Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/213

Cette page n’a pas encore été corrigée
1675
1676
INFAILLIBILITE DU PAPE


b) Chez saint Thomas († 1274), se manifeste un progrès très marqué dans l’expression du dogme de l’infaillibilité pontificale qui, sans être l’objet d’une étude spéciale, est néanmoins nettement indiqué. Dans sa réfutation des erreurs des grecs, le saint docteur montre particulièrement, par le texte de saint Luc, xxii, et par le témoignage de plusieurs Pères orientaux, qu’il appartient au pontife romain de déterminer qiise fidei sunt. Contra errorem græcorum, c. XXXIT.

Dans les Quæstiones quodlibetales, saint Thomas, examinant cette question : Utrum onincs sandi qui sunt pcr Ecclesiam canoniiali, sint in gloria, pose ce principe général : CeTtiim est quod judicium Écclesiæ iiniversalis errare in his quee ad fidem pertinent impossibile est. Puis, en vertu de l’identification qu’il établit entre l’autorité doctrinale de l'Église et celle du pape, il conclut que l’on doit s’en tenir à la décision du pape, déterminant ce qui appartient ù la foi. Qiiodiibet., IX, q. vii, a. 16. Nous n’examinerons point ici la réponse donnée par saint Thomas à la question particulière de la canonisation des saints. Voir t. iv, col. 2182 sq. Nous voulons seulement retenir sa conclusion sur la nature et l’objet de l’infaillibilité pontificale. Dans sa nature, elle doit être identifiée avec l’infaillibilité de l'Église. Dans son objet, elle s'étend à tout ce qui appartient à la foi, en y comprenant ce qui lui appartient indirectement d’après la doctrine de saint Thomas précédemment indiquée. Voir DÉPÔT DE LA FOI, t. IV, col. 528 sq.

Dans la Somme théologique, l’autorité doctrinale du souverain pontife est appuyée sur la parole de JésusChrist : Ego pro te rogavi. Luc, xxii, 32. Il appartient à cette autorité de déterminer ea qme sunt fidei ut ab omnibus inconcussa fide teneantur. II* Il^e, q. i, a. 10. Cette détermination doctrinale peut s'étendre à tout ce qui est nécessaire pour l’explication de la foi contra insurgentes errores, ad lum. Comme exemple de cette détermination faite par la souveraine autorité doctrinale du pape, saint Thomas indique le symbole attribué à saint Athanase, qui est devenu une règle de foi par l’approbation du souverain pontife : quia integram fidei verilatem ejus doctrina breviler continebat, auctoritate summi pontificis est recepta, ut quasi régula fidei habeatur, ad 3°™.

c) Chez saint Bonaventure, l’on ne rencontre guère que les formules déjà en usage avant lui. Dans les Quæstiones disputatæ de perfectione evangclica, traitant de l’obéissance due au souverain pontife, il en montre le fondement dogmatique dans la primauté établie par Jésus-Christ. Il alTirme particulièrement que toute la solidité de l'Église vient de Pierre, unde et iota firmilas ipsius Ecclesiæ principaliler manat a soliditate unius Peiræ et unius Pétri qui est vicarius Petræ ; ce qu’il prouve par Matth., xvi, 18, et par Luc, xxii, 32 ; il ajoute aussi un canon ]>seudo-isidorien inséré dans le Décret de Gratien sous le nom de saint Jérôme. De perfectione evangclica, q. iv, a. 3, Opéra, Quaracchi, 1891, t. V, p. 195.

Dans son commentaire sur saint Luc, le saint docteur déclare qu’il a été accordé à Pierre, ut de Ecclesia ejus nunquam deficiat vcra fides, selon Luc, xxii, 32. Comment, in Evangelium Lucæ, c. ix, n. 34, t. vii, p. 227. Un peu plus loin, le texte Ego autem rogavi pro te ut non deficiat ftdes tua, est explique soit de Pierre, qui est tombé, mais qui n’est point resté dans sa défaillance, soit de l'Église de Pierre, pour laquelle Jésus-Christ a prié et qui, bien qu’elle soit secouée, ne fait cependant point naufrage. Hoc enim posuit Deus in illa Ecclesia ad confirmidionem aliarum. Comment, in Evang. Lucæ, c xxii, n. 43, p. 552.

Dans Y Apologia paupcrum, saint Bonaventure fait observer que, si, au temps du sacerdoce préfiguratif,

ceux qui s’opposaient à la décision du grand-prêtre étaient punis de la peine de mort, à bien plus forte raison, sous la loi de vérité et de grâce, quand la plénitude du pouvoir a été manifestement donnée au vicaire de Jésus-Christ, malum esse constat nullatenus toleranduni in fide vel moribus ejus definitioni dogmatizare conlrarium, approbando quod ipse reprobat, reœdificando quod ipse drstruit, defendendo quod damnât. Apologia pauperum, c. t, t. viii, )). 235.

7° Au XI Ve siècle. — 1. Interventions doctrinales des souverains pontifes. — Ne pouvant signaler en détail toutes ces interventions, très nombreuses à cette époque, nous nous bornerons à indiquer leurs caractéristiques principales. — a) Parfois les papes, par leur seule autorité, définissent la doctrine à laquelle tous les fidèles sont strictement tenus d’adhérer, même pour des matières qui jusque-là n’avaient point été l’objet d’un enseignement très explicite. Telle fut particulièrement, en 1336, la déclaration de Benoît XII, relativement au moment auquel commence la vision béatiflque, pour les âmes suffisamment, purifiées en quittant cette vie terrestre. DenzingerBannwart, n. 530 sq. Voir t. ii, col. 657-658.,

b) Parfois aussi les papes, de leur seule autorité, , condamnent plusieurs erreurs comme étant des hérésies formelles, ou comme entachées d’hérésie. C’est ce qui se fit particulièrement pour les fratricelles, dont les assertions furent réprouvées comme hérétiques du moins en partie, Denzinger-Bannwart, n. 490 ; et pour les erreurs de Marsile de Padoue et de Jean de Jandun, rejetées comme contraires à l'Écriture et à la foi catholique et comme hérétiques, en ce qui concerne la constitution de l'Église. Ibid., n. 495 sq., 500.

c) En outre, les papes réprouvent, soit avec des articles hérétiques, soit en dehors de toute condamnation d’hérésie, des propositions fausses, dangereuses^ suspectes ou erronées, comme les propositions principalement philosophiques de Nicolas d' Outrecour condamnées sur l’ordre de Clément VI en 1348, ibid., n. 553 sq., et plusieurs assertions attribuées à Eckart, n. 501 sq.

d) Sans chercher à déterminer ici, pour chacun de ces divers cas, jusqu'à quel point chaque décision est tenue pour strictement infaillible, il nous suffit de constater que l’autorité doctrinale du pape s’exerce comme une autorité obligatoire pour tous en toul ce qui appartient à la foi, et qu’elle est, selon la doctrine de saint Thomas, pratiquement identifiée avec l’autorité doctrinale de l'Église.

2. Affirmations des auteurs ecclésiastiques.

A cette époque, quand les théologiens ou les canonistes parlent de l'Église et de la papauté, c’est surtout pour réfuter les prétentions césariennes des légistes du temps ou les erreurs de Marsile de Padoue et de Jean de Jandun relativement à la constitution de l'Église, ou les erreurs césariennes d’Occam et de ses partisans. Ce n’est qu’accidentiellement qu’ils parlent de l’infaillibilité pontificale. Leurs affirmations sont cependant assez explicites. Nous citerons particulièrement Gilles de Rome, Fasitelli et Triumphi.

a) Disciple de saint Thomas, Gilles de Rome ( 1 1316), reproduit et accentue sa doctrine. Ad summum pontificem et ad ejus plenitudinem potestatis spectat ordinare fidei symbolum et statuere quæ ad bonos mores speeture videntur, quia, sive de fuie sive de moribus quæstio oriretur ad ipsum speclaret definitivam dare sententiam, ac statuere nccnon et firmiter ordinare quid Christiani sentire deberent. Cette fonction lui vient de sa primauté qui lui confie la charge et lui donne le pouvoir de régler dans l'Église quæcumque sunt fidei et' eliam quæcumque sunt morum. Les autres docteurs procèdent per viam doctriniv ; seul le pape prononce d’autorité : quid sententialilrr sit tenendum… adsoliim