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INCESTE


Dieu et interdites aux païens eux-mêmes. Elles sont rappelées aux prosélytes. Les païens convertis les connaissent donc, et ils comprendront aisément qu’elles leur soient imposées. Voir A. Loisy, op. cit., p. 594-595.

2. L' incestueux de Corinthe. — Dans cette ville reaiommée pour sa corruption, il se produisit, parmi les clirétiens, un cas spécial de fornication, rare même chez les païens : un homme vivait avec la femme de son père, c’est-à-dire avec sa belle-mèie. Prévenu par le bruit public qui se répandit d'Église à Église, saint Paul, qui était à Éphèse, reprocha vivement aux chrétiens de Corinthe de n’avoir pas réprimé ce scandale. Ils n’en avaient pas même pris le deuil, qui aurait eu pour effet de les éloigner du coupable et de le retrancher ainsi de la communauté. Absent de corps, mais présent d’esprit, l’apôtre a déjà jugé le coupable. Réuni en esprit avec la communauté, il a décidé, par le nom et la puissance de Jésus-Christ, de livrer cet homme à Satan, cf. I Tim., t, 20, c’est-à-dire non pas seulement de l’exclure de la communauté, de l’excommunier, comme on aurait dû le faire, mais de lui imposer une peine plus grave, un châtiment corporel, douloureux, mortel, dont Satan sera l’instrument, puisque c’est pour la destruction de sa chair, qu’il le lui impose, afin que, par ce châtiment corporel, le coupable soit sauvé au jour de la venue du Seigneur. Saint Paul ajoute une leçon pour la communauté, qui n’a pas lieu de se glorifier d’un pareil acte, commis dans son sein. Il y a plutôt lieu de se tenir humblement sur ses gardes, car un peu de levain fait lever toute la pâte. La coupable indulgence de la communauté pourrait la porter à d’autres fautes. Qu’ils se purifient du vieux levain, des restes du vieil homme, de leur ancienne vie païenne, pour qu’ils soient tous des pains azymes, purs de tout mauvais levain. I Cor., v, 1-8. De ce que l’apôtre ne punit pas la complice de l’incestueux, on conclut avec raison qu’elle n'était pas chrétienne.

Beaucoup de commentateurs pensent que l’incestueux, devenu une cause de tristesse pour la communauté, aurait subi le châtiment infligé par l’apôtre. L'état auquel il aurait été réduit serait devenu, aux j’eux de Paul, une raison de le consoler et de lui faire grâce. Aussi, dans sa II"' lettre aux Corinthiens, v, 5-1.1, engageait-il ses lecteurs à user de charité envers lui. 11 leur avait écrit pour mètre leur obéissance à l'épreuve. Satisfait de leur conduite, il pardonne comme euxmêmes pardonneront, afin qu’ils ne soient pas dupes de Satan, car il n’ignore pas les desseins du démon. Mais ce coupable, auquel l’apôtre fait grâce, n’est pas l’incestueux, qui aurait fait tort à son père. L’offense est personnelle à l’apôtre ; la majorité des chrétiens de Corinthe l’avait blâmée, mais la minorité n’en avait pas fait justice. Il s’agit donc plutôt d’un Corinthien, qui aurait injurié publiquement saint Paul à l’occasion peut-être de l’incestueux, ou d’un judaïsant, venu de Palestine à Corinthe pour détruire l'œuvre de l’apôtre, et qui aurait attaqué sa personne et son autorité apostolique en pleine assemblée chrétienne. La majorité a puni cet insulteur ; mais une minorité, ayant trouvé trop sévère la peine inlligée, aurait été trop indulgente pour le coupable.

La loi évangélique n’avait pas abrogé la loi mosaïque sur ce point.

3. Accusation contre les premiers clirétiens.

Au nombre des accusations que les païens portaient contre les mœurs des chrétiens figure celle d’unions incestueuses qu’ils pratiquaient dans leurs agapes ou réunions religieuses. Ces accusations se fondaient à la fois sur le secret qui entourait ces réunions, sur des dénonciations d’esclaves païens au service des chrétiens et sur quelques aveux extorqués, et parfois aussitôt réXractés, au milieu des supplices. Voir la Lettre des

Églises de Lyon et de Vienne, dans Eusèbe. H. E., t. V, c. I, P. G., t. XX, col. 408, 413, 416, et les Actes de saint Épipode, P. G., t. v, col. 1458. Mais les apologistes chrétiens ont réfuté cette calomnie, en attaquant parfois les mœurs incestueuses des païens accusateurs. Voir S. Justin, Apol., I, n. 29, P. G., t. vi, col. 373 ; Athénagore, Legatio pro christianis, n. 3, 52, ibid., col. 896, 964 ; S. Théophile d’Antioche, Ad Autolycum, t. III, n. 4, 6, ibid., col. 1125, 1128-1129 ; Minucius Félix, Octaoius, c. ix, P. L., t. iii, col. 262 ; Tertullien, Apoloqeticum, c. ii, vii, ix, P. L., 1. 1, col. 271, 306307, 325-327 ; Origène, Contra Celsum, t. I, n. 1, P. G., t. XI, col. 652.

4. Décisions des conciles daiv siècle.

A défaut de législation ecclésiastique sur le mariage, plusieurs conciles particuliers eurent à régler des cas d’unions incestueuses. Celui d’Elvire (Espagne), tenu vers l’an 300, décida qu’un homme qui, après la mort de sa femme, aurait épousé la sœur de celle-ci, qui serait chrétienne, elle aussi, serait privé de la communion pendant cinq ans, à moins que la maladie ne rendît plus tôt sa réconciliation nécessaire. Can. 61, Mansi, Concil., t. ii, col. 15-16 ; Hefelc, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. i, p. 256. Un concile, réuni à Néocésarée en Cappadoce en 314 ou en 325, condanma à l’excommunication jusqu'à sa mort une femme qui aurait épousé successivement deux frères. Si elle était en danger de mort et si elle promettait de rompre la seconde union illégitime en cas de guérison, on pourrait, par miséricorde, l’admettre à la pénitence. Si elle-même, ou son mari, mourait dans cette union, la pénitence restera rigoureuse pour la partie survivante. Can. 2, Mansi, ibid., col. 539 ; Hefele, ibid., 1. 1, p. 328.

Dès qu’il fut évêque de Césarée en Cappadoce, en 370, saint Basile, questionné, répondit qu’un homme après la mort de sa femme ne pouvait épouser la sœiir de la défunte. Un anonyme, sous le nom de Diodore, attaqua cette solution. Saint Basile la justifia et démontra qu'à défaut d’une interdiction formelle du Christ, la coutume avait toujours prohibé ces mariages à Césarée. Episl., clx, P. G., t. xxxii, col. 621-628. Cf. Hefele, t. i. p. 256. Il eut à résoudre un autre cas d’union incestueuse, par consanguinité, celui d’un chrétien qui aurait épousé sa sœur de père et de mère. Interrogé par saint Aniphiloque, évêque d’Iconium, il fixa la pénitence qu’il fallait lui imposer. Cet homme ne pouvait pas être admis à la maison de prière, tant qu’il n’aurait pas rompu celle union. Après qu’il aura manifesté son repentir, on lui imposera trois années de pleurs, durant lesquelles, debout devant l'église, il supplierait tous ceux qui entreraient de prier pour lui. Durant trois autres années, il serait admis seulement à l’audition des lectures de la sainte Écriture mais non à la prière. Contrit et humilié, il serait ensuite prosterné aux offices durant les trois années suivantes. La dixième année de sa pénitence, il serait admis à la prière, sans prendre part à l’oblation. Après deux années d’assistance à la prière, il serait enfin jugé digne de la communion. Epist., ccxvii, in « canonique, n. 75, ibid., col. 804.

5. Sanctions des empereurs chrétiens contre les incestueux.

Ces empereurs aggravèrent les pénalités de la législation romaine en matière d’inceste. Les fils de Constantin punirent les incestueux de la peine capitale. Théodose les condamna à la peine du feu et à la confiscation de leurs biens. Arcadius supprima cette loi pénale, mais maintint la nullité des mariagesincestueux, la confiscation de la dot et la restriction du droit de tester. Justinien punit le mari incestueux de la déportation ou de la relégation, de la privation de ses emplois et de la perte de ses biens, qui étaient confisqués, s’il n’y avait pas d’enfants légitimes pour