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INFAILLIBILITE DU PAPE

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porte quelle autre autorité, est formellement exprimé chez saint Antonin de Florence. On précise aussi, comme le fait TorquOniada, que l’infaillibilité pontificale s’étend seulement aux jugements que le souverain pontife porte en ce qui concerne la foi. Le progrès se manifeste aussi dans l’exposition de la preuve scripturaire et surtout patristique des deux textes évangéliques.Matth., xvi, 18, et Luc, xxii, 32, que l’on commence à développer avec un peu d’ampleur, contre les erreurs de cette époque.

F"= PÉRIODE, depuis le commencement du xvi<e siècle jusqu’à la définition dogmatique du concile du Vatican (1870), période caractérisée par un très notable développement dogmatique de l’infaillibilité pontificale. Nous nous bornerons à une indication sommaire du mouvement général des idées sur les principaux points concernant ce dogme

1 » Preuves scripturaires et palristiques du dogme de rin/aillibililé pontificale. — 1. Preuves scripturaires. - fl^ La principale preuve scripturaire invoquée par les défenseurs de l’infaillibilité ponli ficale à cette époque est le texte Ego rogavi pro te ut non dejlciat fides tua. Luc, XXII, 32. Le plus souvent on rapporte simplement le texte ou l’on y ajoute de courtes indications exégétiques ou patristiques, parmi lesquelles surtout l’autorité des souverains pontifes, tels que saint Léon le Grand, saint Agathon et saint Léon IX ; c’est ce que font notamment Pighi, Hiérarchise ecclesiasticæ asseriio, t. IV, c. viii, Cologne, 1538, fol. 130 ; Grégoire de Valence, Analysis ftdei catholicx, part. VII, Ingolstadt, 1585, p. 241 sq. ; Ferr, ’, Tractatus de virtutibus theologicis, t. i, q. xii, dans Rocaberti, Bibliotheca pontificia maxima, Rome, 1698, t. xx, p. 388.

Parfois cependant à l’appui de ce texte scripturaire on apporte quelques arguments exégéliques. Comme exemple, nous citerons surtout Bellarmin au xvif siècle et André Du val au xv ! i « .

Bellarmin, dans son argumentation scripturaire, combat deux fausses interprétations. Contre la première attribuant à Ego rogavi ce sens que Notre-Seigneur a seulement prié pour l’Église universelle pour que sa foi ne défaille point, Bellarmin montre que Pierre seul est désigné par Notre-Seigneur comme le bénéficiaire immédiat des promesses divines, par toutes les expressions marquant spécialement la personne de Pierre et par les paroles confirma fratrcs tuas, qui dans l’autre hypothèse n’auraient aucun sens. Quant à la deuxième interprétation entendant les paroles de Noire-Seigneur de la seule persévérance personnelle de Pierre, elle est en opposition formelle avec le contexte. Car.Jésus, pour écarter le danger commun ut cribrarct vos, a certainement demandé pour Pierre un privilège qui dût servir à l’utilité commune : ce qui ne convient aucunement à l’hypothèse indiquée. D’ailleurs tout dans le contexte indique que Jésus demande pour Pierre une chose spéciale, bien qu’elle soit pour l’utilité des autres. ()r la persévérance personnelle de Pierre dans la grâce ou dans l’amitié de Dieu n’est point une faveur spéciale, puisqu’une semblable faveur a été, peu après, demandée par Jésus pour tous les apôtres : Pater sancte, scrva eos in nomine tuo quos dedisti mihi. Joa., XVII, 11.

Bellarmin adopte donc cette troisième exposition qui est la vraie : Jésus a demandé pour Pierre et ses successeurs deux privilèges intimement connexes : rindéfectibilité dans la foi et le privilège de ne jamais rien enseigner contre la foi. Dans la pensée de Bellarmin, ces deux privilèges n’en font vraiment qu’un, car d’après tous les témoignages qu’il cite, l’indéfectibilité est promise au chef de l’Église pour qu’il alïermisse ou confirme lui-même tous ses frères dans la foi. JJe romano pontifice, t. IV, c. iir.

Au xvii’e siècle, André Duval complète la démonstration de Bellarmin en réfutant les arguments par lesquels Edmond Richer († 1C31) et Simon Vigor († 1624)’venaient d’attaquer l’interprétation traditionnelle dU’texte Ego rogavi pro te. De suprema romani pontificisin Ecclesiam potestate, part. II, q. i, Paris, 1877,. p. 107 sq.

Au xv !  !  !  ! ? siècle, Pierre Ballerini († 1769), insiste principalement sur les témoignages patristiques en faveurde cette même interprétation du texte de saint Luc. De vi ac ratione primatus romanoruni pontificum. Munster, 1845, p. 276 sq.

b)Lcs défenseurs de l’infaillibilité pontincale, à cette époque, citent fréquemment aussi le texte Tu es Pelrus et super hanc pctram œdificabo Ecclesiam meam el portée inferi non pruevalebunt ndversus eam, Matth., XVI, 18, le plus souvent sans ap]iorter aucune preuve ou en donnant seulement une courte démonstration exégétique et patristique. Nous citerons particulièrement Pighi, toc. cit. ; Bernardini de Lucques († 1585), Concordia ecclesiastica, t. IV, c ii, Florence, 1552, p. 191 sc[. ; Grégoire de Valence, op. cit., p. 219 ; Bellarmin, De romano pontifice, t. IV, c. m ; S. François de Sales, Controverses, part. II, c vi, a. 4, Œuvres, Annecy, 1892, t. i, ]). 246 ; Duval, De suprema romani pontificis in Ecclesiam potestatc, part. II, q. i, Paris, 1877, p. 107 ; Platel († 1681), Synopsis cursus theologici, part. III, c i, p. iv, 5e édit. Douai, 1704, t. iii, |). 79 ; Ferré, loc. cit. ; Dominique de la Sainte-Trinité († 1687), De sunmw pontifice romano, c. xvi, p. iv, dans Rocaberti, op. cit., t. x, p. 311.

Les théologiens qui insistent le plus sur les preuves patristiques en faveur de l’infaillibilité pontificale d’après Matth., xvi, 18, sont, au xvii*e siècle, Macédo, et au xviii<ï, Pierre Ballerini.

François Macédo († 1681), explique ainsi le langage des Pères qui, dans leur interprétation de ce texte, font surtout ressortir la foi de Pierre. Ce n’est point, dit-il, que les Pères aient nié que le texte doive s’entendre de la personne de Pierre, établi lui-même fondement de l’Église. Mais ils ont considéré, dans Pierre, laraison pour laquelle il a mérite de Jésus l’éloge que tous ses successeurs méritent également. Dans la pensée de ces Pères, notamment de saint Hilaire, saint Grégoire de Nysse, saint Jean Chrysostome, saint Jérôme et saint Augustin, le sens est véritalement : Christus super hanc fidclem petram œdificavit Ecclesiam. D’où Macédo conclut : Igitiir non potest unquum Petrus a fidedeficerc. De auctorilate pupæ, q. i, a. 1, dans Rocaberti, op. cit., t. xii, p. 165 sq. Macédo écartait ainsi la principale difficulté critique soulevée pai’Launoi au point de vue patristique.

Pierre Ballerini met la même remarque en tête de sa longue liste de témoignages patristiques, p. 269 sq.

c) Le texte Pasce oves meas, Joa., xxi, 17, très souvent mentionne dans la démonstration de l’infaillibilité pontificale, n’est l’objet durant cette période d’aucun développement exégétique ou patristique.

2. Autorité de la tradition. — Cette autorité est fréquemment citée, soit à l’appui des preuves scripturaires, comme chez Bellarmin et Macédo, soit à part, comme le fait Dominique de la Sainte-Trinité. Bibliollieca theologica, t. III, sect. iv, c. xvi, Rome, 1668, t. iii, p. 282 sq., ou dans Rocaberti, t. x, p. 312 sq. ; soit pour ces deux démonstrations. Ballerini, op. cit, p. 275 sq., 279 sq.

Cette démonstration patristique n’est pas exempte de défauts. On y a inséré quelques témoignages inauthentiques, comme ceux de saint Lucius I"’et de saint Félix h’, empruntés par Bellamiin, De romano pontifice, t. IV, c. iii, aux fausses Décrétâtes encore acceptées avec confiance. On rencontre aussi, dans cette démonstration, des réponses discutables ou même