Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/182

Cette page n’a pas encore été corrigée
1613
1614
INDULGENCES


l’intermédiaire de la Pénitencerie ou de la Chancellerie et les évoques eux-mêmes en accordaient. Cf. c. Si episcopiis, 2, De pœnitenliis et remissionibus, V, x, in Sexto, de Boniface VIII. A la concession principale <Ie ces induits s’adjoignaient diverses faveurs : pouvoirs d’absoudre des cas réservés, des censures, de commuer les vœux. Or dès la première moitié du xive siècle, parmi ces pouvoirs figure celui de remettre avec les pécliés toutes les peines qui en sont les conséquences.

A la fin de son pontificat, Jean XXII (t en 1334) accorde au confesseur la faculté de remettre entièrement péchés et peines à l’article de la mort : ut conjessor tiuts, quem duxeris eligendum, omnium peccatorum, de quibus corde contritus et ore confessas exstileris, ac pcenaram etiam quibus tune pro peccatis ipsis eris obnoxius, eam plénum remissionem… concedere valent. L’induit ajoute sagement : quatenus claves Ecclesiæ se extendunt et gratum in oculis majestatis divins ? fuerit, paroles qui rappellent les prudentes réserves de saint Cyprien, dont nous avons parlé plus haut. Cf. Canonisle contemporain, 1915, p. 587, article de M. Villien sur l’ouvrage d’Emile Coller, Die Pàpstliche Penitentiarie, 2 vol. en deux parties chacun, Rome, 1907 et 1911. Les mêmes pouvoirs furent accordés, non pas pour l’article de la mort, mais pour un an, au confesseur que Phihppe, régent de France, le futur Philippe V, pouvait se choisir, ibid., sa femme, Jeanne pouvait être absoute dans des conditions identiques pendant 3 ans. Ibid., p. 588. Pour l’absolution avec remise de toutes peines à l’article de la mort, il existait même une formule générale, se terminant par la réserve de l’induit de Jean XXII que nous venons de citer en premier lieu : quantum se extendit potestas clavium beatissimi Pétri apostoli Dei. Ibid., p. 590.

Or un certain nombre de ces confessionalia du xive siècle, en particulier ceux adressés au régent Philippe et à sa femme (M. Villien en cite d’autres), contiennent les expressions suivantes : absolvas a pœna et a culpa, qu’on retrouvera encore à la fin du xv<’siècle dans des concessions d’indulgence en dehors même des confessionalia. Cf. de Jonghe, loc. cit., p. 226. Des protestants en concluent que par ces indulgences on entendait remettre à la fois et sans confession et la faute et sa peine. Mais il suffit de comparer le fon/es5 ; onate de PhlUppe et celui de la fm du pontificat de Jean XXII, <iue nous avons mentionné avant, pour constater que, sauf les expressions incriminées, ils sont identiques, c’est-à-dire qu’ils concèdent l’un et l’autre la faculté de remettre la peine du péché en même temps qu’on donnait l’absolution sacramentelle. En d’autres termes, notre indulgence plénière est la remise totale de la peine due au péché » déjà pardonné, tandis que la plena indulgentia des confessionalia comprenait et l’absolution et la rémission de la peine. Cf. Villien, ibid., p. 551.

Quant à l’indulgence de coulpe et de peine qui n’est pas concédée par un confessionale, les auteurs du xive siècle font remarquer qu’on ne l’accorde qu’à ceux qui sont repentants et ont confessé leurs fautes, tels P. Spurnau et Segoh en 1385 à propos d’indulgences pour la vi.site des Lieux saints, indulgences dont l’authenticité est d’ailleurs suspecte. Cf. Canonisle contemporain, 1914, p. 052, traduction d’un article de Mgr Paulus. Enfin l’expression même a culpa et a pœna serait d’origine populaire, admise à correction dans certaines pièces officielles, elle aurait disparu peu après le concile de Trente par un changement du langage vulgaire, le peuple étant ainsi la cause de sa naissance et de sa disparition. Cf. de Jonghe, résumant Paulus, loc. cit., p. 234, et Emile Gôller, Der Ausbruch, etc., p. 84-87.

Sans doute, dès le temps de Clément V, les quæs tores promettent des indulgences a culpa et a pœna au sens incriminé par les protestants, mais cette pratique est sévèrement réprouvée par ladécrétale Aôuszonièus, c. 2, De pœnitentiis et remissionibus, V, ix, aux Clémentines, et un peu plus tard Jean XXII condamnait des pénitenciers de Rome dans les termes suivants : usurarios et concubinarios manifestos forma ecclesie prelermissa et quosdam alios a pena et culpa, ut suis fatuis verbis et presumptuosis utamur, absolverunt liactenus cl absoluere in suarum et illorum animarum dispendium, se claves habere paradisi et inferni temerariis iactantes ausibus, moliuntur, nichilominus ad questus execrandos et illicilos tam per se quam per alios… extendendo damnabiliter et impudice. Emile Gôller, Der Ausbruch, etc., p. 69, note 1.

4. Les abus.

a) U indulgentia ou la remissio a culpa et a pœna n’est donc pas par elle-même une pratique superstitieuse, bien que l’expression ait dû finalement disparaître comme prêtant à des confusions fâcheuses. C’est ailleurs qu’il faut chercher les abus, en remarquant que l’autorité suprême a condamné très sévèrement certains d’entre eux et que pour les autres aucun texte précis ne prouve qu’elle les ait sanctionnés tels quels. Les quæstores, nous venons de le voir, continuaient leurs méfaits, la décrétale Abusionibus, rendue au concile de Vienne en 1312, les stigmatise dans les termes les plus vifs ; Ad hœc, cum aliqui ex fiujus modi quæstoribus, non sine multa temerilatis audacia et deceptione multiplici animarum indulgentias populo moiu suo proprio de facto concédant, super votis dispensent, a perjuriis, homicidiis et peccatis aliis sibi confilentes absolvant, maie oblata incerta data sibi aliqua pecuniæ quantilate remittant, tertiam aut quartam parlem de pamilentiis infunctis relaxent, animas très vel plures parcntum vel amicorum illorum qui eleemosynas illis confcrunt, de purgatorio (ut asserunt mendaciler) extralumt et ad gaudia paradisi perducanl, benefactoribus locorum, quorum quæstores existant remissionem plenariam peccutorum indulgeant, et aliqui ex ipsis eos a pœna et a culpa (ut eorum verbis utamur) absolvant : nos abusus hujusmodi per quos censura vilescil ecclesiastica et clavium ecclesiie auctorilas ducitur in contemptum, omni modo aboleri volantes, ea per quoscumque quaslores fieri vel attentari de cetero districtius inhibemus, omnia et singula privilégia, si qua super prsemissis vel eorum aliquo sint aliquibus locis, ordinibus vel personis quæstornm hujusmodi quomodocumque concessa, ne ipsorum pratextu sit eis muteria talia ulterius prasumendi. auctoritate apostolica quantum ad pnvmissa penilus revocantes. S 2. Quæstores autem, qui deinccps in pru’missis vel aliquo præmissorum deliquerint vel alias, etiam quibuscumque suis privilegiis abusi fuerint, sic per locorum episcopos puniri volumus, nullo prorsus eisdem qmistoribus in hac parte privilégia suffragante, quud a suis temerariis ausibus, qui ubique, (ut communis habct assertio), nimiuni excreverunt, pœnæ formidine propensius compescantur. C. 2, Abusionibus, De panilent. et reiniss., V. rx, aux Clémentines. Malheureusement les sanctions enjointes par la décrétale Abusionibus n’étaient pas précisées, les évêques apphquôrent mollement les prohibitions papales, par exemple, quand il s’agit de recueillir des subsides en faveur de la fabrique de la cathédrale d’Utrecht en 1327. Cf. de Jonghe, loc. cit., p. 138. Le charlatanisme et les pratiques sinioniaques des quêteurs restèrent une des plaies de l’Église — ils l’étaient depuis le début du xiiie siècle — jusqu’à la suppression de l’indulgence-aumône à la fin du xvie siècle.

b) A côté de cet abus, la précipitation avec laquelle on accueillit comme certaines des faveurs dont l’origine était au moins douteuse, peut paraître relativement vénielle. En 1345, le franciscain italien Nicolas de Paggiboni, pèlerin de Terre sainte, énumère plus