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INDULGENCES


des vêtements de deuil. Cette expiation elle-même « tait rigoureuse et souvent fort longue et surtout la pénitence plénière entraînait des conséquences infiniment gênantes : le pénitent, même réconcilié… ne pouvait plus ni porter les armes, ni se livrer au négoce, ni se marier, s’il ne l'était pas, ou user du mariage, s’il était déjà marié. Ajoutons que cette pénitence., ne pouvait pas se renouveler et laissait les relaps dans une situation plutôt dangereuse pour leur salut. » J. Tixeront, Histoire des dogmes dans l’antiquité chrétienne, 1912, t. ru, p. 391-392.

Aussi bien la masse des chrétiens se refusait-elle à ces sévérités dès la fin du ive siècle. « Dans l’auditoire mêlé de saint Augustin se rencontrent des chrétiens qui ont des péchés mortels sur la conscience et qui ne sont pas cependant dans les rangs des pénitents. » P. Batiffol, Études d’histoire et de théologie positive, 1° série, 6°= édit., Paris, 1920, p. 208-209, avec renvoi au Sermon cccxxxii, n. 4. Quand on se trouva en présence des barbares convertis, mais non pas complètement transformés, la situation s’aggrava. Au cours du v « et du vie siècles l’habitude se généralise de ne demander la pénitence qu'à l’article de la mort, quand on la demande. En fin de compte, au temps de saint Césaire et de saint Avit au plus tard, c’est-à-dire dans la première moitié du vie siècle, elle n’est plus pratiquée normalement que sous une forme presqu’exclusivement privée, dans le sud de la Gaule et probablement en Italie. » J. Tixeront, op. cit., p. 400.

Cette décadence de l’ancienne discipUne permit à certains usages des pays celtiques de s’introduire dans la majeure partie de l’Occident. Le régime pénitentiel en vigueur chez les Irlandais et les Bretons de la Grande-Bretagne, est, au moins dès le vie siècle, « celui de la pénitence tarifée, suivant lequel une pénitence spéciale est imposée au pécheur par le ministre du sacrement sans solennité aucune, d’après des tarifs d'œuvres satisfactoires contenus dans des opuscules appelés pénitenticls. Les œuvres de satisfaction sont proportionnées, dans les pénitentiels, en rigueur et en durée aux fautes commises. Pour les crimes les plus graves : inceste, parricide, parjure, etc., ils prescrivent suivant les circonstances, soit l’exil, soit la réclusion dans un monastère pour la durée de toute la vie ou de 10, de 7, de 3 ans. Pour les fautes d’une gravité moindre, la satisfaction consiste en des jeûnes plus ou moins prolongés ou répétés durant des quarantaines, des années, ou bien en des prières, des flagellations, des aumônes. » Dom L. Gougaud, Les chrétientés celtiques, Paris, 1911, p. 274-275.

Le plus ancien pénitentiel irlandais connu est du vie siècle et porte le nom d’un certain Vinniaus, difficile à identifier. Cf. Dom Gougaud, op. cit., p. 276. Vers le milieu du vue siècle, un certain Cunimian composa un autre pénitentiel, probablement dans un monastère écossais, peut-être celui de Hy, dont il serait mort abbé en 601-0(52. D’après J. Zottinger, Archiv fur catholisches Kirchenrecht, 1902, p. 505 sq. Quand saint Colomban passa d’Irlande en Bourgogne, vers 590, pour y fonder les monastères d’Annegray, de Luxeuil et de Fontaines, puis en 013 dans la HauteItalie pour y établir celui de Bobbio, il introduisit dans ces régions la pénitence tarifée et exclusivement privée des pays celtiques, mais le pénitentiel connu sous son nom n’est pas d’une authenticité absolument certaine et en toute hypothèse ne nous est parvenu que dans des recensions remaniées. En tout cas, au vue siècle, après la conquête anglo-saxonne, les pénitentiels celtiques se répandirent dans les Églises fondées en Grande-Bretagne par saint Augustin de Cantorbéry. Des auteurs anglo-saxons en composèrent à leur tour : ceux de Théodore de Cantorbéry, (t en '690), du Vénérable Bède (t en 735), d’Egbert d’York

DICT. DE TnÉOI-. CATHOL.

(t en 766) eurent une grande vogue, et, à la faveur de la tradition créée par saint Colomban, passèrent sur le continent. Là ils subirent de notables remaniements, et donnèrent naissance, aux vin^ et ix » siècles, à une littérature abondante où les apocryphes ne sont pas l’exception.

L’hypothèse de Mgr Schmitz, d’après laquelle les pénitentiels celtiques et anglo-saxons dériveraient d’un pénitentiel romain, ne s’est pas imposée malgré la compéteno exceptionnelle de l’auteur dans la question. Elle paraît même complètement abandonnée aujourd’hui après les vives critiques de Mgr Duchesne et de M. Paul Fournier. Cf. Schmitz, Die Bussbucher und die Bussdisciplin der Kirche, Mayence, 1883 ; Die Bussbucher und das kanonische Bussverfahren, Dusseldorꝟ. 1893 ; Duchesne, dans Bulletin critique, 1883, t. iv, p. 366 ; P. Fournier, Éludes sur les pénitentiels, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1901-1904,

t. VI-IX.

Dans l’empire franc, la réforme du début du ixe siècle amena une réaction contre l’influence celtique et anglo-saxonne en faveur des anciennes règles canoniques qu’on mettait alors, à plus ou moins juste titre, sous le patronage de Rome. P. Fournier, dans Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1903, t. viii, p. 552. Mais les auteurs de pénitentiels réformés : Haiitgaire de Cambrai et Raban Maur (t en 856) en particulier, durent faire place dans leurs recueils à des textes celtosaxons, si puissante était encore à cette époque l’influence insulaire. Au début du xie siècle, lel. XIX des Décréta de Burchard de Worms, intitulé : Liber corrector et medicus et composé vers l’an 1000, est encore un véritable pénitentiel. D’ailleurs, en plein xiie siècle, époque où cependant la pénitence tarifée est en complète décadence, Antoine Augustin publie un Pænitentiale romanum.

2. Les rédemptions elles-mêmes.

Le régime introduit et propagé par les pénitentiels était encore trop rigoureux pour une société où le christianisme lutta avec peine pendant des siècles contre la barbarie. Il fallut des adoucissements et ici encore les pays cettes furent les initiateurs : « D’assez bonne heure, sous l’empire de divers besoins qu’a bien fait ressortir M. Boudinhon, Sur l’histoire de la pénitence, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1897, t. ii, p. 503-506, le système des équivalences et commutations d'œuvres s’est greffé sur celui de la pénitence tarifée. Ainsi plusieurs jours de jeûne isolés ou plus fréquemment consécutifs (biducinæ, tri(lu(m£e superpositiones) avec accompagnement de la récitation du psautier ou d’autres prières, de veilles pieuses, de génuflexions, de prostrations ou d’autres mortifications, certaines bien étranges (par exemple, dormir sur des orties, coucher cum mortuo sancto in uno sepulcro), pouvaient remplacer une pénitence primitivement imposée, moins sévère, mais plus longue, difiicile ou impossible à accomplir pour certaines raisons. Ces commutations ou réductions de peines portaient le nom d’arrea, du vieil irlandais arra, qui signifie : équivalent, substitution. » Dom Gougaud, op. cit., p. 276. M. Kuno-Meycr a publié en 1894 un traité sur les arrea, rédigé au vine siècle en vieil irlandais. Revue celtique, t. xv, p. 485-498. Au début, se trouve un arreum qui sauve une âme de l’enfer, c’est-à-dire du purgatoire, moyennant 365 Pater, accompagnés d’autant de génuflexions et de coups de fouet, récités chaque jour jusqu'à la fin de l’année et un jeûne mensuel. Le c. xxvii de l’opuscule invoque les passages du Lévitique relatifs au rachat des vœux. Cf. dom Gougaud, op. cit., p. 277.

La pratique des comnmtations de peines canoniques dut passer d’Irlande en Angleterre au cours du même vme siècle et donner lieu au singulier abus signalé par

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