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INDIFFERENCE RELIGIEUSE


à sa solution : est-ce ]>ossible et comment ? C’est aussi le grand problème moral : y a-t-il un Dieu et avons-nous des devoirs envers lui et lesquels ? Les premiers devoirs évidemment, devoirs primant ceux qui peuvent regarder nos semblables ou nous-mêmes. Et c’est le grand problème historique : celui des religions et de la religion, ponr l’ensemble des peuples terrestres, la question première.

On peut essayer de résoudre le problème par diverses voies ou même en divers degrés qui (constituent autant de problèmes spéciaux pour l’apologétique : peut-on s’en tenir à un indilïérentisme irreligieux absolu, ou bien à un indilïérentisme religieux naturaliste, ou du moins à un indilïérentisme religieux historique, ou enfin à un indilïérentisme dogmatique chrétien ? II. Apologétique progressive.

1° Indiffércntisme

irréligieux absolu. — 1 Formes. — a) L’athéisme est évidemment la première source de l’irréligion : pas de divinité, pas de culte à lui rendre, pas de devoirs envers elle ou à cause d’elle. L’athéisme, source d’indifférence totale aux religions pour diverses catégories de nos contemporains spécialement, est-il fréquent ou rare ? parmi les intellectuels, parmi le peuple ? Cf. J. Guibert, dans la Reuue pratique d’apologétique, 1907, t. III, p. 39-45 ; C. Piat, ibid., p. 449-4(U.

En tout cas, qu’il soit à base ontologiciue de matérialisme ou de [lanthéisme, ou bien à base psychologique de sensualisme, d’empirisme, de positiisme ; daiis une autre direction, d’idéalisme, de subjectivisme, de criticisnie ; à un autre point de vue encore, de phénoménalisme et de symbolisme, cet état le plus souvent repose sur une base plus profonde d’ordre moral : la révolte contre le Maîlre absolu qui comprimerait la volupté ou l’orgueil ou la cupidité : ou veut être à soi tout seul, donc pas de religion. D’ailleurs, on peut tolérer celle-ci chez ceux dont le cerveau et le cœur sécrètent, imaginent, pensent, appellent encore… de pareilles formes vitales ; mais pour ceux qui… « savent », tout cela est devenu totalement indilïérent. Voir Caussette, Le bon sens de la foi, t. ii, p. 17-358.

b) Il y a cependant un déisme irréligieux. Le déisme admet un Dieu, auteur du monde ; mais ce Dieu s’occupe-t-il maintenant du monde ? -Non ; donc aucune religion à observer envers lui. D’autres déistes admettent encore un Dieu-Providence du monde physique, le monde des lois fatales ; mais des libertés, du moment qu’il les a laites libres, il n’a plus à s’occuper ; il n’a d’ailleurs aucun besoin d’elles ou de leurs honneurs et hommages infimes ; celles-ci sont donc laissées ^ elles-mêmes et n’ont plus rien à voir avec Dieu dans l’ordre moral ; c’est l’inuifférence déiste religieuse absolue. Cf. DÉISME, classification, t. iv, col. 232 sq. ; Lamennais, op. cit., t. I, c. i ; W. G. Ward, Essays on phitosoplig oj theism.

2. Nécessité de la religion : c’est la thèse à expliquer à ce premier parti d’iiidilïéreiils ; on la trouvera exposée dans tous les manuels d’apologétique, d’éthique naturelle, de théologie fondamentale, cours de religion. De iilus Fr. Hettinger, Apologie, t. i ; A. -M. Weiss, Apologie, t. i, v, vi ; Caussette, Le bon sens de la foi, t. i ; (Jllé-Laprune, Le prix de la vie, 4e édit., Paris, 1897 ; Mgr Bouiiaud, Le christianisme et les temps présents, t. i ; Gondal, Religion, 2°^ édit., Paris, 1894.

a) Considérations a priori. — l’our l’existence de Dieu, voir Dieu, t. iv, athéisme, indillerence, histoire de la connaissance de Dieu, col. 759-874, ainsi que pour les preuves de son existence.

Mais admise l’existence de Dieu, comment ne pas voir que c’est une absurdité et une monstruosité de refuser toute reconnaissance à ses immenses bontés, tout hommage à son infinie majesté, toute complaisance et glorification et alïection enfin à sa suiirême

amabilité, bien plus, l’amour premier de nos cœurs à celui qui, étant l’Être éternel, infini, notre Tout-Principe, est nécessairement aussi notre dernière et suprême fin, notre unique béatitude, voir Béatitude, t. II, col. 510 sq., l’amour suprêm pour la gloire de qui tout existe. Voir Fin dernière, t. v, col. 2478 sq.

Et que dire du Dieu père de l’ordre surnaturel historique, envers qui toute la religion doit prendre un caractère de picté filiale et d’amour de charité ou d’amitié intime ?

Les objections des déistes ? Voyons. Ils disent : tout cela, anthropomorphisme ! Dieu ressemble ainsi à un roi terrestre puissant et riche ou à un père de famille humaine, mais il n’est plus le Dieu infini infiniment au-dessus des petites créatures humaines, infiniment incompréhensible à nos petits cerveaux et inaccessible à nos petites libertés, qui sont d’ailleurs des libertés, des causes cpii font ce qu’elles veulent.

En quelejnes mots répondons : les libertés créées sont des facultés, non de faire ce qu’elles veulent, mais le bien — et dans l’ordre dont Dieu est évidemment le bien suprême, le suprême amour — suivant les lois essentielles de cet ordre ou les lois qu’il peut plaire à Dieu d’y établir positivement, et cela avec les sanctions sans lesquelles il n’y a pas d’ordre moral définit ! L

Ensuite, dans nos cerveaux, il y a des intelligences spirituelles, pour qui Dieu n’est pas incompréhensible comme un hiéroglyphe sans clef, mais comme la vérité infinie que nous ne pouvons comprendre totalement, dans le mode intime et le fond infini de sa nature, mais que nous pouvons connaître vraiment comme elle est, en ses diverses perfections d’existence, de cause première, d’éternel, de subsistence essentielle et pure, de science totale, de sainteté absolue, de puissance infinie, etc., tout cela en analogies et similitudes, mais formellement vraies, car l’intelligence est la faculté de l’être et ainsi en l’une ou l’autre façon, de tout être, de l’infini lui-même. Voir Dieu, t. IV, col. 707 sq. ; Agnosticisme, t. i, col. 596 scj. ; Analogie, t. I, col. Il4 sq.

Dieu enfin est inluiiment loin de nous et n’a que faire des petits gestes de ces petits éphémères de la planète terrestre. Disons, éphémères sur la planète, mais immortels parce que spirituels dans une autre vie, et alors tout change et nos gestes prennent tout de suite des proportions immenses. Et puis, il ne s’agit pas de ce dont Dieu a besoin, mais de ce dont nous avons besoin et de ce à quoi Dieu a droit : il faut glorifier Dieu et l’aimer, et réparer nos ofïenses si le malheur d’eu commettre envers lui nous arrivait jamais, voilà notre suprême besoin, notre premier devoir, l’infini droit divin ; Dieu n’a pas besoin de créer, mais s’il nous crée, il est impossiUe qu’il ne veuille pas que le bien soit aimé, la bonté bieuiaisante remerciée, la majesté infinie adorée par toute créature qui la connaît, etc., et qu’il puisse tolérer que cette petite créature le mé]uise comme s’il n’existait pas ou comme si elle n’avait rien à faire avec lui.

h) Considérations psychologiques. — L’esprit, la volonté, le cœur de l’homme ont besoin de la religion, qui ne peut donc lui rester indifférente sans violenter toute sa nature supérieure.

a. L’esprit Immain cherche la vérité, la science, toujours ]>lus complètes et plus profondes. Histoire, expérience, analyse psychologique démontrent que l’intelligence est une faculté d’infini et de fond dernier des choses, de toutes choses. Rien ne pourra donc la satisiaire que la connaissance, la science, la conteiiiiilaliou de la vérité première subsistante, seule exiilication totale de tout ce qui est de Dieu : c’est le premier élément de la religion.