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INFAILLIBILITE DU PAPE


de leur répondre, qu’il s’agit précisément ici d’une question purement dogmatique ou d’ordre purement interne, qui doit donc dépasser toutes les revendications des pouvoirs civils.

3. Il est d’ailleurs bien évident que la définition vaticane ne s’oppose aucunement à ce que, pour assurer des relations convenables entre les souverains pontifes et les chefs d'État, des accords ou concordats soient conclus qui garantissent, avec la concorde, la paix et la liberté. C’est ce qu’indique notamment ce passage de l’encyclique Immorlale Dei de Léon XIII du ! <=' novembre 1885 : Incidunt autem quandoque tempora cum alius quoqiie concordiæ modus ad Iranquillam libertatem valet, nimirum si qui principes rerum publicarum et ponlifex romanus de re aliqna separata in idem placilum consenserint. Quitus Ecclesia temporibus maternse pieiatis cximia documenta præbet, cum lacililutis indulgentiœque tantum adhibere soleat, quantum maxime potest.

J « objection. — Le désaccord des théologiens catholiques, même après la définition vaticane, relativement aux conditions requises pour une définition ou pour un enseignement vraiment infaillible, rend la doctrine catholique sur toute cette question, à peu près inelTective et inapplicable. — Réponse. — 1° Au point de vue doctrinal, les divergences encore subsistantes, suivant ce qui a été noté précédemment, portent uniquement sur l’interprétation des mots définit tenendam du décret du concile du Vatican. Sess. IV, c. iv. Et encore peut-on dire, sans exagération, -que la controverse existe à peine, puisque, selon l’enseignement commun et autorisé, ces mots signifient une définition proprement dite, c’est-à-dire, selon le sens habituellement admis pour les définitions conciliaires, un jugement doctrinal explicite et final sur la foi ou sur la doctrine que tous doivent croire ou tenir fermement. — 2° Au point de vue du jugement concret sur les divers cas particuliers, on doit observer que les divergences d’appréciation ne dépassent point, en nombre et en importance, les divergences qui se rencontrent pour plusieiirs définitions conciliaires, et quelles n’empêchent pas un jugement certain sur un bon nombre de définitions pontificales communément admises par tous.

Quant aux nombreuses objections historiques souvent citées contre l’infaillibilité pontificale, elles seront ou ont déjà été traitées aux articles particuliers avec tous les détails qu’elles comportent, particulièrement pour les papes Libère, Vigile et Honorius l".

VI. Deux questions complémentaires : l’obligation d’adhérer a l’enseignement pontifical non infaillible et le privilège de l’exemption de l’hérésie attribué, par quelques théologiens, au pape considéré même comme personne privée. — Nous devons, comme couronnement de notre travail, formuler quelques conclusions relatives à ces deux questions qui se sont souvent rencontrées sur notre route au cours de cette étude.

I.CONCLUSIONSCONCERNANT L’OBLIGATION d’adhérer A V ENSEIGNEMENT PONTIFICAL NON INFAILLIBLE. — P" conclusion concernant l’existence de cette obligation. — 1. Cette obhgation est une conséquence rigoureuse des principes précédemment établis. On a prouvé que l'Église possède l’autorité d’enseigner non seulement les vérités appartenantà la révélation, mais aussi toutes celles sans lesquelles le dépôt de la révélation ne pourrait être défendu avec efficacité, ni proposé avec une suffisante autorité ; et que ce pouvoir s'étend non seulement à ce qui est strictement défini et imposé à tous les fidèles, mais encore à ce qui est désapprouvé comme constituant quelque danger plus ou moins immédiat pour la foi, ou à ce qui est reconnu comme meilleur pour la défense ou pour la sécurité de la foi. Voir Dépôt de la foi, t. iv, col. 528 ;

Église, t. iv, col. '2199 sq. ; Congrégations romaines, t. Ta, col. 1110. Cette autorité doctrinale appartenant incontestablement au magistère de l'Église, appartient aussi au magistère pontifical qui, d’après toutes nos démonstrations précédentes, possède la plénitude du pouvoir conféré à l'Église.

2. Il est manifeste, d’après les nombreux documents précédemment cités, que l’obligation d’adhérer à un enseignement pontifical non infaillible a toujours été admise dans l'Église au moins implicitement, par le fait que le devoir de se soumettre au pape a toujours été reconnu, et que cette obligation n’a jamais été restreinte exclusivement aux seuls enseignements infaillibles. Cette loi apparaît plus manifeste à partir du xiiie siècle, à cause des interventions fréquentes des papes en matière doctrinale, même en dehors de toute définition infaillible ; et ces interventions d’ailleurs, furent toujours acceptées avec soumission, même quand l’enseignement pontifical n’avait point de titre certain à être considéré comme infaillible. Nous citerons particulièrement la condamnation de plusieurs propositions de Guillaume de Saint-Amour par Alexandre IV en 1256, Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 449 sq., quelques articles réprouvés dans Eckhart par Jean XXII en 1329, comme maie sonantes, temerarios et suspectas de heeresi, avec d’autres condamnés absolument comme hérétiques, n. 529 ; ainsi que les décrets pontificaux de Sixte IV en 1476 et en 1483, louant la dévotion envers l’immaculée conception de la très sainte Vierge et réprouvant ceux qui la condamnaient, n. 734 sq.

Au xvie siècle, le cardinal Jean de Torquémada affirme comme une vérité constante, que les décrétâtes des papes qui ne sont pas renfermées dans les canons des conciles, et où il est manifeste que l’enseignement infaillible est généralement absent, doivent être acceptées avec soumission par tous les fidèles. Summa de Ecclesia, t. II, c. cviii.

Au xvie siècle, Bellarmin reconnaît comme admis par tous les catholiques que le pape décidant seul, ou avec son concile particulier, aliquid in re dubia, qu’il puisse errer ou non, doit être écouté avec obéissance par tous les fidèles. De romano pontifice, t. IV, c. ii.

De même Bannez, relativement aux décrets des conciles généraux ou des conciles provinciaux confirmés par le pape, fait observer qu’il est téméraire de nier ces décrets surtout en ce qui concerne la doctrine de foi, même quand les signes attestant une définition infaillible ne s’y rencontrent aucunement. Commentaria in Il-^m // », q. j, a. 10, dub. ii, Venise, 1602, p. 127.

Il est vrai qu’au xvie siècle et dans les siècles suivants beaucoup de théologiens laissent fréquemment entendre que le pape parle ut doctor privatus, quand il n’enseigne pas infallibiliter ut pontifex ; ain.si Bellarmin, De romano pontifice, t. IV, c. xxii ; Bannez, loc. cit. Mais si l’on examine attentivement toutes ces assertions, d’ailleurs souvent contredites par des assertions tout opposées, il est facile de constater que ce sont seulement des réponses données, en passant, à quelques objections historiques, sans que l’on ait voulu établir par là une doctrine s’appliquant généralement à tous les cas où l’infaillibilité pontificale n’existe point.

3. Cette autorité doctrinale non infaillible fut particulièrement affirmée dans la seconde moitié du xixe siècle. — a) Pie IX, dans sa lettre à l’archevêque de Munich du 21 décembre 1863, déclare que les catholiques qui se livrent à l'étude des sciences doivent, outre la soumission aux dogmes définis par l'Église, pratiquer aussi la soumission aux décisions doctrinales des Congrégations romaines. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1684. Soumission qui, d’après l’ensemble de tout ce texte, est considérée comme obliga-