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INFAILLIBILITE DU PAPE

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confirnioe par le concile du Vatican, sess. IV, c. iv.

D’ailleurs, en étudiant bientôt l’enseignement traditionnel, nous aurons sou vent l’occasion de constater chez les auteurs ecclésiastiques et les théologiens l’enseignement explicite très fréquent de cette interprétation du texte Tu es Petriis.

Texte de saint Luc.

Ait autem Dominus : Simon, Simon, ecce Satanas expetivii vos ut cribrarct sicut Iriticum. Ego autem rogavi pro te ut non deficiat fuies tua : et tu aliquando conversus confirma fratres hios, xxii, 31. Ce texte se rapportant immédiatement et l)rincipalement au dogme de l’infaillilnlité pontificale, nous devons l’étudier ici d’une manière particulière, mais sans nous arrêter à prouver son authenticité, qui n’a jamais été l’objet d’aucune attaque ni d’aucune discussion, bien cju’il se rencontre uniquement chez saint Lue. D’ailleurs, après la démonstration de l’authenticité du texte de saint Matthieu, le texte de saint Luc, qui a avec celui de saint Matthieu un parallélisme si marqué, ne peut présenter aucune difficulté.

1. Exégèse du texte.

L’appellation répétée : Simon, Simon, du ꝟ. 31 et le quadruple emi> ! oi, dans la Vulgate comme dans le texte grec, des pronoms tu, te, tua, tuns, Trepl C70u, y) tcîcttlç aou, ai, touç àSeXçoûç aou, au ꝟ. 32, sont une preuve manifeste que Jésus, l)ien qu’il indique incidemment un péril commun, expetivit vos ut cribraret sicut triticum, adresse particulièrement à Pierre la promesse solennelle du ꝟ. 32. Il était impossible de prendre plus de précautions pour désigner nommément Pierre. Que l’on se rappelle d’ailleurs le texte manifestement parallèle Matth., XVI, 16, où Jésus se sert d’expressions, somt^lables pour désigner spécialement Pierre.

Ecce Satanas expetivii vos ut cribraret sicut Iriticum, indiquent un danger commun à Pierre et à ses frères. Selon la force de l’expression ut cribraret sicut triticum, Toù ai, vi.àcyoci wç tov oitov, il s’agit d’un danger très grand. Satan a désiré vous secouer, vous agiter comme on agite le grain dans un crible. Ces attaques violentes de Satan ont pour but de chasser, de l’âme de Pierre et de ses frères, la foi chrétienne, puisque le remède promis par Jésus, d’après le reste de son discours, est l’indéfectibilité dans la foi, assurée à tous, à Pierre immédiatement et à ses frères médiatement par la confirmation que Pierre leur donnera. Enfin l’inutilité de ces efforts de l’enfer est insinuée par le mot expetivii, sÇ-jrjxyjaaTO, qui signifie un simple souhait ou désir ; expression qui d’ailleurs concorde avec Matth., xvi, 19, et partie in/eri non prævalebunt adversus eam, exprimant l’insuccès final des attaques des puissances infernales contre l’Église.

Ego rogavi pro te. La prière de Jésus, toujours efficace, cg’O autem sciebam quia scmper me audis, Joa., XI, 42, est un gage assuré que la promesse qui va être faite à Pierre sera infailliblement accomplie.

Ut non deficiat fides tua, ïva [ir] ixXinꝟ. 7] nLaxiç aou. Toute destruction de la foi de Pierre, ou toute cessation, quelle qu’elle soit, est donc complètement écartée. Il est d’ailleurs manifeste que la foi dont il s’agit ici est la foi au sens théologique d’assentiment à la vérité révélée, selon l’usage le plus habituel du Nouveau Testament. Voir F’oi, t. vi, col. 57 sq. Il est non moins certain qu’il s’agit ici principalement de la foi de Pierre, parlant ou enseignant comme chef de l’Église pour confirmer ses frères, comme l’indique surtout la prière spéciale de Jésus pour la foi de Pierre seul, malgré le danger si menaçant pour la foi de tous, selon les paroles expetivii vos. La sauvegarde contre ce danger commun étant, d’après la parole formelle de Jésus, la seule indéfectibilité de Pierre dans la foi, il faut bien que ce soit l’indéfectibilité ou l’infaillibilité de Pierre parlant comme chef de l’Église.

Sed tu cdiquando conversus, xal où tlots ènicsxpit^ixç, est une phrase incidente diversement interprétée ; mais de quelque manière qu’on l’explique, le sens de la phrase principale ne peut être modifié. Aussi, laissant de côté l’exposé critique des diverses opinions émises, nous nous bornerons aux remarques suivantes : a) Aucun argument vraiment démonstratif ne s’oppose à ce que conversus, èTnCTxpéiJ^aç, s’entende de l’annonce de la conversion de Pierre après son reniement. La simple absence d’indication antérieure de la chute de Pierre étant un argument purement négatif, ne peut sufïL-e. Il est d’ailleurs manifeste, d’après les paroles antécédentes expetivii vos, que le danger est annoncé pour tous, conséquemment aussi pour Pierre. — b) Quant aux interprétations plus ou moins fondées donnant à Irnoxpé^ac, le sens adverbial, à ton tour ; ou le sens intransitif, se tourner vers quelqu’un pour l’aider et prendre soin de lui ; ou encore le sens intransilif, revenir au calme et à la tranquillité ; ou le sens actif, convertir en ramenant à Dieu ; on peut, sans les rejeter absolument comme inadmissibles, afFirmer qu’elles s’accordent difficilement avec le sens le plus haintuel d’ÈTncrpscpco dans le Nouveau Testament, qui est : revenir à Dieu en s’éloignant de l’infidélité ou du péché, soit que èTnarpéçtù soit accompagné de l’expression èicl tov Kùpiov, Act., IX, 35 ; XI, 21, ou de ènl t6v Geov, Act., xiv, 14 ; xv, 19 ; XXVI, 20, ou de Trpôç Kûptov, II Cor., iii, 16, ou d’une expression similaire, 1 Pet., ii, 25, soit que è7n.CTTpé9co soit employé seul, Matth., xiii, 15 ; Marc, IV, 12 ; Ad., iii, 19 ; xxviii, 27.

Confirma, oTTjpiaov, selon son sens habituel dans le Nouveau Testament, Rom., i, 11 ; xvi, 25 ; I Thés., 111, 2, 13 ; II Thés., II, 17 ; iii, 3 ; Jac, v, 8 ; I Pet., v, 10 ; Apoc, III, 2. signifie, au sens propre, soutenir, rendre stable, ferme, et, au sens figuré, affermir, fortifier. D’après le contexte, il s’agit de raffermissement de la foi que Pierre doit donner à ses frères pour les garantir contre le danger qui les menace tous. C’est à cette fin que, suivant la promesse divine, Pierre est rendu lui-même indéfectible dans la foi.

Quant à fratres tuas, on ne peut en restreindre ici le sens aux seuls apôtres, soit pendant le temps de la passion, où Pierre, d’après le récit évangélique, loin de confirmer ses frères, faiblit lui-même ; soit pendant le reste de la vie des apôtres, car, d’après tout le contexte, Jésus veut manifestement que l’affermissement procuré par Pierre s’étende, de droit, à tous ceux dont la foi est menacée par les efforts de Satan, conséquemment à tous les fidèles de tous les temps. C’est d’ailleurs ce que suggère la comparaison avec le texte manifestement parallèle de Matth., xvi, 18, prédisant l’insuccès final des efforts perpétuels de Satan contre l’Église jusqu’à la consommation des siècles.

2. L’enseignement contenu dans ce texte relativement à l’infaillibilité pontificale est donc certain. Pierre et ses successeurs jusqu’à la consommation des siècles, parlant ou enseignant comme chefs de l’Église, doivent confirmer dans la foi, jusqu’à la fin des temps, tous les fidèles considérés isolément ou collectiement, en les faisant participer à leur propre indefectibiUté. Mais pour que la promesse de Jésus ne soit point vaine, et que les fidèles ne soient pas entraînés dans l’erreur, il faut que cet enseignement de Pierre et de ses successeurs, parlant comme chefs de l’Église, soit, en droit et en vertu de la promesse divine, absolument et constamment garanti contre toute possibilité de défaillance dans la foi. Pierre et ses successeurs enseignant, comme chefs de l’Église, ce que les fidèles sont tenus de croire, doivent donc être infaillibles. Aucune difficulté ne peut être faite au sujet de la chute ou du reniement de Pierre, à supposer que ce soit la véritable