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INDULGENCES

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sance mêlent trop souvent les concessions d’indulgences à leurs expédients financiers. " Ils avaient besoin de beaucoup d’argent pour exécuter leurs plans grandioses de protecteurs des sciences et des arts, les indulgences les leur procurèrent pour une notable partie. Plusieurs de ces pontifes songèrent sérieusement à défendre la chrétienté contre les attaques des Turcs chaque jour plus menaçants, les indulgences fourniraient encore les fonds de guerre. En 1513, monte sur la chaire de Saint-Pierre, Léon X, un descendant des Médicis, les banquiers de Florence ; c'était un homme moral, mais en qui s’incarnaient les aspirations mondaines des humanistes. Continuellement à court d’argent, il sait se le procurer aisément, les grands financiers de l'époque, les Fiigger, les Frescobaldi, lui avancent des sommes importantes garanties par la prédication d’indulgences, par des droits à percevoir à l’occasion de nominations ecclésiastiques, etc. Sous son pontificat le terme « commerce des indulgences », dont on a si souvent abusé, n’est pas déplacé. » De Jonghe, loc. cit., p. 183-184.

Un exemple significatif de sa façon de faire est « l’indulgence de la digue ». Les digues des Pays-Bas, alors espagnols, exigeaient des réparations coûteuses. Charles-Quint s’adressa à Léon X. Celui-ci, le 7 septembre 1515, accorde « l’indulgence plénière sous la forme la plus générale que peuvent gagner les fidèles qui, en dehors des œuvres habituellement prescrites, donnent une aumône pour la réfection des digues. » De Jonghe, loc. cil., p. 184, d’après une étude du chanoine Brom, Utrecht, 1911. Le tiers des sommes recueillies devait revenir au pape qui, de fait, toucha 53.455 ducats, le ducat valant 30 francs de notre monnaie. Adrien Dédel, le précepteur de CharlesQuint et le futur pape Adrien VI, exposa à ce sujet la véritable doctrine sur les indulgences, dans ses Quæstiones quodlibelicæ, publiées à Louvain, en 1515.

François l" obtenait d’ailleurs les mêmes faveurs que son rival : en 1517, les aumônes indulgenciées de la croisade, qu’il est cerné par pure fiction devoir entreprendre, sont versées à son profit et il interdit pendant la collecte toutes les autres hbéralités en faveur des œuvres pies. Cf. P. Imbart de la Tour, Les origines de la Réforme, Paris, 1909, t. ii, p. 264.

L’abus était criant, mais il ne faut pas oublier que les indulgences restaient très populaires, que les foules envahissaient les églises lors de leur prédication et que par conséquent ce n’est pas l’instinct des masses qui a inspiré Luther. De plus, la confession toujours exigée avant le gain de l’indulgence était une occasion de rénovation morafe, de même que le jubilé un symbole efficace de l’unité chrétienne. Enfin les ressources recueillies servirent souvent à des œuvres d’utilité générale : un auteur qui est loin de faire de l’histoire une apologie perpétuelle, M. P. Imbart de la Tour, l’a prouvé péremptoirement : « Dans la tourmente qui a duré plus d’un demi-siècle (la « désolation » de la seconde partie de la guerre de Cent ans), l'Éghsc a eu recours à cette grande idée des œuvres satisfactoires comme au seul moyen capable de restaurer ses œuvres sociales. Elle n’a pas appliqué seulement les dons à ses besoins, mais à ceux de tous ; travaillé pour elle-même, mais pour le pays ; restauré ses monastères ou ses cathédrales, mais les hôtels-dieu, les léproseries, les hospices, tous les asiles de la pauvreté et de la douleur. C’est par l’indulgence encore qu’elle a pu contribuer au progrès économique, telle chaussée ou telle route, tel pont comme à Lyon celui du Rhône, à Agen celui de la Garonne ont pu être reconstruits.., c’est par les indulgences enfin que la papauté a pu organiser le rachat des captifs, hbérer, comme en 1515 les grecs prisonniers à Modon, les pèlerins détenus,

à Jérusalem. A leur progression indéfinie, jugez l’apport qu’elles donnent. Mais c’est précisément le succès qui va créer l’abus, et à bon droit, les protestations s'élèvent et contre la multiplicité des pardons ou des quêtes et contre les désordres des collecteurs. » Origines de la Réforme, t. ir, p. 265.

Comme M. Imbart de la Tour, Mgr Paulus signale avec les abus les bienfaits. Il vient de publier une étude spéciale sur la question où il classe les indulgences en deux catégories selon qu’elles ont pour but de subvenir aux besoins des églises et des œuvres de bienfaisance ou de pourvoir à des nécessités d’ordre général et temporel. Il range dans la première catégorie les indulgences relatives : a. à la construction des églises, b. aux hôpitaux, aux établissements de bienfaisance, aux œuvres de miséricorde et aux écoles, c. à la trêve de Dieu, d. aux croisades. La seconde catégorie lui donne l’occasion de parler : a. de la construction des ponts, b. de celle des digues et des routes, des ports et des fortifications, des entreprises de colonisation, c. des corporations et des sociétés de secours mutuels, d. des montes pietatis. Cette simple énumération a son éloquence. N. Paulus, Der Ablass im Mittclalter als Kulturfactor, Cologne, 1920, in-8° de 70 p.

4. Naissance d’une abondante littérature réfutant les erreurs de Wiclef et de Jean II us sur les indulgences. — Les erreurs de la pratique n’entraînaient pas cependant, au moins dans l’enseignement des ma’tres, une déformation de la notion d’indulgence. En réfutant les négations de Wiclef et de Hus, négations condamnées en particulier par Martin V au concile de Constance, constitution Inter cunctas du 22 février 1418, a. 42 et 26, les controversistes ont soin en général d’insister sur la nécessité du pardon préalable pour l’application des rémissions ecclésiastiques et ils expliquent de leur mieux la malencontreuse expression : indulgentia a culpa et a pcena, tel le dominicain Koltas à Louvain en 1447, quand il flétrit des quæstores qui leurrent la foule en mêlant le pardon et la remise de la peine, de Jonghe, loc. cit., p 230, tel Jean von Paitz, confrère de Luther à Erfurt, mais plus âgé que lui, qui n’a pas fait rentrer le sacrement de pénitence dans l’indulgence comme l’affirme le protestant F, Bruger, puisqu’il dit en propres termes : Indulgentia est remissio peccatorum quantum ad solam pœnam tempornlem… virtute indulgenliæ propris loquendo nullus absolvitur a pœna et culpa, sed solum a pœna. Cf. de Jonghe, p. 235.

Quant à la valeur exacte des indulgences certains docteurs du moins sont très réservés. Vers 1480, Johannes Pfeffer, pailant des indulgences pour les défunts, déclare qu’en ce qui regarde l’acceptation divine, aucun homme n’en sait rien, nisi quis ex speciali revelatione hoc haberet. Cf. Emile Gôller, Der Ausbruch, etc., p. 41. Jean Pfeffer de Wittenberg, professeur à Fribourg-en-Brisgau (y en 1493), a écrit un Tractatus de materiis diversis indulgentiarum, cf. ibid., p. 14 sq.

De Luther à nos jours.

1. Luther.

Au mois d’août 1514, Albert de Brandebourg, déjà archevêque de Magdebourg et administrateur du diocèse de Halberstadt, est promu archevêque de Mayence. Léon X lui permet ce cumul moyennant une forte componendc. Pour la payer, ainsi que les droits de pallium pour Mayence, droits très élevés, Albert emprunta 29 000 ducats ; la banque FiJgger d’Augsbourg. L’emprunt put être gagé directement ou indirectement de la façon suivante. Une bulle de Léon X, du 31 mars 1515, réglait pour une période de 8 ans la prédication d’une indulgence plénière dans les trois diocèses et les domaines du Brandebourg du nouvel archevêque de Mayence. Sans doute, les aumônes