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INDÉPENDANTS


li ; 'nne, mais dont les préférences vont à la doctrine ( alviniste et à l’organisation presbytérienne. Par leurs origines, ils sont étrangers à l'étroitesse des « Saints » (le Plyniouth. Seulement, ces déracinés, en arrivant sur la côte américaine, ont tout à organiser. Sous leurs yeux, une colonie prospère, grâce à l’habile administration de Bradford qui en est devenu le gouverneur, étale un type d’administration et de gouvernement qui semble tout ïait pour leur nouvelle situation. Ils l’adoptent avec des particularités locales qui marquent leurs préférences originales.

Or, cette organisation est essentiellement théocralique. N’est « liomme libre « , ne jouit de la franchise civile, et par conséquent n’est citoyen, que celui qui est membre de la comnumauté, de la « congrégation « . Et, pour le devenir, il ne suffit pas de le vouloir. Il faut, pour être admis, se soumettre, suivant les expressions d’un contemporain, « à un sévère examen sur la connaissance des principes de la religion, l’expérience des voies de la grâce, enfin la bonne conduite parmi les hommes. « Ce sont les anciens de chaque communauté qui ont charge de faire subir cette épreuve. Il faut de plus s’engager, par une série de serments habilement calculés, à répudier certaines doctrines qui semblent menaçantes aux « Pères Pèlerins », celles <les quakers et des anabaptistes en particulier. Aussi, le premier gouverneur de Boston pouvait-il proclanier solennellement cette profession de foi : « Nous croyons t|ue c’est chose importante, que tous les membres d’un gouvernement chrétien aient les mêmes opinions sur les points essentiels. Et, en passant, c’est à nous qu’il appartient de déterminer ce qui est essentiel. S’il est, parmi ceux qui sont venus avec nous, des gens d’opinions différentes, ils ont commis une grave erreur et feraient mieux de retourner en Angleterre. Mais si, tout en ayant des opinions différentes, ils veulent rester en Amérique, alors, laissons-les aller en paix fonder ailleurs des communautés conformes à leur conscience. Nous ne voulons pas de querelles avec eux. Mais nous leur disons formellement qu’ils ne peuvent se fixer ici. » Les résultats de cette conception ne se firent pas attendre. En 1643, la colonie de Massachusets comptait quinze mille habitants et dix-sept cent huit citoyens, c’est-à-dire dix-sept cent huit membres d’une congrégation. Elle avait expulsé de Plynioutli et de Salem des hommes comme Roger Williams et Ralph Smith qui réclamaient le droit de penser autrement que la petite aristocratie religieuse de la colonie, et qui s’en étaient allé fonder, plus au sud, la « plantation » de Rliode Island.

Pendant les six ou sept années durant lestpielles la communauté de Plyniouth n’avait eu pour voisins que les Indiens du Sachem Massasoit, son organisation religieuse avait été incomplète. John Robinson, en elïet, qui, de Leyde, dirigeait toujours ses fidèles, n’avait jamais voulu permettre à Rrewster d’exercer les fonctions de pasteur, pour la raison qu’il n’avait pas reçu l’ordination. Celui-ci avait dû se contenter d’exercer les fonctions de docteur. Mais l'émigration, amena, surtout à partir de 1C30, un nombre de plus en plus grand de ministres non conformistes qui fuyaient le régime de Laud. Parfois même une paroisse entière arrivait avec son organisation presbyLérale complète. Plymouth put donc avoir un pasteur. Mais I.yndford, le premier qui fut choisi, (lui renier solennellement avant d’exercer ses fonctions, « toute église nationale, épiscopale et archidiaconale ». Grâce à l'émigration, l’isolement primitif prenait fin. En 1640, il y avait en Nouvelle Angleterre trente-trois églises constituées, toutes sur le type "de Plymouth, sauf deux, qui avaient gardé complètement l’organisation l)resbytérienne. Il était impossible de vivre côte à côte sans avoir des relations. Encore faut-il remartiuer

qu’elles s'établirent non pas grâce aux ministres, qui paraissent avoir niontré quelque répugnance sur ce point, mais par l'œuvre de deux laïques, le docteur FuUer de Plymouth et le gouverneur de Salem, Endicott. Du reste c'étaient, à l’origine, des relations de fait, que ne réglait aucun accord. Il s’agissait là de simples manifestations de fraternité chrétienne. Elles se traduisaient surtout par des réunions de pasteurs qui n’avaient aucun caractère synodal. Chaque congrégation défendait jalousement son autonomie.

Ce ne furent pas seulement les nécessités politiques qui les obligèrent à prendre une conscience plus nette de leurs relations. L’extension de la colonie avait rendu plus fréquents les rapports entre la Vieille et la Nouvelle Angleterre. Les lettres venues d’ici intéressaient très vivement ceux qui étaient restés là-bas. Elles les inquiétaient aussi au point de vue religieux. Dès 1637, plusieurs ministres d’Angleterre posent aux Églises du Massachusets, neuf questions sur des points de discijjline. La controverse est ouverte. Elle obligera les pasteurs émigrés à formuler leurs idées. Or ces idées ont pris l’aspect d’un système théologique dans les œuvres de deux hommes qui caractérisent les conceptions des communautés de la Nouvelle Angleterre. La « ^'oic des églises congrégationalistes clairement exposée », de John Colton, premiers pasteur de Boston, qui circulait en manuscrit dès 1643, et qui fut publiée deux ans plus tard, et ' « Esquisse d’une somme de la discipline des Églises » de Thomas Hooker, publiée aussi en 1651, montrent à découvert l’arrièreplan théorique de la nouvelle organisation. Mais, tandis que Cotton, par prudence peut-être, insiste sur le caractère aristocratique de la constitution des Églises, Hooker, au contraire met l’accent sur les droits du peuple et veut qu’on les reconnaisse. Le premier exprime mieux la réalité, l’autre, les aspirations des conuuunautés congrégationalistes.

Ni l’un ni l’autre du reste ne cache ses préférences. « Il est beaucoup mieux, écrit Cotton, que le gouvernement soit organisé de façon à développer la maison de Dieu, c’est-à-dire l'Église, que d’accommoder le modèle de l'Église à celui de l’autorité civile. Pour la démocratie, je ne puis concevoir que Dieu l’ait jamais ordonnée comme une forme de gouvernement convenable, soit pour l'Église, soit pour le pouvoir civil. Si le peuple est gouverneur, qui sera gouverné? l’our la monarchie, pour l’aristocratie, toutes deux sont approuvées et définies dans l'Écriture, mais en tant que la souveraineté est rapportée à Dieu, de telle sorte que c’est la théocratie qui est exprimée dans l’une et dans l’autre comme la meilleure forme de gouvernement aussi bien pour le pouvoir civil que pour l'Église. » En face de cet aspect presbytérien du congrégationalisme de la réalité, Hooker, dresse une autre perspective. « Que le pouvoir ecclésiastitiue appartienne en droit à l’ordre presbytéral seul, ou que le peuple de chaque église doive en prendre sa part, c’est là le sujet des recherches de notre temps, sujet qui doit faire naître de grandes pensées. Grandes pensées dans le clergé, qui doit comprendre la joie de partager un tel privilège qu’il possède depuis si longtemps. Grandes pensées dans les églises, qui doivent réclamer leur droit avec piété et modération, comme il convient aux Saints, sans vouloir perdre leur cause et leur bien sur un simple refus. » Ainsi, quoi qu’on en ait dit, c’est bien un idéal politique qui parle ici, plutôt qu’un idéal religieux, chez Hooker aussi bien que chez Cotton. Les théoriciens du congrégalionalisme se laissent guider par lui.

Du reste, les événements allaient décider. L’application du droit d’excommunication allait obliger les communautés de la Nouvelle Angleterre à s’entendre entre elles et à régler en droit leurs relations. Déjà