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INDULGENCES


de vingt indulgences plénières >< de coulpe et de peine » qu’on peut gagner par la visite des saints Lieux, tant à Jérusalem qu’en dehors, sans compter de nombreuses indulgences partielles. Plusieurs pèlerins de la fin du siècle reproduisent ce catalogue à peu près tel quel et la plupart en attribuent les indulgences au pape saint Sylvestre, le contemporain de Constantin. Mais. a. personne avant Nicolas ne mentionne ces concessions extraordinaires, h. quand plus tard, entre 1467 et 1472, un autre franciscain, le frère Christophe de Varex, compose un bullarium de Terre sainte, il dit : de pncmissis indulgenliis nuUa apud fratrcs bulla aposlolica habetur, et il renvoie seulement à une tabula antiqiia mentionnant l’octroi des indulgences en question par saint Sylvestre à la demande de Constantin et de sainte Hélène. Notons d’ailleurs qu’il y eut, à partir du xve siècle, des bulles, certainement authentiques, accordant des rémissions pour la visite des saints Lieux et même une sanatio des concessions antérieures supposées dont nous reparlerons. Cf. N. Paulus, Die Ablasse der Kreuzwegandacht, dans Théologie und Glaube, 1913, n. 1, traduit par Mgr Boudinhon dans le Canonisle contemporain, 1914, ’p. 633654, en particulier les p. 639 et 644.

Du xv siècle à Lutlter.

1. Développement des indulgences encore plus accentué qu’au XI ve siècle.

— - Évêques et légats accordent des indulgences en de multiples occasions. Dans certains diocèses existent des indulgences annuelles à l’occasion des tournées de quêtes que font des religieux qui promènent des statues de saints et des reliques. Cf. de Jonghe, loc. cit., p. 176. En dehors de ces quêtes périodiques, des collectes extraordinaires ont lieu, les évêques les encouragent par 40 jours d’indulgences et les légats par 100 ; il s’agit de réparer ou de construire une église, un hôpital, un collège, d’entretenir un sanctuaire célèbre qu’on visite. Ibid., p. 178-179. Les confréries et les associations pieuses, alors si nombreuses, sont très souvent enrichies d’indulgences. Enfin on voit apparaître les exercices privés de dévotion indulgenciés. Ibid., p. 179.

Les concessions papales sont également plus nombreuses. Les jubilés deviennent plus fréquents : en 1470, Paul II décide qu’ils auront lieu tous les 25 ans. La possibiUté de les gagner en dehors de Rome l’année suivante s’étend ; une telle faveur est accordée, par exemple, à plusieurs villes des Pays-Bas en 1451.

Les œuvres imposées sont, d’ailleurs, assez onéreuses : plusieurs visites d’église, des prières, des jeûnes, des abstinences. De Jonghe, p. 180. A Malines, nous voyons même le jubilé prorogé en 1452 du l""’octobre à Noël, puis pour les 10 années suivantes pendant les 15 jours qui suivent le vendredi saint, prorogation renouvelée en 1459. De Jonghe, p. 181182. Il est vrai que pour gagner l’indulgence les fidèles doivent payer la moitié des frais du voyage de Rome. Les profits ainsi réalisés pour la construction de nouvelles églises furent considérables, car plus d’un jubilé local était destiné à cette œuvre.

En dehors du jubilé, des indulgences plénières sont légalement accordées à ceux qui contribuent par leur travail ou leurs offrandes à l’érection d’un sanctuaire, et cela sous forme de conjessionalia. Ainsi fut fait, par exemple, lors de la construction de la cathédrale Saint-Lambert de Liège, en vertu d’une bulle d’Eugène IV, datée de 1443. Cf. Chronique de Jean de Stavelot, édit. Borgnet, Bruxelles, 1861, p. 513. On sait que la révolte de Luther eut pour occasion l’indulgence que fit prêcher Léon X à partir de 1515, afin de réunir les sommes nécessaires pour la réédification de Saint-Pierre de Rome. Ceux qui fournissaient les subsides nécessaires pour la croisade contre les Turcs bénéficiaient également d’une indulgence plénière. Enfin, en

1480, paraît la première bulle pontificale qui nous ait été conservée et qui concède des indulgences plénières pour la visite des Lieux saints à Jérusalem. En 1489, Innocent VIII fit de même pour Gethsémani. Cf. l’article de Mgr Paulus, dans le Canonisle contemporain, p. 645.

2. Apparition des indulgences applicables aux défunts. — La théorie des indulgences applicables aux défunts existe dès la seconde moitié du xiiie siècle, comme nous l’avons vii, mais les premières concessions officielles connues sont du xve siècle. Le peuple, d’ailleurs, les attend depuis longtemps et les qiiœstores n’ont pas manqué de répondre de leur propre chef à son désir, comme le prouve la décrétale Abusionibus de 1312. Ce n’est qu’en 1457 q ue nous voyons la papauté accéder enfin aux vœux des fidèles. CaUxte III, dans une lettre à Henri IV de Castille, encourage la croisade contre les Maures par une indulgence plénière qu’on peut gagner en faveur des âmes du purgatoire, nous ne possédons plus qu’un résumé de ce document. Cf. Mariana, cité par Paulus, Zeitschrift fiir katholische Théologie, 1900, t. xxrv. p. 249. Mais une bulle de Sixte IV, du 3 août 1476, nous a été conservée : elle concède à ceux qui contribueront à la réédification de Saint-Pierre de Saintes la remissio plenaria, applicable aux défunts. L’indulgence devait être prêchée pendant 10 ans sous le contrôle d’un commissaire apostolique, le cardinal Peraudi, car la moitié des sommes recueillies devaient être versées à la Chambre apostohque. Paulus, ibid., p. 149-250. Sixte IV avait dit que l’indulgence accordée pouvait être appliquée aux âmes du purgatoire per modum suffragii ; il expliqua par deux fois ces termes en déclarant qu’il est erroné de conclure de sa buUe que dorénavant il est inutile de prier pour les défunts qui seraient libérés ipso facto par l’indulgence qu’elle concède, et que si la faveur octroyée profite de la même manière que les aumônes et les prières, elle n’a pas plus de valeur que celles-ci : indulgentias non plus proficere quam eleemosynas et orationes. Paulus, loc. cit. Peraudi enseignait que l’état de grâce n’était pas nécessaire pour la rémission per modum suffragii et que l’aumône suffisait à elle seule : dumtaxat danda est taxa in capsa, rien dans la buUe elle-même ne suggère cette doctrine. En tout cas, la concession elle-même entre de plus en plus dans les mœurs ; de 1489 à 1490, puis de 1501 à 1503, Peraudi prêche une indulgence semblable en Allemagne, dans le dessein de réunir des subsides pour la croisade contre les Turcs, et les bulles des jubilés de 1500 et de 1514 la mentionnent également. Cf. de Jonghe, loc. cit., p. 176.

Des religieux exagèrent d’aifieurs la portée de ces faveurs. En 1482, la Sorbonne condamne la proposition qu’une âme s’envole immédiatement du purgatoire au ciel, s/ quis vivorum pro ea sex albos dederit per modum suffragii seu eleemosynæ in reparationem ecclesiæ Sancti Pétri Xcmtonensis (Saintes) : six blancs, ce n’était vraiment pas cher ! En 1483, la même Sorbonne censure le franciscain Jean Angeli, qui enseigne à Tournai que le pape a juridiction sur les âmes du purgatoire. Duplessis d’Argentré, Collectio fudiciorum de novis erroribus, Paris, 1755, t. i a, p. 305 et 306.

3. Influence excessive des considérations fiscales dans la concession des indulgences. — Dans l’exposé qui précède nous avons eu à parler sans cesse d’aumônes, de subsides à recueillir. Il faut bien le reconnaître : les considérations d’ordre fiscal passent alors au premier plan en malière d’indulgences et celles-ci donnent lieu à des trafics souvent regrettables. Le droit de quêter se loue, même aux enchères, et le plus offrant qui l’emporte peut être un laïc sans scrupules. Cf. de Jonghe. p. 177.

L’exemple vient de haut, car les papes de la Renais-