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INDÉPENDANTS


l’expulsion de Roger Williams avait été une mesure politique plutôt que religieuse. De nouveaux cas surgirent, qui forcèrent les gouverneurs des diverses colonies à porter leur attention sur ce point. Ils convoquèrent donc, dès 1646, une réunion des ministres des diverses Églises pour élaborer un règlement. Leurs délibérations ne prirent fin qu’en 1648. Il en sortit la confession de foi connue sous le nom de « Plateforme 1' de Cambridge, du nom même de la ville du Massachusets où les délégués s'étaient réunis. Cette Plate-Forme réduit en articles les idées d’organisation ecclésiastique qui se trouvent chez Cotton et chez Hooker. Elle essaie surtout de définir exactement les fonctions des différents ordres de ministres. La tâche était facile en ce qui concernait les anciens et les diacres. Elle l'était moins quand il s’agissait de délimiter exactement le rôle des pasteurs, par opposition à celui des docteurs. L'Écriture parle des uns et des autres. Les théologiens rassemblés à Cambridge décidèrent assez artificiellement que l’office du pasteur est proprement d’exhorter les fidèles, tandis que celui du docteur est de les instruire sur les points de doctrine, de leur expliquer l'Écriture et de réfuter les erreurs. Mais tous deux ont le droit d’administrer les sacrements. La nuance était assez subtile. Aussi, en fait, malgré son caractère scripturaire, la distinction a disparu peu à peu dans les communautés congrégationalistes. Mais la Plate-Forme de Cambridge n’en est pas moins resté la confession de foi traditionnelle de l’indépendance américaine. L’assemblée de Cambridge eut encore un autre résultat. Elle réalisa pratiquement la formation de synodes dans lesquels la tendance autonomiste de Plymouth et la tendance hiérarchique des colonies plus récentes purent chercher et trouver des compromis.

Un nouveau problème de discipline allait nécessiter la réunion de synodes de ce genre, qui, sans avoir aucune autorité, avaient charge d'établir un accord pratique. Les premiers colons étaient des adultes dont l’admission comme membres de la congrégation ne souffrait aucune difiiculté. Mais une fois établis, quand leurs foyers furent fondés, se posa la grave question de savoir si leurs enfants étaient de droit « membres » de l'Église. Question grave, puisque ce titre et ce titre seul conférait les droits de citoyens et la franchise civile. La conférence de Boston en 1657, formée des ministres du Massachusets et du Connecticut, et le synode des Églises du Massachusets de 1662 décidèrent qu’en droit les enfants des membres de l'église étaient, par le fait même, membres eux aussi de la congrégation. Seulement, ils n’avaient droit de vote et ne pouvaient prendre part à la cène que lorsque leur âge leur permettait de pratiquer la religion de façon personnelle. Mais cette décision ne fut pas acceptée par toutes les communautés. La distinction entre les fidèles de « pleine communion » et les fidèles de la « demi-voie » fut vivement combattue par l’un des principaux théologiens du congrégationalisme au xv !  !  ! "e siècle, Jonathan Edwards. Elle a cessé complètement au cours du xix « .

Du reste, son sens pratique avait depuis longtemps disparu. De nouveaux émigrants arrivaient, qui n'étaient ni puritains, ni même protestants. L'échec de l’indépendance anglaise avait eu son contre-coup aux colonies. L’Irlande envoyait des contingents catholiques de plus en plus nombreux. Aussi, dès 1664, le Massachusets était obligé de renoncer à limiter la franchise et les droits du citoyen aux membres d’une congrégation. La colonie de New-Haven faisait de même en 1665. Les examens d’admission et les serments s’adoucissaient. La rigidité des premiers temps disparaissait. Cependant le congrégationalisme restait, dans une cerlaine mesure, la religion

officielle de ces États. Les pasteurs recevaient d’eux leur traitement. Les gouverneurs convoquaient les synodes ou provoquaient les conférences des ministres. Il exerçait surtout une grande influence du fait que l’enseignement était entre ses mains. Il avait fondé le collège de Harvard en 1636, le collège de Yale en 1701. D’un autre côté ses missions parmi les Indiens lui avaient donné, sur ces populations, une réelle influence qui avait alors une valeur politique. Mais dès la fin du xvii « e siècle, en droit, sinon en fait, il était réduit à l'état d’une simple « dénomination ».

IV. Le Congrégationalisme moderne.

Tout le xviiie siècle marque un effort des communautés du type de Plymouth vers un accord avec le presbytérianisme. La revision de la confession de Savoy, en 1680, par la conférence du Massachusets, la « Plate-forme » de Saybrook de 1708, cherchent déjà à atténuer les différences entre les deux conceptions de l'Église. Mais si les théologiens gardent encore ofliciellement le strict prédestinatianisme de Calvin, l’esprit du temps fait son œuvre. Malgré le « Grand Réveil » qui, à la parole de Jonathan Edwards et de George Whitefield, secoua de 1734 à 1744, les colonies congrégationalistes, l’idéal des Saints de Plymouth était bien mort. La réaction fut très vive et le résultat fut une perte plutôt qu’un gain. Mais l'œuvre avait été commune aux églises presbytériennes et aux églises congrégationalistes. Aussi les relations entre les unes et les autres prirent-elles une forme régulière. L’assemblée générale presbytérienne acceptait les délégués des Assocations d'églises congrégationalistes. En 1801, un « Plan d’Union » fut élaboré entre l’assemblée générale presbytérienne et l’association congrégationaliste de Connecticut. Des envoyés devaient promouvoir la déférence mutuelle entre les adhérents des deux disciplines. Les églises qui avaient des préférences pour l’une ou pour l’autre, conservaient leur organisation. Dans les églises à éléments mixtes, on établirait un comité dont un membre siégerait au consistoire presbytéral, tandis qu’un autre aurait droit de vote dans l’association congrégationaliste. Ainsi était complètement perdu le caractère original et distinctif du mouvement indépendant de la Nouvelle Angleterre.

A la même époque, une nouvelle épreuve attendait ces Églises. Le mouvement unitarien se développait de plus en plus en opposition avec le calvinisme rigide de Jonatham Edwards et des hommes du « Grand Réveil ». Il pénétrait dans les collèges congrégationalistes, en particulier à Harvard, qui, dès 1805, avait, , dans la personne de Henry Ware, un principal gagné aux nouvelles idées. La division des esprits existait déjà depuis longtemps quand le fameux sermon de Baltimore, prononcé par Channing en 1819, vint mettre à nu la rupture. La séparation devint inévitable. Elle ne se fit pas sans douleur. Les propriétés de chaque Église congrégationaliste étaient aux mains de sociétés civiles, composées de membres choisis dans leur sein, mais qui étaient nécessairement une minorité. Or, il arriva souvent que cette société, propriétaire légale des biens de l'Église, était en désaccord, sur la question unitarienne, avec la congrégation qu’elle représentait. De là une guerre de procès qui se prolongea pendant toute la première moitié du XIXe siècle. Le congrégationalisme y perdit une centaine de communautés qui passèrent à l’unitarianisme.

En même temps une accommodation se faisait entre les principes de la discipline et les nécessités de l’heure. Elle amenait cette discipline au point où elle est actuellement. L'Église locale reste toujours l’unité fondamentale. Tout membre de cette église, sans distinction de sexe ou de situation, a droit de vote dans