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INDIFFERENCE RELIGIEUSE

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de plus en plus avec le progrès. Mais dire d’abord que la reliiiion est une allilude d’ignorants dans le passé ou dans le présent est une allinnalion si anticléricalement primaire ou si aveuglément sectaire qu’il n’y a qu'à la renvoyer à quelque lecture plus iniparliale, par exemple, E. Naville, La plu/sique inodirne, Paris, 1890 ; J. Guibert, Le mouvement chrctiin, Paris, 1902, 2° conférence ; Th. Ortolan, Sanants et chrélicns, Paris, 1898 ; A. Eymieu, La part des croyants dans les progrès de la science. Paris, 1919 ; L’ami du clergé, 1909, p. 209-219, 305-314, 421-428, 513-517 : 1910, p. 835841, d’après l’ouvrage de Kneller, Das Christentum iind die Vertrcter der neucrcn Xaturwisscnschalt, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1904.

Quant à la loi du progrès qui ferait marcher l’humanité vers l’athéisme et l’irréligion, les faits lui donnent un beau démenti, les jeunes générations intellectuelles vont de plus en plus à la religion : c’est un fait patent, les enquêtes de la Beime des jeunes en France, 1920, 1921 ; les statistiques de la Documentation catholique ou de ïlnter-uniuersity magazine catholique de Cambridge, avec les renseignements sur le travail d’organisation catholique actuelle, et puis les statistiques générales de Krose-Arens, Handbuch der katholischen Missionen, 2<= édit. Fribourg-en-Brisgau, 1920, à comparer avec la première ; Baudrillarl, La vie catholique dans la France contemporaine, Paris, 1918 ; L. Rouzic, Le renouveau catholique, 1914, t. i ; 1919, t. II : Mainage, Les témoins du renouveau ccdholiquc, Paris, 1919.

Dans le progrès, il y a donc le côté matériel et le côté spirituel ; le premier avance toujours : c’est incontestable ; pour le second, progrès intellectuel, artistique, moral, qui resplendit en artistes, génies et saints : c’est bien différent ; en tout cas l'élite humaine de tous les temps en vrai génie, vrai talent, vraie grandeur morale, a presque toujours été religieuse, et profondément religieuse.

2° Indijiérentisme religieux, mais naturaliste. — VouloirDieu, mais pas de religion est trop paradoxal ; les déistes avec Dieu admettent donc en général une religion, mais la seule religion naturelle, celle que la raison suflit à dicter, celle que toutes les religions positives ne font que traduire en la déformant plus ou moins, en excluant donc toute conception grossière, anthromorphique de révélation, de miracle d’incarnation. Voir Déisme, t. iv, col. 234-242.

A ces amants exclusifs de la raison et de la nature disons : 1. que la raison et la nature ne sont que des abstractions qui n’existent nulle part. Il y a des hommes qui partout, toujours, dans toutes les religions se sont réclamés du surnaturel. Celui-ci serait-il donc si universellement cru, s’il était si absurde, ou même s’il n’aait aucun fondement dans l’histoire humaine ?

Superfétations Imaginatives, dites-vous, poésie dont on essaye de revêtir l’austère et simple vérité, exploitées d’ailleurs par les terreurs, les ignorances, les ambitions, les castes sacerdotales ou princières. Mais tout cela, c’e.st piperie de mots dont peut se contenter le petit salon fermé du petit clan aristocratique des déistes ; les faits sont autrement profonds et les affirmations autrement sérieuses ; et l’hisloire primitive, l’histoire païenne, la juive, la chrétienne ont é idemment une autre portée, et ne sauraient se contenter de ce coup-d'œil dédaigneux.

2. A bstraction encore que la raison, et la nature toutes droites, se suffisant pour découvrir et pratiquer la religion parfaite. Jules Simon a cru les concrétiser… en lui-même ; mais ses déductions sont compénétrées aux trois quarts par les lumières chrétiennes.

a) Qu’on parcoure l’histoire de l’humanité, on y verra, éclatant, le besoin profond du surnaturel, dans les faits et dans les aveux, pour l’esprit et pour le cœur

des hommes, et cela même dans la vie de conscience morale et religieuse naturelles. Voir Grâce, t. vi, col. 1572-1590 ; Révélation. Sans l’aide surnaturelle de Dieu, c’est un fait, il est impossible à l’homme individuel de pratiquer tout son devoir religieux et moral naturel et il est impossible moralement à l’ensemble des hommes de connaître en toute certitude, sans mélange d’erreurs, avec la facilité pratique nécessaire, l’ensemble même des vérités religieuses et morales d’ordre naturel. La religion naturelle n’est donc qu’une imagination de chambre philosophique, non la vie concrète des peuples humains. Voir plus haut les références sur l’histoire des religions.

b) Psychologiquement cela se comprend. Voir Balfour, Les t>ascs de la croyance, Paris, 1897 ; Brunetière, Discours de combat, I. Le besoin de cro/rc, Paris, 1900 ; Ollé-Laprune, Raison et rationalisme ; A. Nicolas, L’ar ? de croire, 2 vol. ; F. Hettingcr, Apologie, t. i, introd. ; F. Lamennais, Essai sur l’indifférence, l. i, c. iv-v ; S. Thomas, ConL génies, t. I, c. iv : la pauvre multitude humaine n’a ni le temps, ni l’intelligence, ni le courage de faire de la philosophie transcendante. Elle ne peut pas d’autre part se her aux sages philosophes qui voudraient devant elle représenter la raison avec autorité : cette autorité même leur faisant trop défaut à cause de leur manque de science et de leurs erreurs variées mais innombrables, de leur manque de conviction, de leur manque de valeur morale, de leur manque de zèle, enfin pour enseigner : piètre sacerdoce si l’humanité n’avait eu que celui des philosophes.

En fait, où se sont trouvés ces sages capables de découvrir par eux-mêmes toute la substantielle vérité et de la faire briller aux yeux de leur peuple'.' Nulle part : c’est un fait écrasant. Cf. A. Tanquere, Synopsis theologiæ dogmediav /undamentalis, IS'^éd’il., 1909, p. 119-125, et les autres manuels sur la thèse du besoin de la révélation.

3. Mais l’idée d’un Dieu parlant à l’homme n’est-ce pas une idée puérile, contradictoire, anthropumorphique.^

a) Les déistes et tous les rationalistes, jusqu’aux modernistes inclusivement, l’ont dit ; mais c’est la conception qu’ils se font de la révélation qui est grossière. Dieu n’a pas de langue pour parler ( !), mais la puissance qui crée l’intelligence, peut bien créer les idées en celle-ci avec la lumière sur leur origine, ou même user de symboles sensibles que le miracle authentiquera. — Le cerveau humain, insiste-t-on, ne peut recevoir d’idées divines ; mais le cerveau humain « contient, » à la différence de la brute, une intelligence, spirituelle ; le nier n’est que du grossier matérialisme ou sensualisme ou phénoménalisme. Or nous avons vu que l’intelligence est apte aux idées des choses divines comme de toutes choses ; idées de nos devoirs, de nos origines, de nos destinées, de notre nature, des dons divins, etc. Voir Dieu, t. iv, col. 767 sq., vraie idée de Dieu anlisubjectiviste ; col. 792 sq., 817, antiagnostique, antimoderniste ; AoNosTias.ME, t. i, col. 000 sq. ; Analogie, t. r, col. 1146 sq., G. Michelel, Dieu et l’agnosticisme contemporain, Paris, 1909 ; Gardeil, Le donné révélé et la théologie, Paris, 1920, et les récents manuels ou traités de philosophie et d’apologétique.

b) Les anciens déistes disaient idiis rudimentairement que la révélation répugnait à la majesté infinie, comme à notre liberté. Dieu crée, pose ses lois et doil se retirer dans son inaccessible lumière, laissant les petites créatures à leur évolution fixée une fois pour toutes ou à leurs libertés absolument autonomes. Voilà des conceptions puériles et anthropomorphiques, comme le disait J.-J. Rousseau en un jour de lucidité. Non, Dieu n’a pas à rester au fond de l’inlini pour ne jias avoir l’air de se corriger ou pour ne pas nous