de l'Église pour recueillir les enfants abandonnés. — L’infanticide proprement dit était un crime devant lequel la plupart des parents reculaient ; ils avaient un autre moyen de se débarrasser d’enfants qui les gênaient : c'était de les abandonner. L’abandon de l’enfant, c'était pour lui dans beaucoup de cas la mort ; dans d’autres une condition pire que la mort, si l’enfant était recueilli dans un but de lucre ou de débauche. Contre de double danger, l'Église a voulu prémunir l’enfant en créant et en multipliant

les institutions de charité qui recueillaient les pauvres abandonnés.

Le soin des enfants délaissés a évidemment préoccupé l'Église dès les premiers temps. Dans les Constitutions apostoliques, probablement vers 400, nous trouvons de chaudes recommandations en faveur des petits orphelins : « Quand un enfant chrétien, garçon ou fdle, reste privé de ses parents, c’est une bonne œuvre si un frère, sans descendants, l’adopte et le traite comme sien ; si, au contraire, un riche repousse l’orphelin qui est membre de l'Église, le Père des orphelins veillera sur ce délaissé et il enverra au riche la punition de son avarice, » iv, 1, P. G., t. i, col. 807. Ce texte parle des orphelins, non des abandonnés : mais il indique l’esprit de charité qui, dès le début, anime l'Éghse en faveur de la faiblesse de l’enfant privé de ses parents : c’est la mise en pratique du précepte du Maître.

Toutefois si, dans les premiers temps de l'Église, des fidèles pouvaient recueillir des enfants abandonnés pour les adopter ou les faire élever à leurs frais, il ne semble pas qu’il y ait eu d’abord des institutions fondées dans ce but. Lallemand, Histoire des enfants abandonnés et délaissés, p. 78-80. L'Église se contenta d’encourager les charités individuelles en garantissant à celui qui a recueilli un petit abandonné tout droit sur l’enfant ; ainsi au concile de Vaison, 442, can. 9 et 10, et au concile d’Agde, 506, can. 24. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. ii, p. 459, 460, 991. Il semble qu’il en fut encore longtemps ainsi en Occident ; l’abandon des enfants se faisait souvent à la porte de l'église, comme pour mettre le petit être sous la protection du Christ et le recommander à la charité des fidèles. A Trêves, on avait même disposé devant la porte de l'église une coquille de marbre destinée à recevoir les enfants abandonnés. Vila S. Goaris, dans les Acta sanctorum, julii t. ii, p. 335. Certains documents nous permettent d’assister à la suite des événements : l’enfant est recueilli, on recherche pendant trois jours ses parents ; comme ils restent introuvables, on fait baptiser l’enfant, puis on le met en nourrice. Formulæ Andegavenses, n. 39, citées par Lallemand, Histoire de la charité, t. ii, p. 170.

En Orient, l’organisation de la charité envers les enfants abandonnés était plus perfectionnée. Dès le ive siècle, nous voyons s'élever des brephotrophia et des orphanotrophia où sont nourris et instruits les enfants privés de leurs parents, orphelins ou exposés Lallemand, ibid., p. 133. Ces asiles se multiplièrent peu à peu dans toute l'Église ; et au moyen âg ? il n’est guère de ville un peu importante qui ne possède parmi ses établissements d’assistance une maison où l’on recueille les enfantas trouvés. Cf. Lallemand, Histoire de la charité, t. iii, p. 135-151.

Cependant, quelque considérable qu’en fût le nombre, il était encore insuffisant pour subvenir aux besoins. L’exposition des enfants demeurait pratique courante dans certains cas, malgré les condamnations de l'Église et les peines très fortes édictées par le pouvoir civil. On cite même des maisons, comme l’Hôtel-Dieu-le-Comte, de Troyes, ou Saint-Jean d’Angers, auxquelles les statuts interdisaient de recevoir les enfants exposés, de peur que leur aflluence ne fût une cause de ruine. Lallemand, ibid., p. 138. Du temps de saint Vincent de Paul, Abelly estime à trois ou quatre cents au moins le nombre des enfants exposés chaque année dans la seule ville de Paris. Vie de saint Vincent de Paul, . I, c. xxx, Paris, 1839, 1. 1, p. 143. D’autre part, les soins que recevaient les enfants entassés dans ces asiles n'étaient pas toujours assez éclairés ; l’hygiène y était rudimentaire et la maladie y faisait des victimes en foule. Abelly, ibid., donne des détails navrants, et rien ne prouve mieux que.