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INFAILLIBILITÉ DU PAPE


la foi avec l'Église de Rome, qui a toujours conserve la vérité apostolique.

D’ailleurs l’interprétation différente que l’on voudrait donner à convenire n’est aucunement prouvée et reste en opposition avec tout le contexte. Convenire (id contenant une idée de mouvement doit, dit-on, l 'entendre de la rencontre à Rome des fidèles de toutes les parties du monde, d’autant plus que l’idée de mouvement est suggérée aussi par undique. Il est d’ailleurs aisé de comprendre que les fidèles aient été attirés de tous les pays vers Rome par des afïaires de iliverse nature. Et on ajoute que c’est par le contact habituel avec les fidèles du monde entier que l'Église de Rome est maintenue dans la foi apostolique, et <(u’elle est préservée des opinions étrangères à la doctrine des apôtres. Voir J. Turmel, Histoire du dogme de la papauté, des origines à la fin du iv siècle, 2'^ édit., Paris, 1908, p. 39, qui expose, avec beaucoup de complaisance, cette interprétation.

Ces raisons sont loin de prouver la conclusion que l’on voudrait en déduire. L’emploi de la préposition ad avec le verbe convenire ne suffit point pour donner à convenire le sens de se réunir ou de se rencontrer. La préposition ad a toutes chances d'être la traduction de Tcpàc, qui n’inclut pas forcément cette idée. De même les expressions eos qui sunt undique fidèles et ab his qui sunt undique ne suffisent point pour faire attribuer à convenire l’idée de rencontre et en exclure l’idée d’accord. Car le mot undique étant plusieurs fois employé dans le Contra hærcses dans le sens d’ubique, notamment t. III, c. xxxiv, 1, col. 966, rien ne s’oppose à ce qu’il en soit de même ici. Ou sait d’ailleurs que chez les auteurs grecs l’emploi d’une expression pour l’autre n’est point rare.

Quant à l’idée du maintien de la foi apostolique dans l'Église romaine par le contact perpétuel avec les fidèles du monde entier, ab liis qui sunt undique, elle est en opposition avec tout ce qui précède et avec tout ce qui suit, puisque tout ce contexte, selon l’exposition qui en a déjà été faite, exprime l’idée de la conservation de la foi des apôtres, accomplie par l'Église romaine elle-même.

b. La nécessité de cet accord dans la foi avec l'Église de Rome résulte de l’autorité supérieure qu’elle possède en ce qui concerne la foi. a) Cette autorité supérieure est signifiée par ob potentiorem principalitatem. On doit noter que principalitas est habituellement employé par le traducteur du Contra liœreses dans le sens d’autorité supérieure, et surtout d’autorité appartenant à Dieu. Voir particulièrement t. I, c. xxvi, 1 ; XXX, 8 ; xxxi, 1 ; t. II, c. xxx, 9 ; t. IV, c. xxxviii, 3, P G., t. vii, col. 680, 699, 701, 822, 1108.

Ce sens est d’ailleurs confirmé par tout le contexte immédiat. C’est, en effet, ce que suggère le fait énoncé dans la phrase antécédente, que toutes les hérésies doivent être tenues pour condamnées, dès lors qu’elles sont opposées à l’enseignement de l'Église de Rome, col. 849.

L’autorité éminente de l'Église de Rome apparaît aussi au paragraphe suivant, dans les deux passages louant cette Église d’avoir réparé la foi des Corinthiens en leur annonçant la tradition qu’elle avait récemment reçue des apôtres, col. 850 ; ou attribuant à la succession des évêques de Rome l’enseignement des apôtres tel qu’il est dans l'Église, et tel qu’il est parvenu jusqu'à ce moment, col. 851.

D’ailleurs les autres sens que l’on a voulu donner à principalitas ne peuvent s’accorder avec le contexte. Il ne peut être question du prestige politique de Rome comme capitale de l’empire. Car cette pensée ne se manifeste nulle part chez Irénée ; et elle est exclue ici par toute la suite de l’argumentation. C’est à tort que

J. Turmel, op. cit., p. 44, attribue aux circonstances politiques les deux appellations rnaximæ et omnibus cognitæ, col. 848, qui peuvent bien convenir à l’autorité ecclésiastique de Rome.

L'éminente supériorité de Rome n’est point due non plus à ce qu’elle est l'Église apostolique la plus ancienne. Rien ne prouve qu’elle était la plus ancienne. Le contraire est même certain, car plusieurs Églises d’Orient, notamment.lérusalem et.'X.ntioche la surpassaient sur ce point. Et d’ailleurs, l’ancienneté ne suffirait point pour que l’autorité de sa doctrine, suggérée par tout le contexte, dût s’imposer à toutes les autres Églises.

On peut encore moins affirmer qu' Irénée parlait seulement de l’Occident où parmi les Églises apostoliques, Rome était la plus ancienne. Cette supposition est exclue par ces deux raisons qu' Irénée écrivait principalement pour les Orientaux et qu’ici il veut parler de toutes les Églises.

Enfin, il ne suffit point de dire avec Harnack que, parmi les Églises fondées par les apôtres, celle de Rome a la plus grande authenticité, parce qu’elle a été fondée par les apôtres les plus illustres ; et que, comme telle, elle doit servir de règle dans la foi. Lehrbuch der Dogmengeschichtc, 3e édit., t. i, p. 46. Car Irénée reconnaît à toutes les Églises fondées parles apôtres ce droit de servir de règle dans la foi. Et l’autorité attribuée ici à l'Église de Rome est une autorité qui n’appartient à aucune autre Église, ou qui dépasse manifestement celle de toutes les autres Églises.

P^ De cette autorité supérieure de l'Église de Rome l’incidente in qua nous offre encore une confirmation, si on la rattache, comme tout le contexte le suggère, à l'Église de Rome.

On doit tout d’abord reconnaître que rien ne s’oppose à ce que ce sens soit adopté. Car on sait qu’en grec il n’est pas rare qu’une incidente se rapporte à un substantif plus éloigné quand il est plus important. Le Contra hæreses en ofïre quelques exemples, notamment I. IV, c. XX, 5, col. 1034.

Ce sens, certainement possible, est suggéré dans tout le contexte par la triple répétition de cette môme idée déjà signalée, — que l'Église romaine possède la tradition des apôtres, venant jusqu'à nous par la succession de ses évêques, et qu’en indiquant cette tradition et cette foi, on confond tous ceux qui præterquam oportet colligunt, — que l'Église romaine, possédant ainsi la tradition des apôtres, a réparé la foi des Corinthiens, en leur annonçant la tradition qu’elle avait elle-même reçue, — que l’enseignement et la prédication de la vérité sont parvenus à tous les fidèles par la succession des évêques de Rome.

D’ailleurs, dans l’hypothèse rattachant l’mcidente in qua à onuicm ecclesiam, telle qu’elle est exposée par Harnack, op. cit., 1. 1, p. 446, et Turmel, op. cit., p. 41, le sens que l’on obtient n’est guère qu’une tautologie. D’après Harnack, le sens de la phrase est que toute Église, iiour autant qu’elle est fidèle à la tradition ou qu’elle a la vraie foi, s’accorde nécessairement avec l'Église romaine : nécessairenient ne signifiant point ici l’idée de commandement ou de devoir, mais seulement une sorte de nécessité logique, parce qu’il ne peut pas en être autrement.

Mais n’est-ce pas une sorte de tautologie de dire que les Églises de tous les pays, pour autant qu’elles sont fidèles à la tradition apostolique, s’accordent en fait et par une absolue nécessité, avec l'Église romaine, supposée elle-même fidèle à cette tradition ? On cherche à corriger cette tautologie en introduisant l’idée d’une obligation de s’accorder avec l'Église romaine..Mais alors que signifie l’incidente ('/( qua, qui laisserait supposer que l’obligation n’incombe pas à toutes les Églises, mais seulement à celles qui sont ainsi désignées ?