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nisme. En 1567, à Londres, des assemblées clandestines se tieinienl, auxquelles préside Richard Fitz. On y administre les sacrements. Vers 1586, Robert Browne en organise d’autres à Norwich. Elles sont poursuivies et la plupart de leurs membres emprisonnés. En 1592, reparaît à Londres une de ces petites communautés. Elle a pour chefs le juriste Henry Barrowe et les ministres John Greenwood et Francis Johnson. En 1593, les deux premiers et l’un des auteurs de Marlin Marprehite, qui avait répandu ces idées au pays de Galles, John Penry, accusés d’avoir contrevenu à l’Acte de Suprématie, sont pendus à Londres. Des mouvements du même genre se font jour aux environs de Gainsborough et de Scrooby.

C’est dans les écrits de Barrowe que l’on trouve une première esquisse de la nouvelle conception de l’Église qui, peu à peu, va se préciser. Le calvinisme affirmait comme un dogme le principe de l’égalité des ministres. Mais comment établir une organisation sur ce principe ? En Ecosse, le problème avait été résolu par le groupement de plusieurs paroisses en une « classe ». Le ministre d’une paroisse recevait son autorité du fait qu’il était reconnu et accepté comme tel par les autres ministres de sa « classe ». Au-dessus du synode de « classe », le synode national réglait les affaires ecclésiastiques avec le souverain. Car celui-ci, en Angleterre du moins, depuis l’Acte de Suprématie, était le « suprême gouverneur » de l’Église. A cette conception, développée par Cartwright, Browne et surtout Barrowe en opposent une autre. L’Église est la simple fédération des paroisses, dans lesquelles il n’y a pas d’autre autorité religieuse que celle du ministre et du clergé choisis par la paroisse elle-même. Par là, Browne et Barrowe pensaient reproduire exactement le type des premières communautés chrétiennes. Mais, tandis que pour le premier, le chef de l’État, dans cette organisation, reste le » suprême gouverneur » de l’Église, le second semble considérer toute action de l’État dans l’Église comme funeste pour celle-ci.

Les poursuites dont furent l’objet les assemblées clandestines de Londres, de Norwich, de Gainsborough et de Scrooby, poussèrent leurs partisans les plus décidés à chercher un refuge aux Pays-Bas. Il y avait déjà des groupes anglais à Amsterdam et à Middelbourg. La petite communauté de Scrooby s’établit -à Amsterdam en 1607, puis, quelques mois plus tard, elle émigré à Leyde. Elle a pour pasteur un ancien élève de Cambridge, John Robinson. C’est dans les œuvres de celui-ci, surtout dans son Apologia justa et necessaria… quorundam christianorum dictorum Brownislarum sii’e Barrowistarum. publiée à Leyde en 1619, que l’on trouve une esquisse de la théorie indépendante de l’Église. Il était venu aux Pays-Bas non pas simplement pour fuir la persécution, mais surtout pour préserver son petit troupeau, par l’isolement, des a abominations de l’Antéchrist ». De là, chez lui, une tendance séparatiste indéniable qui n’arrive pas, cependant, à une conclusion définitive. Tout chrétien était tenu, selon lui, de ne communiquer qu’avec une Église pure de toute pratique superstitieuse. Mais il croyait qu’on pouvait clioisir des ministres qui restaient dans l’Église officiclle, à condition qu’ils fussent orthodoxes, c’est-à-dire strictement calvinistes. Ces ministres devaient simplement opposer une résistance passive aux évéques, quand ceux-ci leur imposaient un rituel en opposition avec leurs principes. Robinson soutint sur ce point de vives controverses avec les .autres pasteurs de communautés anglaises des Pays Bas, en particulier Francis Johnson et Henry Ainsworth. Ceux-ci étaient franchement séparatistes.

Les conceptions de ces petits groupes hollandais n’exercèrent pas une grande influence sur la pensée jreligieuse en Angleterre môme. Mais elles allaient avoir

une tout autre destinée. Ce sont des membres de la communauté de Leyde, qui s’embarqueront, en 1620 sur la « Fleur de Mai » pour aller fonder la colonie de Plymouth, dans la baie de Massachusets.

IL L’Indépendance anglaise. — Les dernières années du règne d Elisabeth et tout le règne de Jacques F Stuàrt voient un assoupissement des controverses religieuses. Les puritains.s’accommodent généralement de la situation. Ils se contentent d’un conformisme de surface. D’ailleurs, l’archevêque de Cantorbéry, Abbot, les protège ouvertement et les favorise. Seule, la question du « sabbat », de l’observation stricte du repos dominical, provoque de leur part des protestations. Le presbytérianisme écossais lui-même accepte dans une certaine mesure l’organisation épiscopale. Un point cependant reste en suspens : la question de la juridiction ecclésiastique. Est-elle tout entière dans les décisions de la « convocation » des évéques, promulguées par la Couronne ? Ou bien le Parlement a-t-il le droit d’intervenir, sous une forme ou sous une autre, pour que ces décisions aient force de loi ? Le conflit des opinions sur ce point prendra une forme aiguë quelques années plus tard. En attendant, quelques gi’oupes rares et disséminés maintiennent, à Londres ou dans les comtés, les idées de réforme des premiers puritains. Le plus important est celui dont Henry Jacob est le centre. Seul, il importe au point de vue doctrinal. Sans être séparatiste, Jacob affirme que beaucoup de pratiques dans l’Église établie sont antichrétiennes. Les vrais fidèles doivent se tenir à l’écart du culte, de la liturgie et de l’administration des sacrements, tels que le Frayer Book et les ordonnances épiscopales les ont réglées. En 1613, Jacob publie un recueil de textes de théologiens, tendant à prouver que le gouvernement de l’Église ne doit pas être établi sans le libre consentement du peuple.

Mais, à l’avènement de Charles 1° et avec le régime inauguré par l’archevêque Laud, les passions politiques réveillent les passions religieuses. Dans le conflit entre le roi et le parlement, ce dernier trouve à ses côtés tous ceux dont les idées ont été comprimées par l’autoritarisme de Laud. Depuis le commencement du régne, des puritains de toute nuance réclamaient une assemblée générale des représentants de l’Église d’Angleterre pour élaborer un plan de réforme. Tel fut l’objet de la « Grande Remontrance » qui décida le Long Parlement, en 1642, à passer plusieurs biUs pour réaliser ce projet. Mais le roi opposa son veto, en déclarant que les questions religieuses ne relevaient que de la « convocation » des évéques et de la Couronne. Ce fut la rupture complète. Les parlementaires, malgré le veto royal, décidèrent de convoquer cette assemblée de leur propre autorité (12 juin 1643). Un souci politique les guidait. Il s’agissait de rallier à la cause du parlement les Écossais, dont l’aide militaire était indispensable. Cent cinquante représentants de l’Église, désignés nommément par une commission parlementaire, furent donc convoqués à Westminster pour discuter la question de la réforme. La moitié environ se trouva au rendez-vous. La majorité était formée par des presbytériens, qui acceptaient pleinement la constitution presbytérale de jure divino. Mais ils trouvèrent des adversaires résolus dans Thomas Goodwin et Philippe Nye, qui avaient dirigé des communautés anglaises indépendantes à Rotterdam et à Arnheim, dans William Bridge, Jérémie Burroughes et Sidrach Simpson, les « cinq frères » de la dissidence. Le point sur lequel Goodwin et ses amis marquèrent la plus vive opposition aux décisions de l’assemblée de Westminster fut le pouvoir d’excommunication attribué aux ministres par la confession de foi qu’on y rédigea.

Le presbytérianisme était devenu à Westminster la doctrine de l’État. Mais les événements politiques