Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/157

Cette page n’a pas encore été corrigée
1563
1564
INDEPENDANTS


les revenus. Il arriva pourtant assez souvent, surtout dans les comtes de l’est, que les paroisses se divisèrent et qu’il y eut lutte pour le choix des ministres. Au point de vue religieux, la seule règle qui était imposée était l’interdiction de célébrer le service divin d’après le Praijer Book. Le peuple lui-même se chargeait de la police sur ce point. Les indépendants envahissaient les réunions où l’on célébrait l’office de cette manière et conduisaient en prison les ministres et les fidèles récalcitrants. Ainsi la violence ne fut pas étrangère à la diffusion du système préconisé par l’assemblée de Savoy.

La lutte entre presbytériens et indépendants n’avait pas pour cause une simple différence de conceptions religieuses. Les premiers étaient loyalistes. Ils restaient fidèles aux Stuarts, même après l’exécution de Charles I". Leurs adversaires étaient les ennemis irréductibles de la royauté et comptaient dans leurs rangs toutes les nuances de l’opposition, depuis les plus modérées jusqu’aux plus radicales. Aussi la restauration fut-elle le signal d’une violente réaction contre eux. Les presbytériens du reste ne furent pas épargnés. Toute une série de mesures prises par Charles II et son parlement vint nettement barrer la route à la dissidence. Le Corporation Art de 1661, Y Ad of uniformitij de 1662, le Coiweniicle Act de 1663, le Five-mile Ad de 1665, le Test Ad de 1673, dépossèdent les ministres qui avaient pris la place de tous ceux que le protectorat avait expulsés de leurs bénéfices, obligent tous les pasteurs à recevoir l’ordination régulière dans le délai de deux ans, imposent l’usage du Praijer Book dans le service divin et exigent de tous les membres du clergé le serment d’obéissance à la couronne. Par ces mesures plus de deux mille ministres, pour la plupart indépendants, furent forcés de quitter leurs paroisses. C’était, au point de vue officiel, la fin du régime introduit sous Cromwell.

Mais les mesures de rigueur pour raison d’opinions religieuses commençaient à devenir insupportables à l’esprit du temps. Charles II, en 1672, publiait la Déclaration d’indulgence, qui permettait aux dissidents d’exercer le culte à leur manière et relaxait tous ceux qui avaient été emprisonnés sous ce prétexte. Il est vrai que le Parlement, appuyé du reste par les presbytériens et par les indépendants eux-mêmes, refusa d’enregistrer l’acte royal. Les mesures que Jacques II prit dans le même sens eurent le même sort. L’opinion n’y voyait que des moyens détournés de réintroduire le « papisme ». Pourtant, l’influence des philosophes, d’un Locke et d’un Newton, pénétrait de plus en plus les esprits de l’idée de tolérance religieuse. Aussi, parmi les hommes auxquels revint, après la révolution qui chassa définitivement les Stuarts, la direction intellectuelle de l’Église d’Angleterre, quelques-uns, comme Tillotson, étaient disposés à admettre, dans l’Église nationale, non seulement les presbytériens, mais encore les indépendants qui n’étaient pas séparatistes. L’indépendance anglaise put ainsi mener, pendant le xviii<e siècle une existence pénible en droit, mais en fait relativement tranquille. Elle prit une part importante au mouvement évangélique qui se rattache aux noms de George Whitefield et de Rowland Hill.

III. Le Congrégationalisme en Nouvelle Angle1 ERRE. — La communauté de Leyde, sous la direction de John Robinson, en raison même des controverses qu’elle devait soutenir avec les autres groupes anglais de Hollande, ne se sentait pas encore suffisamment isolée contre les « pièges de l’Antéchrist ». Les plus ardents parmi ses membres conçurent le projet de fonder outremer une colonie, où ils essaieraient de réaliser le royaume de Uieu et la véritable Église. Dès 1617, ils s’adressèrent à la compagnie de Virginie,

dont le conseil avait des tendances puritaines marquées, et qui avait obtenu de la couronne le monopole du commerce et de la colonisation sur une partie importante de la côte américaine. Pour obtenir plus facilement l’aulorisalion, en raison même des suspicions dont ils étaient l’objet, Robinson et son bras droit, William Brewster, ancien maitre de poste à Scroobj’, rédigèrent une déclaration où ils précisaient leur position doctrinale. Elle se présente comme un supplément des 39 Articles, qui étaient le code doctrinal de l’Église d’Angleterre. Robinson et Brewster reconnaissent formellement l’autorité de la couronne et des évoques qu’elle appointe pour » la surveillance civile » des provinces, des diocèses, des paroisses et des communautés. Mais, aussitôt, ils formulent nettement le droit de résistance passive à toute décision de cette autorité qui serait contraire à la Parole de Dieu. Quant à l’organisation de l’Église, ils déclarent admettre celle que suivent les communautés réformées de France. Chacune d’elles est régie par des pasteurs qui enseignent, des anciens qui administrent, des diacres qui distribuent les secours matériels. Pour les sacrements, baptême et cène, ils s’en rapportent à la confession de foi des Églises de France. Ils relèvent cependant quelques divergences pratiques. Tandis que les Français font la prière la tête couverte, les fidèles de Leyde se découvrent. Chez les premiers, les anciens et les diacres sont nommés pour un an ou deux au plus ; les leurs sont nommés à vie. Enfin, détail plus important, l’excommunication, dans les Églises de France, est une cérémonie privée ; pour eux, elle doit se faire publiquement.

Si adoucie que fut cette déclaration, elle ne persuada pas immédiatement le conseil du roi. C’est en 1620 seulement que les « Pères Pèlerins » obtinrent l’autorisation demandée. Après bien des difficultés matérielles, le 6 septembre 1620, cent deux membres de la conununauté de Leyde s’embarquaient à Plymouth, à bord de la « Fleur de Mai ». Robinson ne les accompagnait pas. Il avait été formellement exclu du nombre des émigrants. Ceux-ci avaient pour chefs Brewster et deux de ses amis, John Carver et William Bradford. Ils abordèrent dans la baie de Massachusets le 10 décembre 1620. Au lieu de se fixer sur le domaine attribué à la compagnie de Virginie, ils s’arrêtèrent à un point dépendant nominalement de la couronne, mais en dehors de ce domaine. Ils y fondèrent, en souvenir de leur port de départ, New-Plymouth, aujourd’hui simplement Plymouth, la ville sainte du congrégationalisme américain. Leur premier soin fut de déclarer qu’ils formaient un « corps civil et politique », dont tous les membres promirent obéissance aux ordonnances que le bien général de la colonie pourrait requérir. Et pour marquer l’esprit dans lequel ce corps civil et politique allait exercer son autorité, ils renvoyèrent en Angleterre, par le premier bateau, les émigrants qui déclaraient vouloir user du Frayer Book dans le service divin. Mais les « Pères Pèlerins » avaient obtenu un résultat beaucoup plus important. Ils étaient passés du séparatisme théorique à la séparation de fait.

Cette séparation de fait produisit des conséquences qu’ils ne prévoyaient pas. La situation religieuse, en Angleterre, était de plus en plus tendue. Aussi le flot de l’émigration amenait-il sur la côte américaine de nouveaux colons. Entre 1625 et 1630, des groupes afliliés soit à la compagnie de Virginie, soit aux « Marchands Aventuriers » de Dorchester, fondent Salem, Boston, qui s’appelait alors Newtown, et New-Cambridge. Toute la baie de Massachusets est ainsi peu à peu colonisée. Les émigrants sont des puritains de diverses nuances qui restent attachés à l’Église d’Angleterre et ne la considèrent pas comme antichrc-