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INFAILLIBILITE DU PAPE


Pighi († 1534) paraît admettre quelque obligation morale, pour le pape, de consulter avant d’exercer son autorité infaillible, non une nécessité absolue pour l’exercice même de l’infaillibilité doctrinale. Après avoir solidement prouvé que le privilège de l’infaillibilité appartient, en vertu de la prière de Jésus-Christ, non seulement à Pierre, mais encore à tous -ses successeurs pour qu’ils confirment leurs frères dans la foi, Pighi conclut que ceux qui siègent sur la chaire de Pierre, doivent, dans les questions difficiles qui leur sont soumises, s’aider d’un concile sacerdotal, selon l’usage ecclésiastique observé depuis les commencements. Toutefois il est expressément affirmé que ce concile sacerdotal n’a ni par lui-même, ni par un privilège propre, aucune garantie d’orthodoxie, mais seulement, ex privilegio Pctri ccclesiasticse liicrarchiæ capilis, ciii uni impelravit Christiis ne fides ejus deficeret ad confirmandos fratres in fide. Hicrarchiæ ecclesinslicæ, t. iv, c. viii, Cologne, 1538, fol. 136. Cette remarque finale, développée avec quelque instance par Pighi, autorise à admettre que, dans sa pensée, il y a, pour le pape, dans le cas indiqué, une obligation morale de consulter, non une nécessité absolue pour l’exercice de l’infaillibilité doctrinale.

Selon Cano († 1560), Dieu, qui a promis à son Église la fermeté dans la foi, ne peut manquer de lui assurer ellectivement les secours par lesquels cette fermeté est conservée, liaque præstal semper pontifex quod in se est, præslalque concilium cum de fide pronunlianl : caduque causa si quis c nosiris aliter existimat Quand Jésus a dit à Pierre : J’ai prié pour toi pour que ta foi ne défaille point, nous comprenons manifestement que Jésus a obtenu de son Père, ut quæ ad rectum de ftdei quæslione judicium pertincrcnt, ea adessent Petro omnia, sive a Deo, sive ab liomine exspectarentur. D’où Cano conclut : Ita nunquam ego admittam aut pontificem aut concilium diligentiam aliquam necessariam quæstionibus fidei decernendis omisisse. De locis Iheologicis, t. V, c. v. Opéra, Venise, 1759, col. 133.

Grégoire de Valence († 1603) reproduit les affirmations de Cano, en ajoutant qu’il n’y a aucune raison solide quam ob rem existimare debcamus studii diligentiam pontifici necessariam esse non modo ut convenienter ac sine culpa cntctoritate sua injallibili utatur, verum etiam ut omnino illa utatur. Anahjsis fidei catholicæ, part. VIII, Ingolstadt, 1585, p. 325 sq.

Bellarmin († 1621) se borne à montrer la conciliation pratique entre les deux opinions. Ceux qui rejettent la stricte nécessité des recherches et soins diligents, veulent simplement affirmer que l’infaillibilité doctrinale n’est point dans un concile ou dans une réunion de conseillers, sed in solo pontifice. Ceux qui admettent cette même nécessité, l’entendent seulement d’une obligation morale de consulter, explicare volunt pontificem debere facere quod in se est, consu-Irndo viros dodos et peritos rci de qua agitur. De romimo pontifice, t. IV, c. ii.

Suivant Banncz († 1601), les recherches et soins diligents sont nécessaires pour l’infaillibilité elle-même, mais en fait ils ne feront jamais défaut. Commentaria in 7P™ W^tq- i, a. 10, dub. ii, Venise, 1602, col. 125. Désormais tous les théologiens s’accordent sur cette conclusion, qu’il n’y a pas lieu de s’enquérir pratiquement si le pape a attentivement considéré la question avant de porter son jugement ; soit qu’ils pensent, avec Bannez, que de la part du pape, des recherches diligentes sont nécessaires, mais qu’elles ne feront jamais défaut, soit qu’ils jugent, avec Grégoire de Valence, et c’est le plus grand nombre, que cette nécessité n’est point prouvée et qu’elle n’existe point.

Nous citerons parliculièreinent parmi les théologiens du xvii et du xviiie siècle : Nugno, Commentarii

ac disputuliones in I Il’ri^ partem S. Thomie, q.xx, a. 3, difꝟ. 3, dans Rocaberti, t. au, p. 259 ; Suarez, De fide, tr. I, disp. V, sect. viii, n. Il ; Tanner, In Summam S. Thomas, t. iii, disp. I, q. iv, dub. vi, dans Rocaberti, t. I, p. 40 ; Gravina, Catholicee prsescripliones adversus hæreticos, q. ii, a. 1 ; Pro sacro deposito fidei catholicsp. et apostolicæ fideliter a romanis pontifîcibus custodito apologeticus, xix, 22, dans Rocaberti, t. viii, p. 429, 489 sq., 1040 ; Duval, op. cit., p. 123 ; Sylvius, op. cit., p. 315 ; André Lao († 1663), Tractatus de summo pontifice, Rome, 1663, dans Rocaberti, t. iii, p. 605 ; Dominique de la Sainte-Trinité, op. cit., dans Rocaberti, t. X, p. 456 ; Brancati de Lauria, op. cit., dans Rocaberti, t. xv, p. 46 sq. ; Viva, op. cit., t. i, p. 2 ; Billuart, loc. cit. ; Ballerini, op. cit., p. 295 ; Kilber, op. cit., t. I, p. 348 sq. ; S. Alphonse de Liguori, Theologia morcdis, t. I, n. 110.

Dans toute cette période un seul auteur ultramontain fait exception, Hyacinthe Serry (t U38). Dans un ouvrage publié en 1732, Serry soutint que les pontifes romains, jugeant dans les causes de foi, sont infaillibles seulement quand ils se prononcent solennellement, c’est-à-dire quand ils ont préalablement consulté, selon l’usage actuel, les cardinaux qui constituent aujourd’hui le clergé romain, præhabita Ecclesix intra urbis ambitum constitutse consultatione, seu, ut præsens habet usas, adhibilis ad consultalionem cminentissimis cardinalibus qui romanum hodie clerum constituunl. De romano pontifice in ferendo de fide moribusque judicio falli et fallcre ncscio, Pavie, 1732. A l’appui de cette thèse, l’auteur publia une dissertation nouvelle, Infallibilitatis pontificia ; justis terminis circumscriptie explicatio atque defensio, dissertatio apologetica, Cologne, 1734. Mais l’ouvrage ayant été mis à l’Index par un décret du Saint-Office du 14 janvier 1733, l’opinion ne trouva plus aucun défenseur parmi les auteurs catholiques.

4° Conditions requises quant à la définition elle-même. — 1. Jusqu’à la fin du xviie siècle, les indications données par les théologiens s’appliquent explicitement aux seules définitions ex cathedra concernant les vérités de foi. Suivant Cano, le pape doit porter un jugement obligeant tous les fidèles à croire la vérité définie. De locis Iheologicis, t. V, c. viii, Venise, 1759, p. 165. Conséquemment ce qui, dans les décrets des papes, comme dans les décrets des conciles, est cité comme exemple ou comme répondant à une objection, ou indiqué obiler et in transcursu præler inslitutum prœcipuum de quo erat potissimum controversia, n’appartient point à la foi, ou n’est point catholicæ fidei judicium, t. V, c. v, p. 136.

Selon Grégoire de Valence († 1603), il y a définition infaillible quand le pape, ut persona publica, afHrme une vérité concernant la foi et oblige l’Église universelle à l’accepter, Analijsis fidei catholicee, p. 311, 313. Le pape veut ainsi obliger l’Église universelle seulement en ce qu’il détermine de propos délibéré, ex instituto. Ce que l’on peut déduire aut exerroribus conlrariis adversus quos pontifices aliquid definiunt aut ex asserendi modo atque forma ut si aliquid sub anathemate statuant, aul si ex fide certum esse affirment. Commentaria tlieologica. In 11^’^ II-^’, disp. 1, q. i, p. vii, q. vi, § 41, Lyon, 1603, t. iii, col. 259 sq.

Bannez, dans le but de déterminer à quels signes on peut reconnaître une définition pontificale infaillible, pose ce principe, que ces signes sont pratiquement les mêmes que ceux auxquels on reconnaît les définitions portées par les conciles. Il y a donc définition infaillible de foi dans les trois cas suivants : quand l’erreur opposée est condamnée comme hérétique, quand la vérité définie est expressément proposée comme devant être acceptée et crue par tous les fidèles, et quand il est dit expressément dans la définition.