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INDULGENCES


habiluros. Cite par Emile Goer, Der Ausbruchder Re/ormalion iind die spâtmiUelallerliche Ablasspraxis, Fribourg-en-Brisgau, 1917, p. 96. Mgr Paulus fait d’ailleurs très justement remarquer que, si l’on n’avait vu dans l’indulgence que la rémission de la peine imposée par l'Église et une mesure sans efficacité dans l’au-delà, les bulles de la croisade n’insisteraient pas tant sur le cas des croisés qui meurent en combattant. Bulles d’Eugène III, 1145, d’Alexandre III, 1165, de Grégoire VIII, 1187, de Célestin III, 1195. Cf. N. Paulus, Die Bedciitung der ûllcren Ablàsse, dans les Hisiorischepolilische Blalier de Munich, 1921, p. 84. M. Paul Fournier avait déjà dit : « Pour ma part j’estime que la valeur transcendentale des indulgences est aussi ancienne que celle des indulgences elles-mêmes. » Revue d’histoire ecclésiastique, 1909, t. x, p. 584.

2° Le XI IIe siècle. — 1. La pratique. — L’indulgence plénière se développe lentement. Au concile deLatran de 1215, Innocent III en fait bénéficier non seulement les croisés proprement dits, mais ceux qui fournissent des subsides à la croisade. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. v, p. 1395. Après le milieu du siècle, l’indulgence de la Portioncule accordée aux visiteurs de l'église Sainte-Marie des Anges à Assise est entrée dans les mœurs. Enfm en 1294, saint Célestin V accorde la même faveur pour la visite de l'église des bénédictins de Collemagio-lez-Aquilée le jour de la décollation de saint Jean-Baptiste. Cf. de Jonghe d’après Paulus, p. 134.

Quant aux indulgences partielles, Rome estime que les évêques les accordent trop facilement et le canon 61 du concile de Latran, de 1215, interdit d’octroyer plus d’un an pour une dédicace d'église et plus de 40 jours pour son anniversaire : Ad luic quia per indiscrctas et superfluas indulgentias, quas quidam ecclesiarum pralati jacc.re non vcrcntur, et claves Ecclesiæ conlemnuntur, et pœnitentialis satis/actio enervedur : decernimus ut cum dedicatur basilica, non extendalar indulgentia ultra annum, sive ab uno solo, sive a pluribus episcopis dedicetur : ac deinde in anniversario dedicationis tempore quadraginta dics de injunctis pxiiitentiis indulla remissio non excédât. Hune quoque dicrum numerum indulgentiarum lileris pracipiinus modcrari, quæ pro quibuslibet causis aliquoties conceduntur : cum romanus ponlijex, qui plenilmlinem oblinel potestedis. hoc in ialibus moderamen consueverit observare. Ce texte a été inséré au Corpus juris, c. 14, X, De punitenlia, V, xxxviii.

En dépit de ces restrictions, les prédications d’indulgences prennent de plus en plus d’importance. Clercs et moines qui en sont chargés recueillent eu même temps les aumônes qui sont une des conditions les plus habituelles des remises de pénitences. Ces qmvstores sont parfois sujets à caution. Le même concile de Latran avait déjà exigé que tous les qua-slores eleemosynarum fussent munis de lettres pontificales ou épiscopales et il leur avait défendu de rien proposer au peuple qui dépassât la teneur de ces missives. Il ne disait pas, en propres termes, que les quêteurs en question prêchaient des indulgences, mais le modèle de lettre de recommandation qu’il donnait parlait d’aumônes qui méritaient la rémission des péchés et à la fin de ce canon il limitait les pouvoirs des évêques dans les termes rapportés ci-dessus. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. v, p. 1328.

D’ailleurs à cette époque Robert de Courçon, professeur à Paris, cardinal-légat (t en 1218), conseillait aux bons prêtres de paroisse de s’exposer au besoin à être frappés par leurs supérieurs plutôt que, de tolérer les agissements de quêteurs d’indulgences peu scrupuleux : Sed queritur quid (aciat dévolus et simplex sacerdos gerens curam omnium suarum (ovium) cum videl furciferam talem (un pendard de cette espèce)

missum ab episcopo vel metropolitano defereniem cedulam relaxionis et interserentem hereses et mendatia, ul supra leligimus. Ne sic quocumque modo quascumque oblationes sibi acquirat si recipil talem scit pro certo quod tota ejus plebecula confundetur per scandeda que ille seminabit. Si repellit eum insurgent in eum ruralis decanus et episcopus (plusieurs mots illisibles dans le manuscrit) minas excommunicationis protendentes ut cum emungant et a parochia expellant. Solulio. Hic non est nisi unicum et salubre consilium ul eum sacerdos sciai talem esse camponem (trafiquant) et pernitiosum plebi sue, nullatenus recipiat sicut nec furem aut lalronem juxta illud evangelii : attendue a falsis prophetis, etc. Et iterum si aliquid precipit consul et aliud proconsul precepto consulis est obediendum. Permittet ergo se excommunicari potius et expelli a sua parochia, quam tantum scandedum et tantam gregis sui iacturam paliatur Inédit. Bibliothèque nationale de Paris, fonds latin, l1524, ancien Saint-Victor 378, fol. 20.

Trente ans après, les abus dénoncés si énergiquement sévissent toujours. Le concile de Béziers de 1246 est encore obligé de condamner les quêteurs qui dépassent leurs instructions, promettent la libération de l’enfer à bon marché et se discréditent par leur vénalité et leurs mœurs : Præcipimus quod quæstores non permittantur in ecclesiis aliud populo pracdicare quam in indulgentiis domini papæ et sui diœcesani litteris continetur… Cum certum sit per vénales ac conductores quæslores, tum ex prava ipsorum vita, tum ex prædicatione erronca, multa scandalosa provenisse, damnatis in inferno liberalionem pro modica pecunia promittentes. Hardouin, Concil., t. vii, col. 408.

D’autres abus s’ajoutent à ceux-ci : « A la fin de xii'e siècle, on rencontre la première allusion à des indulgences qu’on peut gagner à Rome, à des fêtes déterminées, en accompagnant le clergé et le peuple se rendant en procession à certaines églises pour y célébrer le culte divin. Bientôt ces indulgences des stations de Rome sont rapportées à une haute antiquité. Déjà au début du xme siècle, Guillaume d’Auxerre, professeur à Paris, les attribue à saint Grégoire I", et cette opinion fut acceptée, sans le moindre contrôle par les grands scolastiques. » De Jonghe, loc. cit., p. 142, d’après N. Paulus, Die Ablcisse der rômisclien Kirche vor Innocent III, dans Historisches Jahbuch, 1907, t. xxviii, p. 1.

2. La théorie.

Un lent développement que l’autorité centrale modère encore, quelques abus dont certains sont connus d’ailleurs par leur condamnation : en somme, au point de vue de la pratique, aucune transformation notable de l’indulgence au xine siècle. L’activité doctrinale fut d’une tout autre importance : l'ébauche devient théorie précise et systématique.

a) Albert le Grand nous apprend qu’avant lui on faisait de l’indulgence surtout une commutation de peines, après lui et à son exemple on la définira comme une remise pure et simple. D’une conception à l’autre le passage était facile, nous l’avons vu. In IV Sent., t. IV, dist. II, a. 16.

b) S’il y a remise véritable, c’est que la disproportion — qui va et ira croissant entre la pénitence supprimée et l'œuvre prescrite à la place — est comblée par les suffrages de l'Église, et que l'Église puise au trésor infini des mérites de Notre-Seigneur de la sainte Vierge et des saints. Cette comparaison du « trésor » a pu parfois conduire à se représenter d’une façon trop matérielle les réahtés de l’ordre de l’esprit, mais elle est juste si elle ne vise qu'à rendre sensible le dogme de la communion des saints, de l’immense solidarité où la vie de tout le corps mystique supplée à la débilité des efforts individuels. Guillaume d’Auvergne fut un des premiers à mettre en pleine lumière le raccord ainsi opéré entre l’indulgence et les enseignements tradi-