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INFAILLIBILITE DU PAPE


Adrien d’Utrecht, qui plus tard devint pape sous le nom d’Adrien VI († 1523), émit incidemment cette assertion que, si par Église romaine on entend son chef, il est certain qu’elle peut errer, même en ce qui concerne la foi, en affirmant l’hérésie, hæresim per siiam dclcrmindlionem aiit decretalem asserendo ; car il y a eu, en fait, plusieurs pontifes romains hérétiques. Qnestiones in IV Senkntiarum. De sacramento confirmedionis, a. 3, Paris, 1516, fol. xvin.

2. A rencontre des opinions erronées que nous venons de citer, les théologiens ultramontains du xvi «  et du xviie siècle enseignent, comme une vérité très certaine, souvent même comme une vérité de foi, que le pape, dans l’exercice de son magistère infaillible, n’est point dépendant de l’autorité d’un concile. Ces théologiens étaient d’ailleurs aidés en cela par l’enseignement du V « concile de Latran affirmant l’autorité du pape sur le concile, Denzinger-Bannwart, n. 740, et par la condamnation portée par Léon X contre cette proposition 28 « de Luther : Si papa cum magna parte Ecclesiæ sic vel sic sentiret, nec etiam erraret ; adhuc non est peccaium aut hæresis conirariiim senlire, prieserlim in re non necessaria ad salulem, donec fiieril per conciliiim univcrsale allerum reprobatum, allerurn approbatum. Denzinger-Bannwart, n. 768.

Pighi (I 1534), après avoir démontré, par beaucoup de preuves de tradition, le privilège de l’infaillibilité pontificale, conclut que ce privilège est assuré non seulement au siège apostolique, mais à tous les successeurs de Pierre. Quare nobis constat non solum cathedræ, scd miilto magis Pétri et successorum ejus indefectibilis fidei priuilegium, ad confirmandos fraires in fide. Ce privilège est assuré à tous les successeurs de Pierre, de telle manière qu’ils sont seuls à le posséder et qu’aucun concile ne peut participer à cette infaillibilité qu'à la condition d'être uni au pape et de s’appuyer sur son autorité. Hiérarchise ecclesiaslicæ, t. IV, c. viii, Cologne, 1538, fol. cxxxvi sq.

Melchior Cano († 1560), rejette expressément l’opinion de quelques théologiens qu’il appelle non satis acuti, qui, mettant une distinction entre l'Église romaine et le pontife romain, afïirmaient que celui-ci peut errer dans la foi, tandis que celle-là n’est jamais capable d’errer. De locis theologicis, t. VI, c. vii, Venise, 1759, p. 163. Il rejette également la thèse de ceux qui faisaient dépendre l’autorité doctrinale du pape de celle d’un concile. Il montre contre eux que, si le jugement du Saint-Siège était faillible, et celui d’un concile toujours certain et véridique, il serait déraisonnable de rejeter un appel du jugement pontifical à celui d’un concile. Or un tel appel, dans les causes de foi, est contraire à la coutume constante et universelle dans l'Église. Nunquam enim admissa est appellatio in causis fidei a sede romana, t. VI, c. vii, p. 161. Stapleton († 1598), après avoir cité les principales preuves de tradition en faveur de l’infaillibilité du pape, conclut que, d’après tous ces témoignages, le pontife romain possède seul supremum et absolutissiinum fidei judicium. Principiorum fidei doctrinalium demonstratio melhodica, controv. II, t. VI, c. xvii, 2e édit., Paris, 1582, p. 240.

Grégoire de Valence († 1603), combat particulièrement ceux qui voulaient subordonner l’autorité doctrinale du pape à celle d’un concile. Une telle assertion est en opposition manifeste avec la foi catholique sur la primauté de Pierre et de ses successeurs. Celuilà seul a le pouvoir de déterminer, avec une autorité infaillible, les controverses de foi, qui possède, dans l'Église, le pouvoir spirituel suprême ; pouvoir qui certainement appartient au seul pontife romain, non à un concile en dehors du pape. Analysis fdei catholicw, part. VIII, Ingolstadt, 1585, p. 402. Aussi est-il « xpressément allirmé que les conciles généraux ont

une autorité infaillible seulement quand ils sont approuvés par le pontife romain, p. 400 sq.

Bannez († 1604), estime qu’il y a témérité scandaleuse à affirmer qu’un concile est supérieur au pape, valde temerariiim esse et scandalosum multarumque liieresum fomentum, asscrcre quod concilium sit supra papam. L’infaillibilité du pape enseignant seul in publico fidci judicio a été, au jugement de Bannez, définie par Léon X, par sa bulle du 15 juin 1520, condamnant la proposition 28<= de Luther, précédemment citée. Bannez conclut que c’est un enseignement apostolique, qui serait certainement considéré comme tel par tous les fidèles, si, depuis le concile de Constance, le démon n’avait pas, sur ce point, semé la zizanie dans l'Église. Cornmentaria in II » m jjx^ q. i^ a. 10, dub. II, Venise, 1602, col. 113, 119.

Bellarmin († 1621), réprouve, à diverses reprises, l’erreur de ceux qui voulaient, en matière de foi, soumettre le pape à l’autorité d’un concile général. De romano pontifice, t. IV, c. i ; De conciliis et Ecclesia, I. I, c. xvii.

Suarez († 1618), montre que l’autorité doctrinale n’a pas été donnée au pape dependenter a concilio, mais qu’elle a été donnée au concile dependenter a papa, et il estime que c’est une vérité de foi. De fidc, part. I, disp. V, sect. viii, n. 4, 0.

Sylvius († 1648), prouve que l’autorité des conciles n’est pas requise ut pontifex possit injalUbililer deflnire res fidei, parce que l’infaillibilité n’est pas dans un concile d'évêques, ni dans une réunion de conseillers, mais en celui à qui Jésus a dit : Ego rogavi pro te ut non deficiat /ides tua, c’est-à-dire dans Pierre et dans ses successeurs légitimes. Controv., t. IV, q. ii, a. 8, Opéra, Anvers, 1698, t. v, p. 134.

La même doctrine est soutenue en France, à cette époque, à l’encontre de l’erreur de Richer qui prétendait que l’autorité doctrinale infaillible est dans toute l'Église, ou dans un concile général qui la représente, et que le pape, chef ministériel de l'Église, ne peut obliger l'Église sans que celle-ci donne son consentement préalable, ou sans qu’elle ait été consultée. De ecclesiastica et politica potestate, n. 6, 8, Paris, 1611, p. 8, 13 sq. Nous citerons particulièrement, Mauctère († 1622), De monarchia divina, ecclesiastica et seculari christiana, part. II, t. IV, c. iv sq., Paris, 1622, col. 490 sq. ; Duval, op. cit., p. 105 ; Louis Abelly, († 1699), Déjense de la hiérarchie de l'Église, Paris, 1659, p. 110 sq.

A ces témoignages on doit joindre deux lettres des évêques de France reconnaissant alors pleinement l’obligation imposée par les décisions doctrinales du pape, avant qu’elles fussent sanctionnées par le consentement de l'Église universelle. En 1651 25 évêques de France, écrivant à Innocent X, au sujet des erreurs de Jansénius, témoignent que c’est la coutume constante de l'Église de référer au saint-siège, à cause de la foi indéfectible de Pierre, les causes concernant la foi. Pour mettre fin aux controverses, ils demandent au pape de porter, sur les propositions plus particulièrement dangereuses ou dont la discussion est plus ardente, une décision certaine qui dissipe toute obscurité, calme les esprits, termine tout différend et rende à l'Église la tranquillité. Duplessis d’Argentré, Colleclio judiciorum de novis erroribus, Paris, 1736, t. III, p. 260. Après la condamnation portée par Innocent X contre les cinq propositions extraites de VAugustinus, ces mêmes évêques, exprimant au pape leurs remerciements et leur parfaite soumission, reconnaissent que l’autorité du pape divinement établie est, selon la parole de Jésus-Christ et selon la tradition constante, une autorité souveraine dans toute l'Église, que tous les chrétiens sont tenus de lui donner mentis ubsequiiim, et que le pape Innocent X,