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IMPERFECTION


esse peccatum veniale. Sum. IheoL, ^-^, q. lxxix, a. 4, ad 3° » >.

Aux péchés mortels de transgression proprement dite des préceptes négatifs, se rattachent les péchés véniels de transgression improprement dite, menus désordres que la loi ne nous interdit pas absolument, mais que la charité ne peut prendre à son compte ; petites indécences dans le culte divin, indélicatesses en matière de justice, petites complaisances de vanité ou de sensualité.

Aux péchés mortels d’omission proprement dite, vis-à-vis des préceptes affîrmatifs, se rattachent les péchés véniels d’omission improprement dite, omissions de prières et de bonnes œuvres que la loi ne nous impose pas absolument, parce qu’elles ne sont pas l’unique moj’en de réahser le bien commandé, mais que la voix intérieure de l’Esprit nous signale comme le meilleur moyen, pour nous, de réaliser ce bien.

Nous remarquons beaucoup mieux les péchés véniels de transgression pour la raison donnée plus haut qu’il s’agit de la partie négative de la loi. Nous remarquons beaucoup moins les péchés véniels d’omission, parce que les dernières déterminations du mode d’exécution des préceptes affîrmatifs ne peuvent pas être inscrits dans les livres, mais nous sont intimées du dedans par l’inspiration du Saint-Esprit. Et cependant ces péchés véniels d’omission, pleinement délibérés, sont, chez les âmes tièdes, assez souvent plus graves, et, à égale gravité, plus dangereux que certains péchés de transgression beaucoup plus remarqués. Le séminariste paresseux commet un péché véniel plus grave en omettant sans raison sa méditation qu’en disant quelques paroles inutiles à son voisin pendant la messe. Les péchés véniels d’omission sont aussi plus dangereux, parce que plus inaperçus et plus faciles à excuser et à répéter ; ils amènent assez vite, si on n’y prend garde, cette maladie du sommeil qui rend tant de vies chrétiennes insignifiantes et parfois nous conduit sans secousse à la mort. Habitués à décliner nos appels de conscience toutes les fois que nous ne pouvons pas dire « ceci est obligatoire, » nous en déclinons tant et tant que la somme de nos prières et de nos bonnes œuvres arrive à peine au minimum exigé par le précepte. La voi.K intérieure tant de fois méconnue se tait, la grâce du Seigneur tant de fois dédaignée ne nous est plus accordée. Dans l’atmosphère de notre âme refroidie par cette diminution du rayonnement divin, montent plus épaisses les vapeurs de la concupiscence. C’est alors qu'éclate l’orage des violentes tentations et qu’arrivent les péchés graves qui peuvent réveiller, mais ne réveillent pas toujours de leur engourdissement les âmes trop peu soucieuses d'éviter ce qu’on appelle aujourd’hui l’imperfection, ce que les anciens appelaient simplement péché véniel d’omission.

Tel est l’avis de saint François de Sales, dans le chapitre de V Introduction à la vie dévote qu’il consacre à la manière de recevoir les divines inspirations. « Dieu voulant faire en nous, par nous et avec nous, quelqu’action de grande charité, premièrement, il nous la propose par son inspiration, secondement, nous l’aggréons ; tiercement, nous y consentons… Quand l’inspiration durerait tout le temps de notre vie, nous ne serions pourtant nullement aggréables à Dieu si nous n’j' prenions playsir ; au contraire sa divine Majesté en serait oflencée… Le playsir qu’on prend aux inspirations est un grand acheminement à la gloire de l31eu… Mais en fin c’est le consentement qui parfait l’acte vertueux ; car si estans inspirés et nous estans plus en l’inspiration, nous refusons néanmoins par après le consentement à Dieu, nous sommes extremmement mesconnaissans et offençons grande ment sa divine Majesté, car il semble bien qu’il y ait plus de mespris. » IP partie, c. xviii, dans Œuvres complètes. Aiuiecy. 1893, t. iii, p. 109-1 10. Ce témoignage est si clair qu’il n’a pas besoin de commentaire, nous n’en citerons plus d’autre que celui de l'Église qui nous fait dire dans les litanies du saint nom de Jésus : A neglectu inspiralionum tuarum, libéra nos Jesu.

IV. Les objections.

La thèse que nous venons d’exposer est, dit-on, contraire à cet axiome incontestable, que nous ne sommes pas tenus au plus parfait ; elle enlève toute signification au vœu du plus parfait que font nombre de saintes âmes ; elle restreint la liberté, multiplie les péchés véniels et engendre le scrupule.

1 » Nous ne sommes pas tenus au plus parfait. — Entendons-nous sur le sens de cet axiome. S’il veut dire que nous ne sommes pas tenus à l'œuvre plus parfaite en soz, il a cent fois raison, il n’en dit même pas assez. Il y a quelquefois mérite à écarter l'œuvre plus parfaite en soi, quand, n'étant pas proportionnée à notre condition et à nos grâces individuelles, elle n’est pas la plus parfaite pour nous.

Si maintenant l’axiome veut dire que nous ne sommes pas tenus absolument, sous peine de péché mortel, à faire ce qu’il y a de mieux pour nous, il est encore vrai.

Mais il n’est pas vrai que nous ne soyons pas tenus aliqualiler, sous peine de péché véniel, de faire l'œuvre meilleure que l’inspiration divine nous propose comme ce qui nous convient le mieux liic ei nunc. Le précepte d’aimer Dieu de tout notre cœur ne nous obUge pas à faire toutes les bonnes œuvres qui nous sont possibles et nous pouvons laisser sans péché celles qui n’appartiennent pas à notre programme de vie. Mais tous, séculiers ou religieux, nous sommes teuus, aliqualiter, d’une certaine façon, sous peine de péché véniel, de faire tout le bien que nous pouvons, non pas tout le bien physiquement possible, mais celui qui peut être l’objet d’un vouloir raisonnable, par conséquent celui qui répond aux convenances de nos conditions individuelles de vie. Sicut diligere Deum ex iolo corde lenentur omnes : est lamen aliqua lotalitas perfectionis quæ sine peccato prætermilti non potest, aliqua autem quæ sine peccato prælermittitur, dum desil contemptus ; ita etiam omnes lam religiosi quam sœculares tenentur aliqualiter faccre quidqaid boni possinl : omnibus enim communiter dicitnr : t Quodcumque facere potest manus tua, instanter operare. » Eccl., ix, 10. Est tamen aliquis modus hoc prwceptum implendi quo peccatum vitatur : scilicet si homo facial quod potest secundum quod requirit condilio sui status : dummodo contemplas non adest agendi meliora, per quem animus firmatur contra spiritualem profectum. Sum. theoL, II » II'-', q. CLXXxvi, a. 2, ad 2 "". Un frère des écoles chrétiennes n’est pas tenu, pas même aliqualiter, de pratiquer toutes les œuvres de conseil demandées à un chartreux, mais seulement celles que comporte sa vocation particulière, selon le mode individuel dont cette vocation doit se réaliser en sa personne, secundum quod requirit conditio sui status.

2° En ces conditions, le vœu du plus parfait n’a plus de signification, ni de raison d'être. — Encore ici, entendons-nous sur ce que représente le vœu du plus parfait. Il peut signifier qu’on s’engage à faire en toute circonstance l'œuvre qui nous apparaît comme la plus parfaite en soi. Auquel cas il ne nous permet plus de décliner une œuvre de conseil pour le motif qu’elle dépasse nos forces morales actuelles. Pour faire le vœu du plus parfait ainsi entendu, il faut avoir conscience d'être spécialement appelé à une vie spirituelle très intense où l’on n’a plus besoin que du minimum de récréations naturelles inévitables. Ce vœu ne doit être permis que très rarement ; permis trop