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INFAILLIBILITE DU PAPE


Corpus juris, et cités assez fréquemment, en théologie dogmatique ou en théologie morale, eu faveur d’une assertion doctrinale ou d’une obligation morale. — b) Beaucoup d’assertions doctrinales, dans les encycliques de Léon XIII et de Pie X, où un enseignement est loué, recommandé ou simplement affirmé, sans aucune indication de son appartenance à la révélation ou à la tradition catholique constante et universelle et sans aucune indication d’obligation stricte imposée par la foi ou par la soumission due à la souveraine autorité du pontife romain. Nous ne croyons point nécessaire de rapporter ici aucun exemple particulier. Nous ferons seulement observer que dans ces cas, comme pour les définitions infaillibles dont nous avons parlé précédemment, les arguments ou motifs sur lesquels l’enseignement doctrinal est appuyé dans le document pontifical, ne sont point l’objet direct et immédiat du jugement doctrinal. Ils ne tombent point dès lors sous l’obligation directe qu’il impose, bien qu’il puisse habituellement y avoir témérité à rejeter ces arguments ou motifs, surtout si l’adhésion au jugement doctrinal devait par là être mise en péril. Ainsi dans l’encyclique Rerum noimrum de Léon XIII. du 16 mai 1891, on devra distinguer entre les arguments multiples et très développés, et des affirmations doctrinales, portant principalement sur la légitimité du droit de propriété privée, comme découlant du droit naturel, sur la réprobation du socialisme, sur la légitimité de l’intervention législative de l'État dans les cas et selon la mesure indiquée, et sur les droits appartenant aux corporations selon le droit naturel.

7. On doit distinguer des décrets doctrinaux non infaillibles, les décrets principalement disciplinaires, dont l’objet premier et principal est l’accomplissement de quelque injonction positive, accompagnée, il est vrai, de considérants et d’arguments d’ordre intellectuel, mais sans que ceux-ci tombent, du moins par eux-mêmes, directement et nécessairement, sous l’obligation imposée. Toutefois, notons encore ici, qu’il y aurait facilement témérité et danger à rejeter ces arguments, même en dehors de toute obligation d’adhésion qui peut exister en vertu d’autres enseignements de la révélation chrétienne ou du saint-siège.

A la catégorie des décrets principalement disciplinaires, on peut rattacher tous les documents positifs concernant le principal civil du pontife romain. Nous croyons inutile d’insister encore sur la téméi’ité qu’il y aurait à rejeter, contrairement au jugement du pape, les arguments sur lesquels, dans tous les documents pontificaux, le maintien des droits du saint-siège est appuyé.

A la catégorie des décrets inincipalement disciplinaires, paraissent également appartenir les nombreux documents de Léon XIII et de Pie X, prescrivant l’emploi de la philosophie scolastique de saint Thomas, particulièrement pour les séminaires et les instituts religieux. Les très graves arguments sur lesquels cette mesure disciplinaire est appuyée, surtout dans l’encyclique JEterni Palris du 4 août 1879, ne sont point l’objet d’un jugement doctrinal, que le saint-siège veuille rendre, de soi, strictement obligatoire, en dehors de ce qui est imposé à l’obéissance. Mais il y aurait très grande témérité et danger manifeste à les rejeter ou à ne pas en tenir compte, surtout si l’observation des prescriptions pontificales, devait, pour cela, être mise en péril, comme il y a tout lieu de le craindre.

La même remarque doit encore être appliquée aux arguments et aux considérants sur lesquels sont appuyées les prescriptions tracées par Pie X, dans plusieurs documents principalement disciplinaires concernant l’action catholique et la question sociale, comme le Motn proprio sur l’action populaire chrétienne du

18 décembre 1903, les encycliques II ferma proposito du Il juin 1905 et Pieni l’animo du 28 juillet 1906, aux évêques d’Italie, et la lettre encyclique Singulari quadam du 15 novembre 1912 aux évêques d’Allemagne. On observera d’ailleurs que, parmi les arguments ou considérants employés dans ces documents, plusieurs, bien qu’ils ne soient point l’objet d’un jugement doctrinal, doivent cependant, d’après d’autres enseignements pontificaux, être tenus pour certainement vrais. Telle est, par exemple, dans la lettre encyclique Singulari quadam, cette assertion que la question sociale et les controverses qui s’y rapportent, relativement au contrat et à la durée du travail, au salaire et aux grèves, ne sont point des questions purement économiques, pouvant se résoudre en dehors de l’autorité de l'Église, puisqu’il est au contraire très vrai, selon l’enseignement de Léon XIII dans l’encyclique Graves de commuai du 18 janvier 1901, que la question sociale est tout d’abord une question morale et religieuse, et que, pour cette raison, elle doit être résolue principalement d’après la loi morale et le critère de la religion.

2° conclusion concernant la gravité de l’obligation imposée et la malice spécifique de la faute commise dans le cas d’insoumission à un tel enseignement pontifical. — 1. La gravité de l’obligation imposée, dans un cas donné, par tel enseignement pontifical doit se mesurer d’après les principes suivants : a) On doit tenir compte des principes exposés en théologie morale relativement à l’obligation des lois ecclésiastiques relativement aussi aux dangers plus ou moins prochains et plus ou moins graves auxquels la foi peut être exposée, b) On doit également tenir compte de la connaissance et de l’advertance du sujet, ainsi que de la circonstance de scandale, plus ou moins grave, qui peut se présenter, parfois aussi de la virconstance du mépris de l’autorité ecclésiastique, si elle existait réellement, ce qui est assez rare.

2. La malice spécifique de la faute commise dans le cas d’insoumission à un tel enseignement pontifical doit s’apprécier selon les principes suivants : a) Il y a toujours en soi violation d’une loi de l'Église obligeant gravement en une matière relevant immédiatement de son autorité. — 6 j II y a souvent, per accidens, faute contre la vertu de foi dans la mesure où, en désobéissant au magistère pontifical, on s’expose à quelque danger plus ou moins grave concernant la foi. — c) Il peut facilement aussi y avoir faute contre la charité, par le scandale donné ou par le dommage spirituel que l’on peut causer autour de soi par sa désobéissance, suivant la position que l’on occupe et l’influence que l’on peut exercer.

II. CONTROVERSE THÉOLOOIQUE CONCERNANT LE PRIVILÈGE DE L’EXEMPTION DE L' HÉRÉSIE, ATTRIBUÉ, PAR QUELQUES THÉOLOGIENS, AU PAPE CONSIDÉRÉ MÊME COMME PERSONNE PRIVÉE.

Aperçu historique.

1. On rencontre dans le Decretum de Gratien cette assertion attribuée à saint Boniface, archevêque de Mayence, et déjà citée sous son nom par le cardinal Deusdedit († 1087), ainsi que par Yves de Chartres, Decretum, v, 2.'5, que le pape peut défaillir dans la foi : Hujus (i. e. papœ) culpas istic redarguere præsumit morlaliuin nullus, quia cunctos ipsejudicaturus a nemine est judicandus, nisi depreliendatur a ftde dcvius. Decretum, part. I, dist. XL, c. 6.

Dans la suite cette même doctrine se retrouve jusque chez les partisans les plus convaincus du privilège pontifical. Innocent III s’y réfère dans un de ses sermons : In tantum fuies mihi nccessaria est ut cum de ceteris peccatis solum Deum judicem habcam, propter solum peccatum quod in flde committitur possem ab Ecclesia iudicari. P. L., t. ccxvii, col. 656. Les grands théologiens scolastiques ont généralement négligé d’envi-