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INFAILLIBILITE DU PAPE


l’absence de preuve certaine en faveur d’une définition strictement obligatoire, on peut toujours prudemment s’en tenir au principe non est imponenda obligalio de qua cerio non consted, pour ne point imposer l’obligation provenant d’une définition stricte, bien qu’il puisse j' avoir, dans la circonstance, d’autres obligations. — c) Bien qu’une obligation stricte provenant d’une définition certaine fasse alors défaut, il y a, le plus souvent, dans cette occurrence, une obligation, en elle-même grave, résultant, comme nous le montrerons bientôt, d’un enseignement même non infaillible du magistère ordinaire du pape.

IV. CONCLUSIONS CONCERNANT LES CONDITIONS REQUISES POUR QU’IL Y AIT ENSEIGNEMENT PONTIFICAL INFAILLIBLE PROVENANT DU MAGISTÈRE ORDINAIRE DU PAPE.

1. Puisque, selon le décret du concile du Vatican, le pape possède l’infaillibilité donnée par Jésus à son Église et que, pour l'Église, cette infaillibilité peut s'étendre aux actes du magistère ordinaire, dans la mesure et aux conditions précédemment indiquées, voir Église, t. iv, col. 2193 sq., on doit affirmer que le pape enseignant seul, en vertu de son magistère ordinaire, est infaillible dans la même mesure et aux mêmes conditions. Pour qu’il y ait infaillibilité, il est donc requis que la vérité enseignée soit proposée comme ayant été définie précédemment, ou comme aj’ant toujours été crue ou admise dans l'Église, ou comme étant attestée, par le consentement unanime et constant des théologiens, comme vérité catholique.

2. Comme exemples d’enseignement infaillible du magistère ordinaire du pape nous indiquerons particulièrement, dans les encycliques de Léon XIII, les enseignements suivants : a) Dans l’encyclique Arcanum, du 10 février 1880, sur le mariage chrétien, la divine institution du sacrement de mariage, l’indissolubilité du mariage et le pouvoir exclusif et intégral de l'Église sur le mariage chrétien. — b) Dans l’encychque Diuturnum, du 29 juin 1881, l’origine divine du pouvoir résidant dans la société civile, vérité enseignée comme évidemment attestée dans la sainte Écriture et dans les monuments de l’antiquité chrétienne. — c) Dans l’encyclique Immorlale Dei, du l*^' novembre 1885, la souveraine indépendance de l'Église qui possède, en vertu de son institution divine, pleine et absolue autorité en toutes les matières qui sont siennes. — d) Dans l’encyclique Prouidenlissimus Deus, du 18 novembre 1893, particulièrement ces deux enseignements concernant les Livres saints : la notion catholique de leur inspiration et l’absence de toute erreur dans le texte sacré fidèlement conservé. — e) Dans l’encyclique Salis cogniluni, du 29 juin 1896, toute la doctrine catholique sur la primauté pontificale qui y est proposée comme doctrine définie et universellement reconnue dans l'Église.

On observera d’ailleurs que, dans tous ces cas, selon les explications données précédemment, l’infaillibilité s'étend seulement à ce qui est directement proposé comme vérité déjà définie ou toujours crue ou admise dans l'Église, et qu’elle ne s'étend point aux raisons ou aux explications ajoutées à cet enseignement.

On doit aussi noter que, bien qu’un tel enseignement infaillible du pape, puisse, de droit, selon l’enseignement du concile du Vatican, sess. III, c. ra, suffire pour que la vérité enseignée soit vérité de foi catholique, il ne paraît pas suffire pour cela, en fait et d’après la conduite habituelle de l'Église. En efi’et, dans plusieurs cas particuliers, l'Église a jugé nécessaire d’intervenir, par une définition solennelle, pour proclamer telle vérité ainsi enseignée comme vérité de foi catholique, ou du moins pour déterminer le sens précis dans lequel elle appartient à la foi cathoHque. A. Vacant, Études ttiéotogiqnes sur les constitutions du concile du Vatican, t. ii, p. 117 sq.

V. CONCLUSIONS CONCERNANT L' ENSEIQNEMBNT PONTIFICAL INFAILLIBLE RÉSULTANT DES LOIS PORTÉES PAR LE PAPE POUR L' ÉGLISE ENTIÈRE.

On a montré à l’art. Église, t. iv, col. 2197 sq., que le magistère infaillible de l'Église doit s'étendre à tout enseignement dogmatique ou moral pratiquement inclus dans l’observation des lois portées pour l'Église universelle, ainsi qu'à l’enseignement inclus dans l’approbation donnée aux ordres religieux et à la canonisation des saints. Le pape possédant toute l’infaillibilité donnée par Jésus-Christ à son Église, on doit donc conclure, dans la même mesure et aux mêmes conditions, à l’infaillibilité de l’enseignement dogmatique ou moral pratiquement inclus dans les lois ou décrets portés par le pape pour l'Église universelle.

Ainsi le dogme de l’immaculée conception de la très sainte Vierge, plusieurs siècles avant sa définition solennelle, devait être considéré comme enseigné par le magistère ordinaire du pape, à cause des prescriptions des souverains pontifes enjoignant la célébration de cette fête et précisant le sens dans lequel cet insigne privilège devait y être honoré. Voir Immaculée CONCEPTION, col. 1120.

Parmi les autres applications du principe général, nous citerons particulièrement les suivantes :

1° L’infaillibilité pontificale elle-même longtemps avant la définition du concile du Vatican, puisqu’elle était enseignée par le magistère ordinaire du pape, comme le montrent notamment diverses professions de foi imposées par le saint-siège et que nous avons précédemment indiquées, particulièrement le formulaire de foi du pape saint Hormisdas, DenzingerBannwart, Enchiridion, n. 171 sq., et la profession de foi approuvée en 1267 par Clément IV pour l’usage des grecs, n. 466.

2° L’autorité dogmatique du symbole de saint Athanase, Denzinger-Bannwart, n. 39 sq. ; voir t.i, col. 21862187, provenant de l’approbation du magistère ordinaire des papes qui ont autorisé l’usage de ce formulaire, dans l'Église universelle.

3° Sont (gaiement enseignées par le magistère ordinaire du pape : 1. Les vérités dogmatiques affirmées dans les professions de foi approuvées ou proposées par le saint-siège, telles que le formulaire de foi du pape saint Hormisdas, la profession de foi approuvée pour l’usage des grecs en 1267, la profession de foi de Pie IV, Denzinger-Bannwart, n. 994 sq., et la formule du serment prescrit par Pie X contre les erreurs modernistes, Ibid., n. 2145, 2146. Comme exemples de vérités dogmatiques ainsi affirmées, même avant toute définition solennelle, nous citerons particulièrement dans la profession de foi de 1267 : a) l’entrée immédiate au ciel pour les âmes entièrement purifiées au moment de leur séparation d’avec le corps, vérité qui fut un peu plus tard explicitement définie par Benoit XII ; b) l’existence du purgatoire et l’utilité des suffrages et des aumônes des vivants ainsi que du sacrifice de la messe pour le soulagement des âmes souffrant en purgatoire, Denzinger-Bannwart, n. 464, vérité expressément définie un peu plus tard par les conciles de Florence et de Trente.

2. Toutes les vérités dogmatiques et morales effectivement contenues dans la liturgie approuvée par le saint-siège pour l'Église universelle, notamment les vérités dogmatiques concernant les sacrements, le sacrifice de la messe et la sainte eucharistie, longtemps avant les définitions solennelles portées par le magistère infaillible.

3. Toutes les vérités dogmatiques et morales réellement contenues dans l’approbation donnée par le saint-siège, pour l'Église universelle, aux ordres religieux et à leurs règles, notamment l’excellence des conseils évangéliques et l’utilité surnaturelle