Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/198

Cette page n’a pas encore été corrigée

1C45

INFAILLIBILITE DU PAPE

le^G

a porté jusqu’alors, Simon, fils de Jean, et sous le nom nouveau que Xotre-SeiLineur lui donne eL qui indique sa ehar^e nouvelle, Céphas, Pierre, lit dans les phrases suivantes le pronom la, iibi, est répété plusieurs fois iive^- insistance connue pour écarler loute possibilité d’erreur.

(".'est encore ce que signifie l’expression super lutnc inirani. qui ne peut s’entendre que de la personne de Pierre établi comme fondement de l'Église, dépenilamuient de Notre-Seigneur. Car le pronom hanc, bien qu’il puisse parfois se rapporter à un suiistantif plus éloigné quand celui-ci est le sujet principal du discours, doit manifestement se rapporter ici à Simon Pierre, qui est l’objet principal de la pensée de XolreSeigneur.

D’ailleurs, dans la langue aramécnne, dont les juifs se servaient alors habituellement et dont NotreSeigneur dut aussi se servir, le même mot Céphas, signifiant rocher ou pierre, désigne à la fois la personne de Pierre et le rocher. D’où nécessité rigoureuse d’identifier les deux, bien que, selon l’usage des grecs et des latins, il y ait deux mots pour les désigner.

Cette désignation résulte encore de tout le contexte. Car la parole de Notre-Seigneur est une réponse manifeste à celle de Pierre, et ego dieo iibi. Comme tu as confessé ma divinité, que mon Père t’a révélée, je l'établirai, en récompense, le fondement ou le chef de l'Église.

D’ailleurs, on ne peut reconnaître aucune valeur aux arguments cités en faveur d’une interprétation excluant Pierre comme seul bénéficiaire de la promesse de Notre-Seigneur.

a. On ne peut s’appuyer sur ce que lous les ap Jlres, d’après deux passages de saint Matthieu, xviii, 18 ; xxviii, 30, ont revu les mêmes pouvoirs. Car dans ces deux passages il s’agit des apjtres unis à Pierre. Les p-juvoirs qui leur sont promis ou conférés ne le sont donc point de manière à détruire la promesse faite auparavant à Pierre. En d’autres termes, ces pouvoirs ne sont pjint promis ou donnés indépendamment île Pierre. C’est ce qu’enseignait déjà Innocent III dans une lettre au patriarche de (Jonstantinople : Qiwd si omnibus etium apuslolis simul diclninessc reperids, non tamen nliis sine ipso, sed ipsi sine <iliis (dliibutuni esse cognosees lignndi et suluendi n Domino /aeulUttem, ul quod non idii sine ipso, ipse sine ediis posset ex pririlegio sibi collulo u Domino et concessu pleniludine potestdiis. Epist., ccKiy., P. L., t. ccxiv. col.7tiO. C’est aussi ce que soutenait au concile du Vatican, dans la discussion conciliaire, le rapporteur de la commission de la foi, Mgr d’Avanzo. Collectio Lcicensis, t. vii, col. 320 sq. Ht c’est l’enseignement formel de Léon XI 11, dans l’encyclique Salis cognilum du 29 juin 1890 : Sane claves legni eœlorum uni ciedilas Petro ilem tigandi solnendique potestnlem aposlolis suis eum Petro collrdam sacræ litleru : testaniur, al uero summum potestatem sine Petro et contra Petrum unde aposloli ac.ceperinl nunquam esse testatam.

h. On ne p.?ut non plus s’appuyer sur aucun texte des Pères p nir soutenir que super iuuie petr(uu doit être interprété seulement de Notre-Seigneur à l’exclusion de r^ierre. Car, comme on le montrera à l’article Pape, les textes que l’on cite ne sont point opposés à l’interprétation traditionnelle d’ailleurs expressément afliiinée dans d’autres passages par ces mêmes Pères. En attendant cette démonstration il sufiira, pour le moment, de montrer ici, par l’analyse des principaux Pères cités en cette matière, quelle est kur véritable pensée. Nous citerons particulièrement saint.mbroise, saint.Jérôme et saint Augustin.

Saint Ambroise, expliquant Luc, ix, 20, où est simplement rapportée la confession de la divinité de Jésus par saint Pierre, remarque incidemment <|ue

Jésus, ayant donné presque lous ses noms à ses apôtres, a donné aussi son nom de peira (Pctra uutem erat Christus, I Cor., x, 4) à son disciple, ut et ipse sit Pclrus, quod de petra habeat soliditalem constunliæ, fidei firniitalem. Expos. Evang. sec. Lucam, t. VI, n. 97, 1 L., t. XV, col. 1694. Il est manifeste qu’il n’y a ici qu’une allusion au texte super hanc pctram et que la pensée de saint Ambroise doit plutôt être recherchée dans deux passages où, visant expressément ce même texte, il affirme formellement que Pierre est la pierre sur laquelle, en vertu de la promesse de Jésus, l'Église repose. De fide, t. IV, c. v, n. 22, P. L., t. xvi, col. G28 ; In ps. XL, n. 30, P. L., t. xiv, col. 1082. On peut voir aussi, dans le même sens, une allusion assez évidente dans De virginilate, c. xvi, n. 105, P. L., t. xvi, col. 292. On constate d’ailleurs aisément qu’en s’en tenant strictement au texte cité, l’appellation pelru est implicitement attribuée à Pierre par le fait que, selon l’expression d’Ambroise, Jésus donne à son di.sciple son nom de petra.

Un peu iilus tard que saint.mbroise, et sans qu’on puisse établir aucune dépendance de l’im à l’autre, saint Jérôme, en commentant le texte Ta es Pelrus, atlirme que Pierre a cru in pelram Cliristum ; mais il ajoute expressément que Jésus a donné à Simon le nom de Pierre et que, selon cette métaphore, Jésus lui dit avec vérité : adi/ieabo Ecclesiam mcam super le. Comment, in Evang. Mattlui’i, P. L., t. xxvi, col. 117. Jérôme affirme encore ailleurs que l'Église est bâtie st/pcr illam pelram, c’est-à-dire sur l’autorité de Pierre et de ses successeurs. Epist., xv, n. 2, P. L., t. xxir, col. 355.

Presque au même moment saint Augustin affirme aussi que Jésus, confessé parCéphas, est la pierre sur laquelle l'Église est construite. //iJoH.iïyn/ijL, ! r.CXX IV, c. XXI, P. L., t. XXXV, col. 1974 ; Serm., lxxvi, n. 1. P. L., t. xxxviii, col. 419. Mais il ne veut aucunement exclure Pierre comme fondement, puisque celui-ci est proclamé ailleurs la pierre sur laquelle l'Église est construite. Enarr. in ps. XXX, n. 5 ; XLIX, n. 4, P.L., t. XXXVI, col. 242, 8()9. D’ailleurs, dans ses lielmcluliones, le saint docteur, après avoir cité ces deux interprétations, données précédemment par lui, n’en réprouve aucune : Hariim cniteni duarum sententiarum qux' sit probdbilior, cligat lector. L. I, c. xxi, P. L., t. xxxii, col. 018. On observera aussi que l’unique argument app)rté par Augustin en faveur de l’interprétation super hanc pelram Christnm, que Jésus n’a pas dit /(/ es petra sed lu es Pelrus, manque de valeur, puisciuc, dans le langage araméen parlé par Jésus, le mot est le même.

Quant aux textes palristiques où super hanc pctram reçoit une interprétation morale dont l’application est faite à toute âme chrétienne, Origène, Comment, in Matth., t. xii, n. 10, P. G., t. xiii, col. 997 ; S. Ambroise, Expos. Evang. sec. Lucam, t. VI, n. 98, P. L., t XV, col. 1094, il est évident cjuc.par une telle application morale, on ne veut porter aucune atteinte à l’interprétation première et véritable, qui est explicitement recoiunie dans d’autres circonstances. Origène, In Exod., honni, v. n. 4, P. G., t. xii, col. 329 ; S. Ambroise, De fide, t. IV, c. v, n. 22, P. L., t. xvi, col. 028 ; De virginitate, c. x^^, n. 105, ibid.. col. 292 : In ps. Ai, n. 30, P. L., t. xiv, col. 1082.

c. On ne peut non plus objecter les textes de queltiues Pères inteiprétanl super hanc pctram de la confession de Pierre, (kir, comme nous le constaterons en étudiant la tradition du i'- et du.v--e siècle, à l’article Pape, ces passages où la confession de Pierre est, par une sorte d’application accommodatice, indiquée comme étant la pierre solide sur laquelle l'Église est bâtie, n’infirment aucunement les textes très formels où ces mêmes Pères entendent super hanc pctram de Pierre fondement de l’lglise.