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INFAILLIBILITÉ DU PAPE


inspirée par le Saint-Esprit ; autrement il s’est, de fait, souvent trompé. Loc. cit. Toutefois tout ceci est affirmé avec quelque licsitation, non définitive determinando xed doctr inaliter suadendo. Et finalement l’auteur se soumet à la définition du concile : nam hujusrei definitioncm sacri concilii determinationi snbmitto. Loc. cil.

Gerson († 1429) admet qu’il est parfois permis de décliner le jugement du pape dans les causes de foi et d’en appeler à une autre autorité. Il fonde cette assertion sur un décret du concile de Constance dans la session du 6 avril 1415 ; décret non approuvé par Martin V et conséquemment sans autorité. Voir t. III, col. 1220 sq. Gerson s’appuie aussi sur le fait de la résistance de saint Paul à l’autorité de Pierre, auquel est attribuée, dans la circonstance, une défaillance dans la foi, parce qu’il ne marchait pas alors ad verilalem Euangelii. Gerson assure qu’il n’y a en ceci aucune contradiction avec la bulle de Martin V, du 10 mars 1418, interdisant tout appel de la sentence du pape à un concile futur. Car cette constitution, qui ne mérite aucun blâme théologique, est susceptible d’une interprétation très raisonnable et très vraie, à savoir qu’il n’est pas permis d’en appeler du jugement du pape ou de décliner son jugement dans les causes de foi, non indistinctement et dans tous les cas, mais quand le pape fait tout ce qui dépend de lui, quand il ne paraît pas dévier de la foi et qu’il marche droit selon la vérité de l'Évangile, sans aucune acception des personnes. Ce qui est véritablement le cas pour Martin V, selon son affirmation et selon la teneur de la constitution précitée. Quomodo et an liceat in cousis fidei a sununo pontifice appellare seii ejus judicium declinare, traité écrit en 1418, Gerson, Opéra, Anvers, 1706, t. ii, col. 303 sq., 308.

Nicolas Tudeschi, appelé aussi Nicolas de Sicile ou Panormitanus († 1445), admet quelque supériorité du concile sur le pape en ce qui concerne la foi. Il en conclut quod papa non potest disponere contra disposilum par concilium. Selon lui, si le pape était mu par des raisons et des autorités meilleures que celles sur lesquelles le concile s’appuie, on devrait s’en tenuà la décision du pape, parce que le concile peut errer, sicut alias erravit super malrimonio conlrahendo inter raplorem et raplam. Tudeschi ajoute même qu’en matière de foi diclum unius privait essel præferendum dicta papee, si ille moverctur melioribus rationibus et auctoritalibus Novi et Veteris Testamenti quam papa. Quant au texte Ego rogavi pro le ut non deficiat fides tua, on doit l’entendre de l'Église en tant qu’elle est la collection de tous les fidèles. Cette promesse de Jésus-Christ serait même suffisamment accomplie si la foi restait dans une seule âme, comme il advint, après la passion de Jésus, quand la foi demeura intacte dans la seule àme de Marie. Commentaria in Décrétai, t. I, tit. vi, c. iv, n. 3, Venise, 1617, 1. 1, p. 108.

Des assertions assez semblables à celles de Tudeschi se rencontrent aussi chez Angelo de Clavasio et Denys le Chartreux. Angelo Carleti de Clavasio († 1495), s’appuyant sur le Décret de Gratien, affirme que le pape peut errer dans la foi, mais non toute l’Eglise. Summa angclica, art. Papa, q. ix, Venise, 1525, fol. 618. Denys le Chartreux ou de Ryckel († 1471), comparant l’autorité du pape et celle du concile général, affirme qu’un concile général ne peut errer dans la foi, ni en ce qui concerne les bonnes mœurs, parce qu’il est, dans de telles déterminations, immédiatement régi par le Saint-Esprit. Aussi on doit, en ces matières, s’en tenir à la détermination de l'Église ou aux statuts du concile comme à la détermination et à la décision du Saint-Esprit. Et comme le pape peut errer dans la foi et en ce qui concerne les mœurs et les autres choses nécessaires au salut, il ne paraît pas

que l’on soit en cela, finalement et certainement, obligé de s’en tenir à son jugement, puisqu’il n’est pas une règle infaillible, ni un fondement incapable de dévier. De uuctoritate summi poniificis et generalis concilii, t. I, a. 29, Opéra omnia. Tournai, 1908, t. XXXVI, p. 570 sq. D’où Denys conclut que la décision dernière en matière de fol paraît appartenir à un concile général, parce qu’on ne peut donner son assentiment à la décision du pape qu’avec crainte, tandis que l’on peut adhérer avec certitude à la détermination faite par l'Église. Néaimioins il appartient à l’autorité du pape de faire un symbole de fol, quoique la personne à laquelle une si grande autorité est confiée, soit, comme les autres personnes, fragile et sujette au péché. En conséquence, vis-à-vis d’une décision provenant d’une telle personne, l’on n’est point aussi certainement tenu que pour les décisions de l'Église universelle infaillible, à laquelle il appartient de déclarer la juste convenance d’un symbole de foi rédigé par le pape. De même quand le concile n’est pas actuellement réuni, on doit recourir principalement au pape qui, en considération de sa faiblesse, n’a pas coutume de résoudre des choses difficiles sans l’approbation de l'Église ou sans la présence d’un concile. Loc. cit., p. 571 sq.

2° A rencontre de ces opinions se manifeste, à cette même époque, un premier développement Ihéologique du dogme de rinfalllibilité pontificale, particulièrement chez Thomas Nelter, saint Antonin de Florence et le cardinal Torqucmada.

1. Thomas Netter, appelé aussi Waldensis († 1445), prouve, par plusieurs témoignages des Pères, que le pape jjossède ab anliquo potestatem in/ringibilem ad determinandum fidei veritales et debellandum et cancellandum omnes falsilales hæreticas. Doctrinale antiquitalum fidei Ecclesiæ catholicæ, I. II, a. 3, c. 47, Venise, 1571, t. I, p. 284 sq. ; et que l'Église romaine est, par l’enseignement du pape, perpétuellement à l’abri de toute erreur dans la fol, t. II, c. 48, p. 287 sq. En faveur de cette Immunité d’erreur dans la foi, l’autorité de Luc, xxii, 32, et de Matth., xvi, 18, est citée, p. 287, 289 ; et de ces autorités scripturaires Netter conclut que Pierre, qui a été le premier confesseur de la divine génération, a reçu le premier, de JésusChrist, la prérogative de l’autorité, ut super fidem ejus præ aliis apostolis fundaretur Ecclesia, p. 288 ; et que celui auquel Jésus a dit Ego rogavi pro te ut non deficiat fides tua, est le maître unique par l’enseignement duquel la foi dans l'Église est une, p. 287.

On objecte ce passage de Netter : Posset forsan alicujus unius sapienlis fidelis esse suspicio, posset unius episcopi et apud pcriinacem aliquem est alicujus cleri sive universitatis, sive si/nodi episcopalis, sive etiam decreti comnuinis in Romana Ecclesia, imo forsan el generalis concilii patrum orbis, quia nulla harum est Ecclesia catlwlica sijmbolica, ncc vindicat sibi fidem dari sub pœna perfidiæ, sed qui sanctionibus sanctorum patrum Ecclesiæ cattiolicie et aposlolicse, id est per totiim mundum expansée et a sanctis apostolis conslitutæ et per successiones patrum iisque ad nostra tempora claruerunt, non stalim obedit, ipse filius prolerviæ sine omni scrupulo damnatur a singulis, 1. 11, c. xix, t. i, p. 196.

Mais il est manifeste qu’ici le but de Netter est uniquement de faire ressortir l'éclatante autorité du magistère ordinaire de l'Église universelle. Celte autorité est donnée comme tellement Indiscutable, aux yeux de tous, que quiconque ne lui obéit point aussitôt, est condamné par tous sans aucune hésitation comme un révolté ; tandis que pour les autres autorités, même pour un concile général et pour quelque décret de l'Église romaine, toute possibilité de soupçon contre leur vérité ou leur obligation n’est pas absolument