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INFAILLIBILITÉ DU PAPE


toire en conscience, sans qu’il soit cependant question d’un enseignement infaillible. D’où l’on doit conclure que la même soumission est due, à plus forte raison, aux enseignements similaires donnés parle pape lui-même en dehors d’une définition proprement dite. b) La même conclusion doit être déduite de l’encyclique Quanta cura du 8 décembre 1864, réprouvant l’audace de ceux qui, impatients du joug de la saine doctrine, prétendent que l’on peut, sans péché et sans atteinte à la profession de la foi catholique, refuser l’assentiment et l’obéissance aux jugements et décrets du saint-siège concernant le bien général, les droits et la discipUne de l'Église et n’appartenant point aux dogmes de foi. Ibid., n. 1698.

c) On doit également citer quelques formules de souscription imposées par le saint-siège en plusieurs circonstances où il ne s’agissait point d’un enseignement pontifical infaillible. En 1866, des professeurs de l’université de Louvain dont l’enseignement avait été déféré à Rome, durent adhérer à cette formule : Decisionibus sanctæ scdis apostolicæ die 2 marlii et 30 augusd hujus arini plene perfecte absoluleque me subjicio, et ex animo acquiesça. Ideoque ex corde reprobo et rejicio quamcumque doclrinam opposilam. Franzelin, Traclatus de divina (raditione et Scriptura, 2e édit., Rome, 1875, p. 135. De semblables souscriptions avaient été précédemment exigées de l’abbé Bautain en 1840 et de Bonettj^ en 1855, p. 136. Voir ces noms.

d) De même le concile du Vatican, en 1870, rappela l’obligation qui incombe à tous non seulement de fuir l’hérésie, mais aussi d’observer les constitutions et décrets du saint-siège, proscrivant et prohibant les opinions perverses qui ne sont point mentionnées expressément par le concile, et qui sont plus ou moins proches de l’hérésie. Denzinger-Bannwart, n. 1820. Paroles qui, outre les décrets doctrinaux des Congrégations romaines, visent certainement aussi des constitutions et décrets pontificaux, même non infaillibles. Vacant, Éludes théoloqinues sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. ii, p. 334 sq. Il est d’ailleurs manifeste que ce grave avertissement, appuyé sur la nécessité de fuir toute contagion plus ou moins prochaine de l’hérésie, indique qu’il s’agit ici d’une adhésion de l’intelligence.

e) Un peu plus tard Léon XIII, dans l’encyclique Imniortale Dei du l'^ novembre 1885, déclarait qu’en matière d’opinions quæcumque pontificcs romani tradiderint vel tradiluri sint, singula nccesse est et tenere judicio stabili comprehensa et palam, quoties res postulaveril, proftteri. Ce qui est particulièrement requis en ce qui concerne les libertés modernes, pour lesquelles oportct apostolicse sedis stare judicio, et quod ipsa sanscrit idem senlire singulos. Déclarations qui exigent certainement une adhésion de l’intelligence, môme pour des décisions qui ne sont pas nécessairement infaillibles.

4. On a pu observer que les documents qui viennent d'être cités, exigent une adhésion de l’intelligence à l’enseignement proposé, bien que celui-ci ne soit pas infaillible. Pour concilier cette obligation avec la non-infaillibilité de l’enseignement, on doit tenir compte des remarques suivantes : a) Il ne s’agit point ici d’un assentiment ferme comme celui de la foi, qui tire son absolue certitude de l’infaillible véracité de Dieu sur laquelle il s’appuie. Car il n’y a pas enseignement révélé. L’assentiment exigé est simplement un assentiment prudent, appuyé sur la certitude morale de la vérité proposée ou recommandée. — b) Cette certitude morale repose principalement sur les motifs suivants : la prudente maturité avec laquelle l'Église procède à l’examen doctrinal, les preuves traditionnelles ordinairement citées, et la sagesse éprouvée des papes en toutes ces occurencas,

sagesse telle que, dans les nombreuses interventions doctrinales provenant immédiatement du pape luimême, on ne peut en citer une seule où l’erreur ait été enseignée ou favorisée. — c) La certitude morale de l’enseignement proposé ou recommande suffit pour que l’autorité enseignante ait le droit de commander un assentiment prudent. En principe, il doit en être ainsi ; autrement l'Église ou le pape ne pourrait pas prémunir sufïisamment les fidèles contre tous les dangers qui menacent leur foi. Car il faut que l'Église ou le pape puisse pourvoir à la défense intégrale non seulement des vérités révélées, mais encore de tout ce qui a une connexion intime avec ces vérités. Il faut que le pape puisse écarter non seulement les dangers de perversion immédiate de la foi, mais encore, selon le concile du Vatican, précédemment cité, ce qui est plus ou moins proche de la perversion hérétique. Pour cela il ne suffit pas que le pape puisse, avec une autorité infaillible, définir ce qui est de foi ou ce qui a avec la foi une connexion intime. Il est nécessaire qu’il puisse aussi, avec autorité, interdire ce qui, à son jugement, est dangereux pour la foi, même d’une manière moins immédiate, et doit pour cette raison être rigoureusement évité ; qu’il puisse aussi avec autorité prescrire ce qui, à son jugement, est très utile ou très efficace pour la défense intégrale des vérités appartenant indirectement au dépôt de la foi.

En fait, l'Église et les papes ont toujours procédé ainsi et leur pouvoir a toujours été universellement reconnu par les fidèles.

d) Contre la certitude morale avec laquelle l’enseignement pontifical se présente à l’intelligence, il ne peut y avoir normalement que des doutes ou soupçons non fondés ou imprudents, que l’on doit écarter soit à l’aide des motifs d’ordre intellectuel sur lesquels s’appuie la certitude morale de l’enseignement, soit par l’influence de la volonté qui doit, par déférence pour l’autorité, incliner l’intelligence vers une adhésion jugée pratiquement très prudente.

Si, dans un cas particulier, des doutes qui paraissent bien fondes arrêtent l’intelligence et empêchent son adhésion à l’enseignement proposé, on doit, pour mettre un terme à cette situation d’esprit, soumettre ses doutes à des guides capables d'éclairer l’intelligence, ou les soumettre à l’autorité elle-même.

5. On doit pratiquement insister beaucoup sur l’accomplissement intégral de l’obligation d’adhérer à renseignement pontifical même non infaillible, parce que c’est la meilleure garantie pour la parfaite intégrité de la foi qui par là sera toujours défendue contre tous les périls. C’est en même temps la meilleure garantie d’une entière soumission aux enseignements infaillibles du saint-siège.

Ce devoir doit être plus particulièrement accompli par ceux qui exercent dans l'Église quelque autorité ou qui peuvent, de quelque manière, collaborer, avec charité et soumission, à l'œuvre du ministère ecclésiastique, surtout à notre époque où, suivant les instantes recommandations si souvent répétées par Léon XIII et Pie X, il importe souverainement que toute l’action catholique de tous les lidèles, dans toute leur vie publique, se fasse avec unité de vues, et avec la concorde des intelligences et des volontés. Conditions manifestement nécessaires pour le plein succès désiré, mais conditions qui ne pourront jamais être suffisamment réalisées sans une constante soumission de l’intelligence aux enseignements du souverain pontife, même en dehors des définitions infaillibles au sens du décret du concile du Vatican.

6. Comme exemples de cet enseignement pontifical obligatoire bien que non infaillible, nous indiquerons d’une manière très générale : a) Beaucoup de décrets doctrinaux des souverains pontifes, insérés dans le