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INDULGENCES

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datant que de la fin du xvie siècle) ; parfois elles valent pour les deux et remettent la satisfaction publique imposée pour des peccala criminalia ou majora, aussi bien que la satisfaction privée due pour les minora ou venalia. « Peu de temps après l’indulgence partielle, allait apparaître l’indulgence plénière. Si l’on prend à la lettre certains récits de chroniques postérieures, on doit dire que, dès le milieu du xi'e siècle, les papes ont employé ce moyen pour exciter les fidèles à prendre la croix et à combattre les Sarrasins en Espagne ; mais des doutes planent sur l’exactitude ou l’authenticité de plusieurs de ces textes. Ce qui est certain, c’est qu’au concile de Clermont en 1095, Urbain II a accordé cette faveur aux croisés qui partaient pour Jérusalem : pœnitentiam totam peccatorum, de quibiis veram et perfectam confessioncm jecerinl per omnipotentis Dei misericordiam et Ecclesiæ catholicæ preces tam nostra quam omnium pêne archiepiscoporum et episcoponim qui in Galliis sunt, auctoritate dimiltimus, quoniam res et personas suas pro Dei et proximi charitate exposuerunt. Lettre au clergé de Bologne. » Nous empruntons tout le passage précédent à l’un des articles sur les indulgences que le défunt chanoine H. de Jonghe a écrit dans La vie diocésaine du diocèse de Malines, en 1912, t. ^^, p. 78-79.

En somme, quoique nous ayons déjà été amenés à parler un peu du xii’e siècle, à la fin du xi"^ l’indulgence au sens moderne du mot existe avec tous ses éléments constitutifs. « Jusqu’alors les commutations de pénitences avaient lieu pour chaque pécheur en particulier, tandis que dorénavant on ollrc à tous les pénitents tenus à l’accomplissement de certaines œuvres satisfactoires, une réduction applicable à tous, moyennant une autre œuvre qu’ils sont tous invités à accomplir. Sans doute, les premières propositions de ce genre, qu’il nous est donné de constater, sont faites à des conditions à peu près équivalentes aux exercices de la pénitence elle-même ; on aurait de la peine à leur reconnaître aujourd’liui le caractère d’indulgences ; elles n’en constituent pas moins les premiers exemples de nos modernes indulgences, œuvres offertes à tous en échange de la peine temporelle due au péché. » Boudinhon, Sur l’histoire des indulgences, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1898, t. iii, p. 443.

La conception de l’œuvre iiidulgenciée se fait jour normalement et n’implique aucune révolution disciplinaire ou dogmatique, bien qu’elle n’ait été possible qu’après une longue élaboration. « L’Église arrive à l’indulgence sans s’en apercevoir ; naturellement celle-ci découle des principes de la foi cathohque, au xie siècle des évêques d’abord, des papes ensuite, l’accorderont comme une faveur à laquelle le monde est préparé : il n’y aura aucun décret établissant sa légitimité, aucun théologien ne révoquera sa valeur en doute ; la piété populaire l’acceptera avec ferveur, ce ne sera que quand des abus se seront produits que l’attention des docteurs et des papes sera attirée sur elle. Impossible de voir ici ce changement radical, cette corruption de la doctrine catholique que certains protestants prétendent encore trouver dans l’introduction des indulgences. » De Jonghe, loc. cit., p. 77. Le fruit est mûr, il tombe de l’arbre : voilà tout.

III. DÉVELOPPEMENT.

Les Indulgenccs proprement dites existent donc au moins depuis l’époque d’Urbain II. Par la suite, « leur histoire consistera surtout dans leur rapide multiplication et dans l’adoucissement progressif des conditions exigées pour les acquérir. Jusqu’au xive siècle…. elles sont peu nombreuses et très difficiles. Les raisons… sont aisées à indiquer : d’une part, l’indulgence de la croisade, qui servait pour ainsi dire de prototype, était encore à des conditions trop dures pour permettre d’abaisser notable ment les œuvres requises pour les autres, d’autre part, bien que le tarif pénitenliel ne fût déjà plus rigoureusement suivi, les pénitences imposées par les confesseurs étaient encore assez considérables, bien plus dures, en tout cas, que celles de nos jours. Les indulgences ne deviendront si faciles que lorsque les pénitences sacramentelles seront elles-mêmes réduites à peu de chose. » Boudinhon, loc. cit., p. 444.

1° Le Xlie siècle. — 1. La pratique. - Cependant, dès le xii<e siècle, on a l’impression d’être entré dans la voie des adoucissements et les anciennes commutations de pénitences deviennent de plus en plus des remises réelles des œuvres satisfactoires. Alanus (Alain de Lille, t en 1203) constate que la rigueur primitive ne saurait être maintenue : au lieu d’un remède elle ne serait qu’un mal : Multiplicala Ecclesia Dei invahierurU peccatorum morbi. et quia numerus défendit ens, oportuit remitti de pcenæ districtione, ne pœnæ districtio polius esset in oflensam quam medicinam… Unde cnm quidam modernorum jejunia et vigilias ferre non passent, injunclæ sunt oblationes, peregrinationes. P. L., t. ccx, col. 293.

Les oblationes, les aumônes dont parle Alain ont plus que toute autre œuvie satisfactoire la faveur du public, évêques et papes se prêtent assez souvent à les indulgencier ; le D’Paulus a recueilli sur ce sujet toute une série de textes. Die aUeslen Ablàsse fiir Almosen und Kirchenbesuch, dans Zeitschrift fur katholische Théologie, 1909, t. xxxiii, p. 1-40. Des abus s’en suivirent qu’Abélard dénonce avec véhémence. Ethica, c. XXV, P. L., t. CLXxviii, col. 672-673.

Les occasions où l’on accorde les indulgences partielles se multiplient, la croisade orientale restant alors le seul moyen de gagner l’indulgence plénière. Les papes en concèdent pour les pèlerinages à Rome ou à Jérusalem, lettre d’Alexandre III, Jaffé, n. 14 417 ; pour la croisade contre les païens d’Esthonie, ibid., n. 12118, P. L., t. ce, col. 86 ; pour l’anniversaire de la consécration de certaines églises, N. Paulus, Zeitschrift fur katholische Théologie, 1909, t. xxxiii, p. 12, 15 ; pour l’observation d’une paix jurée, Alexandre III, Jafîé, n. 10 908, P. L., t. ce, col. 250 ; pour les stations de Rome. Cf. de Jonghe, loc. cit., p. 142. La durée de ces indulgences varie de 20 jours à trois ans.

Les évêques de leur côté, encouragent de la même façon la construction des églises et les travaux d’utilité publique.

Le Corpus juris contient une décrétale d’Alexandre III, datée de 1172 et relative aux remissiones quafiunt in dedicationibus ecclesiarum aut conferentibus ad œdificationem ponlium : De pienitentiis et remissionibus, lib. V, tit. xxxviii, c. 4. Les légats eux aussi publiaient des remissiones. Cf. de Jonghe, loc. cit., p. 136.

2. La doctrine.

Ni Gratien, ni Pierre Lombard ne parlent des indulgences, mais à la fin du siècle une ébauche de leur théorie apparaît, elle est encore très imparfaite, mais témoigne de l’intérêt que l’on porte dés lors à la question. Cf. N. Paulus, Die Ablasslehre der Frûhscholaslik, dans Zeitschrift fur katholische Théologie, 1910, t. xxxiv, p. 433 sq., résumé dans la Nouvelle revue théologique, 1911, t. i.xiii, p. 190. Cependant un point est bien établi, surtout dans les documents pontificaux : l’indulgence accordée par l’Église l’est en même temps par Dieu. Quand il s’agit en particulier de l’indulgence plénière, les souverains pontifes insistent sur cet accord : tel Célestin III (1191-1198), à propos de l’indulgence de la croisade, la seule indulgence plénière alors connue : sive autem supervixerint sive mortui fuerint de omnibus peccatis suis, de quibus rectam confessioncm fecerint, imposilæ satisfartionis relaxationcm de nmnipotenti Dei miserieordia et apnstolorum Pétri et Pauli, auctoritate et nostra se novcrini