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IMPENITENCE


Cependant si un pécheur s’était volontairement fixé dans la résolution de ne jamais se convertir, de ne jamais faire pénitence et de mourir ainsi, si, par exemple, il avait signé un engagement d’enterrement civil et s’il travaillait réellement à s’établir en cet état d’âme, il se préparerait, par un péché particulier d’impénitence, à l’impénitence finale. Cet état est l’état de l’endurcissement, opposé, toutefois par une opposition imparfaite, à la confirmation en grâce. Voir Endurcissement, t. v, col. 16 sq.

3. Impénitence temporaire et impénitence finale. — La grâce peut confirmer absolument une volonté dans le bien ; voir Impeccabilité ; mais la liberté ici-bas, mobile de sa nature, ne pourrait le faire d’ellemême. Semblablement la volonté ne peut se fixer dans le mal définitivement, et il n’y a pas, d’autre part, de force extérieure qui le puisse, comme Dieu le fait pour le bien : ni influence humaine, ni influence diabolique ; l’endurcissement de l’impénitence volontaire n’est donc toujours que relatif et incomplet sur la terre. Cependant, l’état de l’impénitent volontaire est plus grave que l’état de péché, pris en lui-même, parce qu’il mène tout droit à l’impénitence finale. Voir A. Desurmont, La charité sacerdotale, Antony, 1899, t. ii, n. 93-94, p. 336-343. Peccare humanum est, perseuerare diabolicum. Vouloir persévérer dans le péché et repousser la pénitence est donc un péché spécial très grave, que saint Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. xiv, range même parmi les péchés contre le Saint-Esprit, suivant l’énumération de saint Augustin, c’est-à-dire parmi les péchés qui visent à détruire les principes mêmes qui peuvent arrêter le péché et faire revenir le règne du bien.

Après son péché, le pécheur est-il dans l’alternative ou de s’endurcir dans l’impénitence ou de faire pénitence, tout de suite ? Question complexe. Il n’est pas tenu d’abord de se repentir immédiatement. La pénitence, en effet, n’oblige pas à chaque Instant, semper sed non pro semper, comme tout précepte affirmatif mais seulement au temps voulu. Le péché, tant qu’il dure, reste imputable puisqu’il n’est pas expié ; mais sa non-expiation immédiate n’est pas nécessairement un nouveau péché, ni même une circonstance morale, plus ou moins aggravante, comme le prétendent quelques auteurs ; elle est, de soi, un simple fait physique. Voir Salmanticenses, loc. cit. Pourtant le pécheur doit faire pénitence au temps voulu ; sinon, il tombe dans le péché d’impénitence volontaire, soit par un acte positif de refus de la grâce de pénitence, soit par un acte délibéré d’omission de se convertir, par exemple, au temps de la communion pascale. Le temps voulu de faire pénitence ne suit pas immédiatement le péché, quoique ce soit un acte de perfection de ne pas rester un instant dans l’inimitié de Dieu. Mais la perfection n’est pas de précepte. Le pécheur qui ne refuse pas positivement de faire pénitence, ne sera tenu au repentir que dans le cas d’urgence. Or, l’urgence peut être accidentelle, ratione alterius. Le cas se présentera pour un prêtre qui doit célébrer la messe, pour un fidèle qui doit recevoir un sacrement des vivants, qui n’a pas d’autre moyen d’éviter une série de péchés mortels, de tentations invincibles. Mais l’urgence peut devenir rf ; rcc/e et ne permettre enfin aucun délai de conversion. Quelques théologiens ont cherché à mesurer le terme de ce délai avec des précisions mathématiques, qui faciliteraient aux confesseurs l’usage du ministère de la confession : une semaine (Concina), un mois (S. Alphonse, De panitentia, n. 437, édit. Gaudé, Rome, 1909, t. iii, p. 433 sq.) ; six mois (Nuno) ; un an (Laymann et c’est l’opinion commune en raison du précepte ecclésiastique qui détermine le droit divin) ; trois ou quatre ans (Lugo, Coninclv) ; d’autres fixent les jours de grandes fêtes consacrés au culte

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

divin (Soto, Viguer) ; d’autres disent qu’il y a urgence au souvenir des péchés (Alexandre de Halès, S. Bonaventure, Richard et Hugues de Saint-Victor, Gabriel), parce qu’alors le pécheur devrait absolument ou vouloir de nouveau son péché ou le rejeter et par conséquent faire pénitence ; mais c’est là une fausse psychologie : le pécheur peut dire : Pour le moment je ne suis pas obligé de faire pénitence, donc je la renvoie au temps voulu ; comme on peut dire de l’acte même d’amour de Dieu qui se présente à la pensée : Je ne le veux pas, non que je ne veuille pas aimer Dieu, mais parce que je ne veux pas maintenant me mettre à faire oraison, etc. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIl", q. Lxxxiv, a. 9 ; Supphm., q. vi, a. 5 ; Quodlibel, I, q. VI, a. Il ; In IV Sent., t. IV, dist. XIV, q. i, a. 4, q. I, et pour la discussion des opinions, Salmanticenses, loc. cit., § 10 ; Suarez, loc. cit., n. 3 ; Ballerini-Palmieri, Opus theol. morale. De pœnilentia, n. 1030-1057, p. 557571.

On attribue souvent à saint Thomas lui-même l’opinion que la pénitence n’est obligatoire qu’en danger de mort et que tout péché d’impénitence volontaire est, au fond, l’acceptation volontaire de l’impénitence finale. Cf. Noldin, Summa theologiæ moralis, 13’éàit., Inspruck, 1920, t. iii, p. 258. En réalité, le docteur angélique est autrement précis, profond et cohérent dans ses théories sur l’état de péché. Comme il l’explique spécialement, Sum. theol., I" ir^-, q. cix, a. 8, on ne peut rester longtemps dans le péché mortel, sans la grâce et la grâce sanctifiante, et donc sans la pénitence après le péché, sans retomber en de nouveaux péchés. Et c’est là la véritable explication, la seule juste et pratique : ne pas attendre longtemps. Peut-on apprécier ce temps mathématiquement ? Non. C’est atîaire d’état moral individuel et d’occasions plus ou moins extraordinaires de grâces de conversion (retraite, mission) et d’obligations plus ou moins strictes à la vertu, à la perfection. Les remarques de saint Bonaventure, In IV Sent., I. IV, dist. XVII, q. ii, a. 4, q. ni, pour les religieux et celles de Lugo poussent sans doute trop loin les possibilités d’attente, mais mettent en relief avec raison les variations subjectives de l’obligation. Voir Salmanticences, op. cit., %9. Et cela, de plus, explique l’enseignement si clair et si pressant de l’Écriture sainte et de la tradition. Combien d’appels, pour demander au pécheur de faire pénitence, non pas de suite, ni à chaque instant, ni à certains jours, ni seulement après un mois ou une année, mais sans tarder, sans ces délais si dangereux et ainsi si coupables : Non tardes, ne différas, dit l’Eccli., v, 8 ; cf. Apoc, ii, 5, 16 ; Bom., ii, 5 ; Eccli., xvii, 21-26, et les innombrables exhortations à la pénitence, à la prompte pénitence, que Dieu a multipliées aux pécheurs par la bouche de ses prophètes, de ses apôtres et parles lèvres même de son Fils incarné : Ezech., xmii, 21, 30 ; Jer., xviii, 8-10 ; Sap., xi, 24 ; Luc, ni, 3, 8 ; Marc, i, 4 (S. Jean-Baptiste) ; Matt., m ; Marc, i, 15 ; Luc, v, 32 ; xiii, 5 (Jésus-Christ) ; Act., ii, 38 ; iii, 19 ; xi, 18 ; XVII, 30 ; II Pet., iii, 9 (les apôtres). Voir à la bibliographie quelques textes de la tradition ancienne ou de la prédication moderne.

II. Impénitence FINALE.

1° Impenitence finale et impénitence volontaire. — Consulter S. Thomas, Sum. theol, I", q. xxiii, a. 3 ; I » -II^, q. lxxix, a. 3 ; II » 11^, q. KV, a. ; Contra gentes, . III, c CLxii, CLXin ; Quæst. disp., De verilale, q. xxiv, a. 10 et 11 ; In Epist. ad Rom., c. i, lect. vu ; c. ix, lect. m.

Les prédicateurs ont raison, au moins dans une mission ou une retraite, de menacer toujours de l’impénitence finale les pécheurs qui refusent de se convertir ou qui remettent à plus tard leur conversion. Pourquoi ? Est-ce parce que toute impénitence finale n’est qu’un endurcissement prolongé ? Quelles sont

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