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INFAILLIBILITE DU PAPE — INFANTICIDE


1. Aucune des preuves invoquées en faveur de l’infaillibilité pontificale ne démontre le privilège en question. Les deux textes scripturaires, Matth., xvi, 18, et Luc, XXII, 22, selon l’argumentation précédemment établie et selon l’interprétation constante des théologiens, prouvent seulement l’infaillibilité du pape enseignant, comme pasteur et docteur de l'Église entière, ce que les fidèles sont tenus de croire ou d’admettre. C’est également tout ce que prouve, d’après toute notre exposition, le témoignage de la tradition catholique.

2. On ne peut non plus démontrer que le privilège en question est inadmissible. Il ne se heurte à aucun principe certain de la théologie ; et d’autre part les défaillances imputées à certains papes ou ne sont pas absolument certaines au regard de, l’histoire, ou n’intéressent pas la foi. Voir Arianisme, 1. 1, col. 1825 sq., et Libère.

3. On peut même penser, avec quelque probabilité, qu'étant donné le dogme de l’infaillibilité pontificale, l’existence du susdit privilège semble plus conforme à l’ordre providentiel tel qu’il se manifeste habituellement à nous. Voir Collectio I.accnsis, t. vii, col. 357. Car, selon l’ordre providentiel tel qu’il nous est manifesté par le témoignage constant de la tradition, l’infaillibilité pontificale nous est garantie, non par une inspiration divine ou par quelque acte analogue, mais par une simple assistance du Saint-Esprit, écartant tout danger ou toute possibilité d’erreur dans le jugement doctrinal porté par le pape et rendu par lui obligatoire pour tous les fidèles. Or, dans l’hypothèse indiquée, cette simple assistance ne suffirait point, puisque l’intelligence de celui qui devrait enseigner la vérité divine pourrait être à quelque moment opposée h cette vérité. On devrait admettre une inspiration divine toute spéciale et une motion exceptionnelle dans le genre de celle qui, selon l’expression de Bellarmin, mit des paroles dans la bouche de l'ânesse de Balaam ; procédés sans doute possibles à la toutepuissance divine, mais qni ne s’harmonisent guère avec la conduite habituelle de la Providence. Cette opinion vaut ce que valent les raisons qui l’appuient ; mais elle n’est à aucun titre garantie par l'Église, ni adoptée par l’ensemble des théologiens.

Outre les nombreux ouvrages cités au cours de cet article, on peut consulter les traités Ueiïccfesia qui s’occupent tous de l’infaillibilité pontificale, le Kirchenlexikon, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1901, t. xii, col. 348 sq., la Catliolic Encydopedia, New York, 1910, t. vii, p. 790 sq. et le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. III, col. 1333-1371 et 1422-1534.

Spécialement pour les textes néo-testamentaires qui traitent des prérogatives de saint Pierre, voir J. Corluy, Spicilegium dogmalico-biblicum. Gand, 1884, t. i, p. 32-71 ; C. A. Kellncr, Ueber die « iirspriinyliche » Formdes Matth. XVI, lS-19, Zeitschrift fiir katholische Théologie, Inspruck, 1920, p. 147-169 ; Kessel, Der Spruch iiber Peints als Felsen der Kirche, dans Paslor bonus, 1920, p. 193-207,.326-333, 393-413, 471-487 ; J. Sickenberger, Eine neue Deutung der Primatstelle, Mt.XVl, 16, dans Theologische Revue, l'^M, col, 1-7 ; L. Fonck, Tu es Pelrus, dans Biblica, Rome, 1920. 1. 1, p. 240-264 ; Prosper Schepens, L’authenticité de saint Matthieu, XVI, 18, dans les Recherches de science religieuse, septembre-novembre 1920, p. 271-302 ; H. Dicckmann, Mt., XVI, 18, dans Biblica, P^ome, 1921, p. 6.'5-69. Les principaux documents ecclésiastiques sur l’infaillibilité du pape se trouvent dans Cavallera, Thésaurus doclrinæ catholicx, Paris, 1920, n. 168, 188, 193, 325, 332, 378, 541.

E. DUBLANCHY.

INFANTICIDE. — D’après l'étymologie (mjaniem, aedere), l’infanticide est le meurtre d’un enfant. Dans le langage juridique, le sens est plus précis : c’est le meurtre d’un enfant nouveau-né. Ainsi le Code pénal, art. 300, s’exprime de la manière suivante : « Est qualifié infanticide, le meurtre d’un

enfant nouveau-né. « Il se distingue donc de l’avortement qui tue l’enfant dans le sein de la mère. Voir 1. 1, col. 2644 sq. Le langage courant ajoute une détermination de plus : il réserve d’ordinaire le mot d’infanticide au meurtre du nouveau-né par son père ou sa mère. C’est dans ce sens que nous allons étudier l’infanticide en exposant : I. Ce qu’il a été de fait dans les principales sociétés civilisées. IL Quelle fut l’attitude de l'Église en face de l’infanticide. III. Ce qu’il faut en penser au point de vue moral.

L L’infanticide dans les PRiNapALEs sociétés. — Nous trouvons deux principales manières dont ce crime fut commis et l’est encore. Dans certains cas, le père ou la mère commettent positivement l’acte criminel : ils tuent, étouffent ou noient leur enfant (infanticide positil). Beaucoup plus souvent, ils se contentent de le laisser sans aucun des soins nécessaires pour soutenir la vie du nouveau-né ; ils l’abandonnent, l’exposent, soit dans un endroit écarté où, inévitablement, il doit périr, soit dans un 'endroit public où peut-être il sera recueilli dans un but de charité ou de lucre, mais où il peut aussi être délaissé et mourir (infanticide négatif).

En Grèce.

Signalons d’abord une sorte d’infanticide légal. A Sparte, les enfants, d’après Lycurgue, appartiennent à l'État plus qu'à leurs parents. Quand un enfant est né, il est porte devant les anciens, qui ne permettent de garder et de nourrir que les enfants de robuste apparence. L’enfant est-il chétif ou mal conformé, il est porté sur le mont Taygète ; et là (les textes ne sont pas parfaitement clairs et les auteurs modernes les interprètent de l’une ou de l’autre façon) on le précipite dans le gouffre des Apothètes, ou peut-être on l’abandonne simplement, de sorte qu’il ne puisse être élevé avec les enfants des citoyens. Plutarque, Lycurgiie, § 16.

Dans les autres cités grecques, à Athènes surtout, l’enfant appartient complètement au père ; c’est lui qui prononce souverainement sur le sort du nouveauné. Dans les dix jours qui suivent la naissance, si le père a décidé de l’accepter dans la famille et de l'élever, il le prend et le porte autour du foyer pour l’associer au culte des ancêtres. Sinon, il a le droit de l’abandonner, de le vendre ou de le faire mourir. Tel sera surtout le sort des infirmes, des chétif s ou des petites filles ; car élever une fille, c’est un luxe coûteux, un sacrifice sans compensations. Cf. Glotz, art. Expositio, dans le Diction, des antiquités grecques et romaines, t. ii, p. 930-939 ; et Léon Lallemand, Histoire des enfants abandonnés et délaissés, Paris, 1885, p. 36.

Le mode d’exposition était double. Tantôt le père portait l’enfant dans un endroit où il devait mourir : c'était ràTr66sai.ç. D’autres fois, il le plaçait en un lieu où il pouvait être recueilli, et il arrivait que l’on mît à côté de lui des objets qui permissent de le reconnaître plus tard : c'était VixQzaiç, . Quel que soit le mode choisi, le père ne peut être inquiété : il use de son droit souverain en se débarrassant d’un enfant qui le gêne ; ni les lois ne le lui nient, ni les philosophes ne le lui contestent. Aristote, Politique, vii, 16 ; Platon, République, v.

A Rome.

Nous trouvons les mêmes principes et les mêmes mœurs, mais avec une abondance de documents incomparablement plus grande.

La loi des XII Tables ne permet pas de garder les nouveau-nés monstrueux. Cicéron, De legibus, III, 8. Comme de pareilles naissances annonçaient quelque malheur public, ces petits êtres mal conformés étaient brûlés, Lucain, Pharsale, i, vers 589 sq., ou placés dans un coffre que l’on jetait à la mer, ou simplement noyés. Tite-Live, Hist., xxvii, 37 ; xxxi, 12 ; cf. Léon Lallemand, Histoire de la charité, Paris, 1902, t. u p. 104.