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INFAILLIBILITE DU PAPE


l’our le moment, quelques incUcations sulliioiil relativement aux textes plus souvent cités de saint Ililaire, de saint Épiphanc et de saint Jean Clii ysostome.

Saint Hilairc de Poitiers († 306) affirme, dans deux passades du De Triniialr. que l’Église a été bâtie sur la foi de Pierre, VI, 36 : II, 23, P. L., t. x, col. 186 sq. ; 66. Mais dans ces passages, où la préoccupation principale du saint docteur est de soutenir contre les ariens la consubstantialité du Verbe, son but est surtout de faire ressortir la foi de Pierre en cette divine consubstantialité, comme le montrent l’insistance avec laquelle il commente les paroles de Pierre, Tu es Christus Filius Dei vivi, col. 180, et l’éloge qu’il donne à sa confession, col. 187. C’est ainsi que par une sorte d’application accommodatice, il appelle la foi de Pierre le fondement de l’Église. Cette foi a les clefs du royaume céleste ; ce qu’elle lie ou délie sur la terre sera lié ou délié dans les cieux, col. 187 sq.

Mais cette application accommodatice faite par Hilaire dans ces cas particuliers ne diminue en rien la valeur doctrinale des autres textes, plus nombreux et très explicites, où le saint docteur interprète super hanc pelram de Pierre lui-même comme chef de l’Église. Pierre a reçu les clefs du royaume des cieux ; sur Pierre a été bâtie l’Église, contre laquelle les portes de l’enfer ne prévaudront jamais ; ce que Pierre lie ou délie sur la terre reste lié ou délié au ciel. In ps. CXXXi, 4, P. L., t. IX, col. 130 ; Comment, in Matlh., x

, 7, col. 101 ; JDe Trinitate, Y, 20, P. L., t. x, col. 172. Voir Hilaire, t. vi, col. 2454.

De même on cite de saint Épiphane († 403) cette phrase, que, sur la pierre de la foi solide de Pierre, Jésus-Christ a établi son Église. Hær., lix, 7, P. G., t. XLi, col. 1029. Mais, tout en faisant ressortir, par ces expressions, la foi de Pierre qui a excellemment confessé le Fils de Dieu, et le vrai Fils de Dieu, comme l’indique l’expression Filius Dei vivi, Épipliane, dans le même passage, donne à Pierre le nom de pierre solide sur laquelle, comme sur un fondement, notre foi s’appuie. Et dans le paragraphe suivant il appelle encore Pierre le fondement très ferme de la maison de Dieu, Heer., lix, 8, col. 1029 ; et il entend en ce sens les paroles de Notre-Seigneur, Pascc oves meas. Joa., XXI, 15. Ailleurs, Épiphane dit encore que Pierre a été choisi par Notre-Scigneur pour être le chef de ses disciples. Hier., li, 17, col. 921.

On cite aussi un passage, d’ailleurs très bref, de saint Jean Chrysostome où super hanc pelram est entendu de la foi de la confession de Pierre. In Matlh., homil. Liv, 2, P. G., t. lviii, col. 534. Mais, par cette parole bien incidente, le saint docteur ne veut pas rejeter le sens littéral de Pierre fondement de l’Église, puisque dans la même phrase il aflirme que par là Notre-Seigneur a établi Pierro comme pasteur, et que dans plusieurs des phrases su vantes cette même idée des pouvoirs éminents conférés à Pierre est plusieurs fois répétée. La phrase incidente où super hanc pelram est ainsi commenté ne peut donc être qu’une application morale du texte évangélique, ayant pour but de faire ressortir, contre les ariens particulièrement visés dans ce passage, l’excellence de la foi en la consubstantialité du Verbe. D’ailleurs, Jean (Chrysostome, en plusieurs endroits, entend de Pierre fondement de l’Église, le texte de saint Matthieu, xvi, 18 : In.loa., homil. xix, /*. G., t. LIX, col. 122, où il interjjrète Joa., xxi, 15, dans le sens du pouvoir concédé par Notre-Seigneur à Pierre sur toute l’Église ; De saceidotio, ii, 1, P. G., t. xLViii, col. 631, où il entend aussi de Pierre seul les paroles rapportées par saint Luc, xxii, 31. Cf. In Acta apostolorum, homil. iii, P. G., t. lx, col. 36 sq. Nombreux aussi sont les textes où le saint docteur loue les hautes prérogatives de Pierre avec des expressions contenant des allusions évidentes à Matth., xvi, 18,

comme quand il appelle Pierre, la pierre infrangible, le rocher immuable. De cleemosyma, homil. iii, 4, P. G., t. xlix, col. 208 ; la colonne de l’Église, l’appui de la foi, le fondement de la confession de la foi. Ilomilia de decem milliuni talenlorum debilore, 3, P. G., t. li, col. 20. Voir aussi Ilomilia in illud : Hoc scilole quod in novissimis diebus, 4, P. G., t. lvi, col. 275 ; homil. iv, J7 ! 17/ijrf : Vidi Dominum, P. G., t. lvi, col. 123.

d. Enfin on ne peut opposer les textes où saint Augustin dit que Pierre, quand il reçut les clefs, représentait l’Église. Car Augustin explique lui-même pour deux de ces passages, en quel sens il entend cette assertion. Pierre représentait l’Église parce qu’il figurait les justes qui sont membres de l’Église, tandis qu’en la personne de Judas étaient figurés les méchants. In Joa. Evang.. tr. L, c. xii, P. L., t. xxxv, col. 1703. De même, Pierre est indiqué comme figurant allégoriquement la vie présente de l’Église, avec son activité, ses épreuves et ses souffrances, tandis que Jean est le symbole de la vie contemplative du ciel. Ibid., tr. CXXIV, 5, col. 1973 sq. On est donc autorisé à admettre aussi une interprétation allégorique pour le troisième texte, Epist., lui, 2, P. L., t. XXXIII, col. 190, où l’assertion est d’ailleurs purement incidente. Or n’est-il pas évident que de telles interprétations allégoriques ne peuvent priver de leur valeur doctrinale les passages où saint Augustin affirnie expressément la primauté conférée à Pierre par Notre-Seigneur. Contra epislolam Manichœi, iv, P. L., t. XLH, col. 175 ; De baptismo contra donatistas, t. II, c. I, n. 2. P. L., t. XLin, col. 127.

b) Pierre, seul bénéficiaire de la promesse de Notre-Seigneur, doit, en vertu de cette promesse, avoir sur toute l’Église une véritable primauté de juridiction comportant la plénitude de tout pouvoir dans l’Église, et cette primauté doit être perpétuelle. C’est ce qu’expriment les trois comparaisons dont Notre-Seigneur se sert pour exprimer le rôle de Pierre dans la société nouvelle que Notre-Seigneur veut établir : Pierre en sera le fondement ; Pierre en aura les clefs ; Pierre y aura le pou oir de lier ei de délier.

Mais avant d’indiqué le sens exprimé par ces trois comparaisons, il import de déterminer celui qui doit être donné à Ecclesiam meam. — a. Le mot Ecclesia, dans l’Ancien Testament, soit dans le grec des Septante, soit dans le grec original, signifie le plus souvent le peuple Israélite, peuple choisi de Dieu, appelé par lui à une vocation spéciale et particulièrement dirigé ou gouverné par lui. Deut., xxiii, 1, 3, 8 ; Il Esd., xiii, 3 ; Lament., i, 10 ; Ps. Lxxxviii, 6 ; cxlix, 1. Notre-Seigneur se sert de cette même expression pour désigner son peuple ou la société nouvelle qu’il veut fonder. Mais en y ajoutant meam, il nous avertit, qu’il s’agit d’un peuple nouveau ou d’une société nouvelle sur laquelle il a, comme rédempteur, des droits spéciaux. D’ailleurs nous savons, par l’ensemble des prophéties annonçant la révélation chrétienne, que l’alliance avec le peuple choisi devait prendre fin à l’avènement du Messie et faire place à une nouvelle alliance, étendue désormais à toute l’humanité et définitivement établie jusqu’à la consommation des siècles. Nous sommes encore avertis par le mot u’dificabo ciu’il s’agit d’une société nouvelle, encore à établir et dont Notre-Seigneur va lui-même déterminer la constitution.

b. C’est de cette société nouvelle que Pierre, selon la promesse de Notre-Seigneur, doit être le fondement, puisque c’est sur lui qu’elle doit être bâtie. Et comme cette société est un édifice moral, pclra ne peut avoir ici qu’un sens métaphorique. Comme la pierre, servant de fondement à un édifice, lui donne la solidité et la stabilité, selon Matth., vii, 24, en même temps que la cohésion et l’unité, ainsi Céphas procurera à l’Église