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INCESTE


les relations charnelles n’étaient pas interdites entre les parents, cette communauté de vie fournirait roccasion de les multiplier, et ainsi les consanguins se livreraient trop facilement à la luxure. Aussi la loi mosaïque interdisait surtout les rapports sexuels entre consanguins. Le même inconvénient peut résulter aussi de la communauté de vie plus étroite qui se forme entre les personnes unies par le lien de l’affinilé. La troisième raison est que les mariages entre parents et alliés diminueraient le nombre des amis dans le monde. En épousant une personne étrangère à sa propre famille, un homme contracte une amitié spéciale avec tous les consanguins de son épouse, et celleci avec les consanguins de son mari, comme s’ils étaient leurs consanguins. Aussi saint Augustin a-t-il vu dans l’union de membres de diverses familles un moj’en d’entretenir et de développer la charité et la concorde entre les hommes. De civilate Dei, t. XV, c. XVI, P. L., t. XLT, col. 459. L’inceste est donc une forme spéciale de la luxure et il est spécialement interdit.

IV. Gravité selon les lignes et les degrés. — 1 » Les incestes commis entre parents suivant la ligne directe des générations sont, de leur nature, plus inconvenants et répugnent davantage à la raison que ceux qui sont commis entre parents selon la ligne collatérale, en raison de la parenté plus rapprochée. Ainsi les incestes des parents avec leurs enfants, du père avec sa fille, de la mère avec son fils ou des grands parents avec leurs petits enfants sont plus gravement coupables que ceux que commettent ensemble des frères et des sœurs, et des cousins germains. Les motifs qui font interdire l’inceste sont plus fondés selon que la parenté est plus immédiate et plus rapprochée. Les incestes commis entre alliés, qui ne sont pas parents entre eux et ne le deviennent que par l’affinité, n’ont pas, de leur nature, la même indécence. Celle-ci, suivant la doctrine de saint Thomas, loc. cit., ad 3°m, varie selon la coutume et la loi divine ou humiine, puisque les relations sexuelles, qui importent au bien commun sont soumises à la loi.

On en a conclu que l’inceste entre consanguins dans tous les degrés de la ligne directe et au moins au premier degré de la ligne collatérale, c’est-à-dire entre tous les ascendants et les descendants et entre les frères et les sœurs, était interdit par la loi naturelle. L’inceste entre parents de la ligne collatérale aux degrés inférieurs au premier et entre alliés n’est contraire qu’à la loi divine ou humaine et jusqu’aux degrés auxquels ces lois l’interdisent.

2° Gela posé, les théologiens ont agité les questions de savoir si les incestes entre consanguins et alliés étaient des péchés d’espèce différente, si leur gravité était identique ou différente aux mêmes degrés et s’il fallait, par la suite, déclarer en confession le degré de l’inceste avec des consanguins.

1. Les incestes commis entre parents ou alliés sont-ils des péchés d’espèce différente ? — Saint Thomas et, parmi ses commentateurs, Cajétan, Sylvius, Soto, Bonacina, I^ugo, etc., le nient, parce que, dans les deux cas, l’inceste est contraire au respect dû aux parents. Grégoire de Valentia, Vasquez, Lessius, Salmeron, etc., l’aiïirment, parce que le respect dû aux consanguins diffère totalement du respect dû aux alliés, le premier résultant d’un lien intrinsèque, la communauté du sang, et le second, d’un lien extrinsèque, les relations sexuelles avec un consanguin. Saint Alphonse de Liguori tient les deux opinions comme probables. Theologia moralis, ]. III, tr. IV, c. ii, dub. II, n. 449. Ailleurs, t. VI, tr. IV, c. i, dub. iii, n. 469, il fait une exception pour l’inceste d’un fils avec sa marâtre et celui d’un beau-père avec sa bru, parce que les motifs qui l’interdisent sont les mômes que ceux

qui condamnent l’inceste des parents avec leurs enfants en ligne directe. Il ajoute que, selon tous les auteurs, les incestes entre alliés, si on excepte celui du premier degré, sont de la même espèce.

2. La gravité de l’inceste est-elle identique ou différente aux mêmes degrés ? — L’inceste entre consanguins au premier degré est beaucoup plus grave que l’inceste entre alliés au même degré ; ainsi l’inceste d’un homme avec sa mère ou sa sœur propre est plus grave que celui qu’il commettrait avec sa marâtre ou avec la sœur de sa femme. Il serait donc plus sûr de le déclarer en confession. Mais si l’inceste est du même degré, qu’il ait été commis avec une mère, une fille ou une sœur, comme ces fautes sont de la même espèce, il suffirait d’avouer un inceste de consanguinité au premier degré, sans qu’il soit nécessaire d’indiquer la nature de la parenté. S. Alphonse de Liguori, t. III, tr. IV, c. ii, dub. ii, n. 448.

3. Est-il nécessaire de déclarer en confession tous les cas d’inceste entre consanguins ? — Saint Liguori, t. VI, tr. IV, c. I, dub. iii, n. 470, expose trois opinions. La première tient pour l’affirmative. Les théologiens qui la soutiennent en donnent des raisons différentes : les uns disent que chaque degré de consanguinité exige un respect spécial dont la violation est plus ou moins grave et constitue un péché spécial ; les autres pensent qu’en taisant le degré, le pénitent n’expliquerait pas suffisamment la substance individuelle de sa faute. Selon les tenants de la seconde opinion, seul le premier degré de la ligne directe et de la ligne collatérale constitue une espèce spéciale de péché et doit être accusé. C’est l’opinion commune pour le premier degré de la ligne directe au moins et, au sentiment de saint Alphonse, il faut y tenir absolument. L’inceste de cette sorte est très différent des autres, et il est nécessaire de déclarer si l’inceste a été commis par un père avec sa fille, ou par un fils avec sa mère, la mère ayant droit à un respect spécial. Plus probablement, ce premier degré diffère des autres degrés de la même ligne. Il est moins certain que l’inceste au premier degré de la ligne collatérale, c’est-à-dire celui d’un frère avec sa sœur, diffère des incestes aux autres degrés de la même ligne. Des théologiens pensent que cet inceste est interdit par le droit naturel, les frères et les sœurs devant se porter un respect spécial, que li’exigent pas les autres degrés de consanguinité. D’autres sont d’avis que cet inceste lui-même ne diffère pas spécifiquement des autres et que la parenté plus rapprochée n’est qu’une circonstance aggravante. La troisième opinion, qu’adoptent de très nombreux théologiens, est qu’en dehors du premier degré de la ligne directe, il n’y a pas d’incestes spécifiquement différents. Les autres degrés ne constituent qu’une circonstance aggravante, qu’on n’est pas obligé de déclarer en confession. Voir t. i, col. 574 sq. D’ailleurs, les unions à ces derniers degrés ne sont interdites que par la loi ecclésiastique, laquelle n’établit pas entre eux une diversité spécifique. Saint Alphonse tient la première opinion comme moins probable et les deux autres comme équiprobables.

V. Peines canoniques.

Dans l’aperçu historique nous avons constaté que le crime d’inceste avait été frappé, à différentes époques, de pénalités sévères. Sans parler des peines corporelles infligées aux incestueux par le code de Hammourabi, la législation mosaïque, saint Paul à Corinthe et les empereurs chrétiens dans l’empire romain, les conciles ont recouru aux peines spirituelles : l’excommunication temporaire ou perpétuelle, parfois l’interdiction de se marier et, à partir du viiie siècle, une pénitence plus ou moins grave selon les cas et selon les contrées. Les variations de cette pénitence sont fixées dans les Pénitentiels du viii « au xi<e siècle. On les trouvera dans les ouvrages de H. Was-