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IMPENITENCE


les relations précises de l’endurcissement avec l’impénitence finale ?

1. D’après les notions précédentes, V impénitence finale voulue est de l’endurcissement et le plus terrible prélude de l’obstination diabolique éternelle. En enfer, en efïel, se trouve réalisé l’absolu et complet endurcissement de la volonté fixée dans le péché. Voir Enfer, t. v, col. 98 ; S. Thomas, Sum'. IheoL, I », q. Lxiv, a. 2 ; Qusest. disp., De veritate, q. xxiv, a. 10. Ici-bas, il n’y a jamais d’endurcissement définitif qui entraînerait fatalement l’impénitence finale ; ni l’acte le plus passionnément intense ne peut donner l’empire sur l’avenir de la liberté, ni l’habitude la plus invétérée ne peut faire qu’incliner une faculté mobile par son fonds essentiel, ni l’exclusion des influences contraires à l'état de péché ne peut lier absolument la miséricorde infinie. Voir S. Thomas, Quwst. disp., De veritate, loc. cit., et Endurossement, t. v, col. 16-24.

2. Cependant, au point de vue psychologique et ascétique, il faut bien discerner plusieurs degrés de l’impénitence volontaire. Cf. A. Saudreau, Les degrés de la vie spirituelle, 3e édit., 1905, 1. 1, p. 19-33 ; S. Thomas, Sum. theol., I" II*, q. LXXvi-LXX-m ; II* 11^, q. XV, a. 1. Il y a, en elïet, d’abord les endurcis par ignorance, surtout dans les âmes si peu éduquées, si grossières ou si légères et dissipées et sensuelles qui restent fixées dans le péché mortel avec tout juste la conscience qu’elles sont hors de la voie droite. Et c’est dans cette catégorie qu’il faut placer beaucoup de pécheurs de la foule humaine, de la foule chrétienne qui ne pratique pas, de la foule païenne aussi évidemment, à moins que pour celle-ci on puisse admettre la théorie de l’enfance morale prolongée irresponsable ; voir l’article du card. Billot, Les infidèles adultes d'âge non de raison et de conscience, dans les Études, 20 août et 5 décembre 1920, p. 386-403, 515-535, et du 5 mai 1921, p. 257-279. Il y a une deuxième catégorie d’endurcis plus coupables ; ce sont les lâches, ceux que la passion, luxure, orgueil, ambition, avarice, a fait tomber et puis tient enchaînés.

Il y a enfin les endurcis de malice, ceux qui font le mal après avoir bien ctioisi entre lui et le bien. Cela se fait encore en diverses profondeurs : pauvres gens que le malheur a révoltés contre la providence et qui s’enfoncent alors par dépit contre elle dans l’irréligion ; viveurs éhontés, jamais rassasiés, furieux contre eux-mêmes et contre Dieu, contre l’ordre, qui contrarie leurs désordres, indifférents blasés de tout, arrivés à ne voir que la matière sous leurs pieds, enfin sectaires à la malice froide, esclaves de la grande haine, de Satan.

3. A être impénitents finalement, n’y aura-t-il que ces endurcis ou même que les endurcis de malice ? Quelques-uns, dans la controverse sur le petit ou le grand nombre des élus, par peur de rendre la miséricorde de Dieu incompréhensible, auraient désiré affirmer cette proposition. Mais la tradition catholique ne résout pas ainsi les objections des petites intelligences humaines contre les plans divins. Tout péché mortel mérite l’enfer, et non pas seulement le péché qu’aggrave terriblement l’endurcissement ou la malice. Est-ce à dire que, vu les excès de l’amour miséricordieux de Dieu dans notre monde présent, on ne puisse admettre comme probable ou même souverainement probable, tout en réservant le mystère des décrets divins, que Dieu ne doit pas saisir pour ainsi dire la première occasion de chute mortelle de fragilité dans l'âme des chrétiens habituellement fidèles pour les faire mourir aussitôt dans une impénitence finale qui les plonge en enfer ? Voir Enfer, t. v, col. 116. Oui sans doute ; mais notons bien qu’il s’agit de péché de /ra.(7(717^. S’ils' agissaitdepéchémortel, même unique, commis « en connaissance de cause » ou par malice.

non par ignorance ni passion, pourrait-on dire la même chose ? Ami du clergé, 1914-1919, p. 767. Pour nous, nous ne le dirions pas et nous ne traiterions pas ce second cas comme « plus sûr » que le premier.

4. Tous les endurcis sont-ils des impénitents à jamais et des damnés ? Non assurément ; que de pécheurs les plus volontairement impénitents, les plus sectaires même, que la grâce a convertis, pour en faire parfois des saints I

Cependant les orateurs sacrés ont raison de menacer de l’impénitence finale tous ces malheureux qui refusent la pénitence ou du moins la renvoient à plus tard. Voir à la bibliograpliie quelques références de sermons. « Plus tard », disent ces insensés rivés au péché présent. Mais auront-ils ce plus tard et la mort attendrat-elle leur bon plaisir ? S’ils l’ont, en quelles dispositions seront-ils alors, surtout si c’est à l’occasion d’une dernière maladie ? Auront-ils moins d’illusions dans l’esprit, plus de facilités religieuses autour d’eux, un cœur plus pur, plus détaché, plus fort que maintenant, plus confiant pour revenir à Dieu ? Se verront-ils seulement malades et malades à mourir ? Enfin plus tard, lorsqu’ils auront ces désirs, ces velléités de revenir à Dieu, auront-ils les grâces voulues ? Dieu, si longtemps, si honteusement, si crimineUement méprisé, rejeté, n’aura-t-il pas épuisé le cours de ses grâces, de ces grâces abondantes, triomphantes, les seules qui seraient peut-être alors efficaces ? L’impénitence volontaire n’est qu’une trop dangereuse préparation à l’impénitence finale. A l’objection du bon larron et des conversions in extremis, comment ne pas répondre que c’est l’histoire même de ce larron ainsi sauvé et de l’autre qui doit faire trembler les lâches impénitents : car c’est au premier appel de la grâce que tout s’est décidé pour eux.

2 » L’impénitence finale elle-même. — 1. L’impénitence finale, avons-nous dit, est double. Elle est d’abord souvent le simple fait physique de la mort en état de péché mortel, sans que même la pensée d’une telle mort ait pu se présenter à l’esprit. C’est la mort éternelle avec le poids des péchés gardés dans l'âme, mais sans autre crime spécial.

C’est un crime spécial, en effet, que cette autre impénitence finale consciente, acceptée, voulue, dans un rejet dernier de la grâce ou de Dieu proposant son amour éternel. Ce crime spécial est un péché contre le Saint-Esprit, soit qu’on interprète ce péché comme le péché même d’impénitence finale, cf. S. Augustin, De verbis Domini, serm. xi, c. xii, xv, xxi, S. Thomas, Sum. ^/leoZ., III », q.Lxxxvi, a. l, soit qu’on l’interprète comme le péché de malice qui veut se donner au mal en excluant le bien tant qu’il peut. S.Thom.as, II' 11^, q. XIV, a. 1, 2, 3. Mais il faut remarquer que le péché contre le Saint-Esprit est alors déclaré irrémissible non absolument, mais relativement. Ils sont, en effet, très difficiles à convertir les cœurs qui s’attachent ainsi au péché pour toujours autant qu’ils le peuvent, après avoir écarté d’eux tout principe de conversion ; ces cœurs-là surtout sont en eux-mêmes absolument indignes de toute grâce. Cependant il reste que Dieu est le tout-puissant et le tout miséricordieu.x et que l’homme a jusqu’au dernier moment la liberté de conversion. S. Thomas, ibid., ad 3'"" ; Quæst. disp., De veritate, q. xxiv, a. Il ; Salmanticenses, op. cit., disp. VI, dub. iii, § 6, n. 157-160 ; Suarez, loc. cit., n. 7-12.

2. Nous avons dit que le pécheur était tenu de se convertir, surtout au moment de la mort, par justice envers Dieu, par charité envers le Père divin et envers soi-même. Le péché d’impénitence qui méprise tous ces motifs de pénitence, revêt-il donc toujours une triple malice, malice essentielle ou maUce de circonstance ? Voir Suarez, loc. cit., n. 15 sq. Non ; ces