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INFA.1LLIBILITÉ DU PAPE

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est une question de fait dépendant uniquement de la volonté libre de Notre-Seigneur, non des conceptions de la critique, quelles que soient les prétentions qu’il lui plaise d'émettre à ce sujet. Comme l’indique Léon XIII au début de son encyclique Satis cognitum sur l’unité de l'Église, du 29 juin 1896, la question est uniquement de savoir comment Notre-Seigneur a voulu son Église : Ecdesia : quidem non solum orlus sed tota constiluiio ad rerum vohmlaie libéra cjjectarum perlinel genus ; quocirca ad id qiwd rêvera gesliim est, judicatio est omnis revocanda, exqiiirendiimqiie non sane quo pacto una esse Ecclesia queal^scd qiio unain esse is voluil qui condidii. Dès que cette volonté est manifestement prouvée, tous ont le devoir strict d’y donner un parfait assentiment. — 6. Les invraisemblances que l’on oppose à la conception catholique ne méritent aucune considération, parce que ce sont des affirmations a priai i, ne reposant sur aucune preuve, comme le montre particulièrement Ûttiger, Theologia fiwdamenlalis, Fribourg-en-Brisgau, 1911, t. ii, p. 105 sq., pour les invraisemblances indiquées par Holtzman, Lchrbuch dcr neulestamentl. Théologie, Fribourg, Leipzig, 1897, t. i, p. 211, et par Grill, Dcr Primat des Pelriis, Tubingue, 1904.

En particulier, on a affirmé que les paroles de .Jésus-Christ à saint Pierre sont invraisemblables, parce que, si elles avaient été vraiment prononcées, la prééminence de Pierre aurait été indiscutable et saint Paul n’aurait pu lui résister publiquement comme il le fit en réalité, d’après ce qu’il rapporte lui-même, Gal., ii, 14. L’argument est manifestement défectueux. Car il ne s’agit point ici d’une résistance à l’autorité de Pierre s’exerçant par quelque acte doctrinal ou par quelque commandement. Il s’agit seulement d’une munition charitable faite à Pierre, parce que, par condescendance pour quelques judéochrétiens venus de Jérusalem et par crainte de leur causer quelque malédification, il avait cessé de fréquenter les repas des chrétiens convertis de la gentililité, vraisemblablement les repas des agapes.

Les inconvénients de cette condescendance de Pierre étant devenus manifestes par suite de ce fait, que d’autres judéo-chrétiens, notamment Barnabe, avaient suivi son exemple, saint Paul crut nécessaire d’agir auprès de Pierre. La véritable nature de sa démarche ressort du récit lui-même. In facieni ei rcsiili, xaxà irpôawTrov auTto àvTÉaxïjv, signifie une contradiction publique, sans que s’y ajoute nécessairement l’idée de véhémence dans les procédés ou de manque de respect. Quia reprehensibilis cral, ôxi xaTEYvwCTfxévoç ^jv, exprime le fait que Pierre était blâmé ou digne de blâme, à cause des inconvénients résultant de sa manière de faire, sans que l’idée de péché commis soit aucunement suggérée. La simulation reprochée à Pierre, auvuTrexpîOvjaav aÙTcJ), simulaverunt cum illo, ne supjiose pas non plus nécessairement un péché, mais seulement que les observances légales étaient suivies sans qu’elles fussent considérées comme oliligatoires. Quod non recle ambularent ad veritatem evangelii, ôti oùx ôpOorcoSouaiv Tirpèç Trjv àX/j6eiav Toù eùaYyeXîou, ne marque point nécessairement une déviation du droit chemin de la vérité évangélique. Il y eut seulement un manque de prudence pratique, d’où résultèrent des inconvénients, constatés non dès le début, mais seulement après un peu de temps, selon l’expression de saint Paul cum vidissem. Quant à la phrase quomodo gentes cogis judaizare ? il est évident qu’elle doit s’entendre uniquement de la grande inlluence que Pierre exerçait par son exemple.

Il est donc manifeste que saint Paul, en faisant à Pierre cette monition charitable pour le bien des fidèles, n’allait aucunement contre l’autorité de Pierre

qui en fait ne s'était point exercée, ni par un enseignement doctrinal ni par un acte de commandement. On doit donc conclure que ce passage ne peut fournir aucun prétexte, si léger fût il, de nier l’authenticité du texte de saint Matthieu.

c) On doit encore ajouter que l’omission de cette parole dans saint Marc et dans saint Luc peut s’expliquer d’une manière très vraisemblable. Car nous savons que saint Marc, qui, dans son Évangile, rapporte la prédication de Pierre, omettait habituellement, comme le notait déjà EusèLe de Césarée, Dcmonstr. evang., iii, 121, P. G., t. xxii, col. 216 sq., tout ce qui est à la louange de Pierre. Nous savons aussi que saint Luc omet facilement ce qui a quelque analogie avec des paroles ou des faits rapportés par lui dans quelque autre endroit de son Évangile. Il ne paraît donc pas surprenant que, parlant si explicitement au c. xxii, 30, de la primauté de Pierre exprimée par les paroles Confirma jratres iiios, il n’en parle point ici. Knabenbauer, Commentar. in Evangel. seciwdiim Lucam, 2e édit., Paris, 1905, p. 313.

d) On assure que notre texte est ignoré par saint Ircnée, qui cite la confession de Pierre et la louange de Notre-Seigneur sans rien dire de la primauté promise à Pierre. Cont. hær., I. III, c. xviii, 4, P. G., t. vii, col. 934. Omission qui resterait certainement incompiéhensible si la promesse avait été, à cette époque, insérée dans le texte de saint Matthieu. — Béponse. — a. Il est vrai que le saint docteur cite seulement du passage de saint Matthieu, la confession de la divinité de Jésus-Christ très explicitement faite par saint Pierre et la louange non moins explicite donnée à Pierre par Notre-Seigneur, et qu’après cette double indication Irénée mentionne immédiatement le blâme donné à Pierre par Notre-Seigneur au verset 23 du même c. xvi, blâme motivé par le jugement trop humain de Pierre, qui voulait s’opposer à l’accomplissenjent de la passion et de la mort de Notre-Seigneur. — b. De cette omission de la promesse faite à saint Pierre, on ne peut conclure que cette promesse était ignorée de saint Irénée, car il est manifeste, d’après le contexte, que les parties citées du texte évangélique conviennent bien à la thèse défendue dans ce chapitre par le saint docteur, tandis que les paroles de la promesse n’avaient aucune raison d’y trouver place. En eflet, dans ce chapitre, l'évcque de Lyon prouve contre les gnostiques, qui voulaient voir dans Notre-Seigneur deux personnages, Jésuset le Christ, voir DocÈTES, t. iv, col. 1493 sq., que l’on ne doit point diviser Notre-Seigneur, et que c’est la même personne du Verbe qui est vraiment Fils de Dieu et qui s’est faite homme. A l’appui de cette assertion, plusieurs textes scripturaires viennent attester, en l’unique personne de Jésus-Christ, la possession des deux natures. Parmi ces textes Irénée cite, comme venant à son but, la confession de Pierre, Matth., XVI, 16, avec la louange du divin Maître, 17, comme attestant la divinité de Jésus-Christ, et l’annonce de la passion et de la crucifixion de Jésus, Matth., XVI, 21, comme attestant son humanité. Avec ce lien logique qui cadre si Lien avec la thèse d' Irénée, comment pourrait-on ne pas trouer naturel le passage d’un texte à l’autre, sans mention aucune de ce qui est contenu dans les ersets intermédiaires, et qui ne venait pas à la thèse ? Il n’y a donc aucune raison d’afiirmer que la primauté promise â Pierre et mentionnée par saint Matthieu dans les versets intermédiaires, était ignorée d' Irénée.

e) On objecte encore que le texte actuel, Matth., XVI, 18, ne devait pas être en entier dans les manuscrits lus parEusèbe de Césarée et par saint Épiphane. Car, dans plusieurs textes de ces deux auteurs, la parole de Notre-Seigneur est ainsi rapportée : Sur