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INFAILLIBILITÉ DU PAPE


(le Jésus-Cliiist une perpétuelle solidité en même temps qu’une constante unité, de telle sorte que les puissances de l’enfer ne pourront jamais prévaloir contre elle. Et comme dans une société, ce qui donne la solidité et l’unité, c’est l’autorité, Céphas, pour accomplir son rôle de fondement dans la société nouvelle, devra donc y posséder l’autorité. Cette autorité il devra l’exercer au nom de Jésus et dépendamment de lui, puisque l'É.sîlise reste sienne et que Jésus est le fondement principal sur lequel elle repose. Mais cette autorité devra être elïective sur tous les membres de cette Église, puisque pour appartenir à Jésus et lui rester unis ils doivent s’appuyer sur Pierre et dépendre de lui. Cette autorité devra être perpétuelle et durer jusqu'à la consonnnation des siècles, puisque la société nouvelle doit avoir cette durée comme l’indiquent la parole absolue non prsevalebuni aduersus eain et cette autre ccce ego uobiscuni suni usque ad consununationem Sêeciili, Malth., xxviii, 20, et que cette société ne peut subsister sans son fondement, contre lequel tous les elTorts de l’ennemi seront toujours impuissants.

I)'ailleurs, les autres sens que l’on a voulu donner aux expressions Pierre fondement de l'Église, sont en opposition avec le texte lui-même. C’est ce que l’on doit dire de cette interprétation que Pierre est fondement seulement au même titre que les autres apôtres, appelés fondements, Eph., ii, 20, parce qu’ils ont été les premiers propagateurs de la doctrine de NotreScigneur. Car le rôle des apôtres, comme celui des prophètes, fut seulement un rôle temporaire, tandis que le rôle assigné à Pierre, d’après la volonté formelle de Notre-Seigneur, doit être un rôle permanent jusqu'à la consommation des siècles. Car c’est par le fondement de Pierre qu’une invincible solidité est asiurée à l'Église jusqu'à la fin des temps. Pour la même raison, on ne peut non plus admettre que Pierre soit appelé fondement de l'Église seulement à titre personnel et temporaire, en ce sens qu’il devait le premier prêcher l'Évangile aux juifâ et aux gentils, et que le premier aussi il devait admettre les gentils dans l'Église.

c. La primauté de Pierre est exprimée aussi par les clefs dn royaume des deux que Notre-Seigneur promet de donner à Pierre. Le royaume des cieux a presque exclusivement, dans le Nouveau Testament, le sens général de règne du Messie, prédit par les prophètes, attendu par les juifs, annoncé iiar le précurseur, prêché par Jésus et par ses apôtres et établi sur la terre par Jésus jusqu'à la fin des siècles. A cette acception fondamentale se rattachent, suivant le contexte, plusieurs acceptions particulières : la prédication évangélique de ce royaume annoncé, proposé à l’acceptation de tous, Matth., v, 20 ; vii, 21 ; xix, 14 ; xxi, 31, 43 ; XXV, 34 ; Marc, x, 14 sq. ; xv, 43 ; Luc, iv, 43 ; ix, 2, 60 ; xii, 31 sq. ; xvii, 17 ; xxiii, 51 ; Act., xxviii, 23 ;

I Cor., VI, 9 ; Rom., XIV, 17 ; le glorieux avènement de Jésus venant à la fin des temps pour exercer sur tous les hommes son jugement souverain, Matth., xvi, 28 ; Luc, XXI, 31 ; la gloire céleste comme terme final auquel conduit le régne de Jésus commencé sur la terre, Matth., v, 3, 10 ; viii, 11 ; xxv, 34 ; Act., xiv, 22 ;

II Thés., I, 5. Il faut ajouter une dernière acception que suggère précisément Matth., xvi, 19 : le royaume des cieux est le royaume du Christ établi sur la terre, jusqu'à la fin des siècles. Caria méta})hore du verset 19 étant la continuation de celle du verset 1 8, legnum cœlonim ne peut être que l'Église nouvelle que Jésus venait d’annoncer et sur laquelle Pierre est établi comme fondement. Et c’est d’elle aussi que les clefs sont confiées à Pierre. C’est d’ailleurs en toute vérité que l'Église dont Jésus est le divin architecte, est désignée sous le nom de royaume des cieux, puisqu’elle est

ici-bas l'ébauche du règne céleste. Ce nom convenait aussi pour signifier, à l’encontre des idées charnelles des juifs sur la domination terrestre du Messie, le caractère et le but surnaturel de la société nouvelle. C’est de cette société nouvelle ou de ce royaume nouveau que Pierre recevra les clefs. Expression évidemment métaphorique que l’on doit entendre d’après l’usage suivi dans toutes les langues et dans tous les pays et d’ailleurs consacré par le Nouveau Testament, Apoc, I, 18 ; XXI, 1, et auparavant par l’Ancien, Is., XXII, 22. D’après cet usage la remise des clefs d’une maison, d’un édifice ou des portes d’une ville signifie la remise de la propriété et du droit d’administration de cette maison, de cet édifice, ou la remise du pouvoir de régir ou de gouverner. Et comme aucune restriction n’est formulée dans la promesse faite par Notre-Seigneur, c’est donc le plein pouvoir de régir ou de gouverner la société nouvelle ou l'Église nouvelle, qui est promis à Pierre.

d. La primauté de juridiction promise à Pierre sur la société nouvelle est encore exprimée par la promesse du pouvoir de lier et de délier. C’est un fait bien connu qu’au temps de Notre-Seigneur, d’après l’usage communément reçu, surtout parmi les rabbins, l’expression correspondant à ligarc était employée pour signifier le jugement que l’on portait sur l'étendue de l’obligation de la loi dans tel cas donné. De même solvere signifiait la déclaration que la loi n’obligeait point ou n’obligeait que dans une telle mesure. Notre-Seigneur fait allusion à cet usage quand il reproche aux scribes et aux Pharisiens d’imposer aux autres de lourds et intolérables fardeaux, tandis qu’ils ne veulent point eux-mêmes les remuer avec leur doigt : Alligant enim onera gravia et importahilia et imponunt in humeros hominum : digilo autem siio nolunt ea novere. Matth., XXIII, 4.

Le même sens fondamental doit être donné Ici à ligarc et à solvere, mais avec une extension plus grande, à cause du pouvoir illimité promis à Pierre d’après le verset 18 et le commencement du verset 19.

C’est, en effet, un pouvoir illimité qui est promis à Pierre, comme l’indiquent les expressions si absolues employées par Notre-Seigneur : Qiwdcumque ligaveris super terram, donc la plénitude du pouvoir législatif, judiciaire et coercitif, ainsi que du pouvoir administratif dans toute l'Église.

Quodcumque solveris super terram signifie également la ]>lenitude du pouvoir de remettre ou de faire cesser tout lien, toute obligation, sentence ou pénalité dans toute l'Église et pour tous ses membres, de telle sorte toutefois que l’on maintienne le droit divin ou l’institution divine.

e. Cette primauté de juridiction est promise à Pierre ù perpétuité : c’est-à-dire à Pierre et à ses successeurs jusqu'à la consommation des siècles. Car le fondement sur lequel l'Église doit être bâtie et qui doit lui assurer une invincible solidité contre toutes les attaques de SCS ennemis, doit durer autant que l'Église. Or, d’après le contexte, l'Église doit durer jusqu'à la consommation des siècles, puisque les puissances de l’enfer, ports" infcri. c’est-à-dire les démons avec tous ceux qui composent leur cité infernale, et qui exerceront leur puissance contre elle, surtout par l’Iiérésie, ne la vaincront pas, ne la subjugueront pas ; leurs agressions répétées contre elle resteront finalement sans succès. C’est le sens de où xaTiax^aouaiv qui suppose une lutte, une agression violente restant finalement sans succès.

Quelques interprètes entendent ici portée infcri de la demeure des morts, d’après quelques textes de l’Ancien Testament, ls., xxxviii, 10 ; Job., xxxviii, 17 ; Ps. IX, 15 ; cvii, 18. Voir Enfer, t. v, col. 28 sq. Et ils donnent cette interprétation : la mort à l’empire de laquelle tout est soumis, ne vaincra jamais l'Église