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INCESTE


son oncle Philippe, du vivant même de ce dernier, après avoir renvoyé sa première femme, fille du roi arabe Arétlias, avec laquelle il avait longtemps vécu. Joscphe, Ant. jud., XVIII, v, 1. Saint Jean-Baptiste condamna donc avec raison cette union incestueuse, contraire à la loi mosaïque. Marc, vi, 17, 18.

A la fin du i^'e siècle de notre ère, les deux écrivains juifs, Josèphc, Ant. jud., XX, ii, 1, et Philon, De specialibus legibus, t. II, blâmaient énergiquement les unions incestueuses des païens.

Chez les Màdes et les Perses.

D’après les traditions iraniennes, la déesse Spenta-amaili, la fille d’Arouramazdà et son épouse, devint la mère du premier mortel et par lui l’aïeule du genre humain. Un des moyens d’expiation que Zoroastre commandait à ses fidèles était de marier une jeune fille saine à un homme juste. Le mariage était obligatoire, et plus la parenté était proche entre les conjoints, plus il paraissait louable. Aussi non seulement la sœur s’unissait à son frère comme en Égyplc, mais encore le père à sa fille ou la mère à son fils, du moins parmi les Mages. G. Maspero, op. cit., 1899, t. iii, p. 580, 588589. C’est pourquoi les auteurs classiques et les Pères de l'Église leur reprochent leurs mariages incestueux et la dépravation de leurs mœurs ; mais ils semblent avoir pris pour un raffinement de débauche ce qui était avant tout une pratique religieuse. Ibid., p. 595, note 6.

b^Chez les Grecs. — La mythologie abondait en unions des dieux entre parents très proches, même entre ascendants et descendants. La société du temps d’Homère, conservait les mêmes idées, quoique l’Odyssée lût très dure pour l’attentat involontaire d'Œdipe. A l'époque historique, l’union entre ascendants et descendants était prohibée ; l’union entre frères et sœurs germains consanguins et utérins n'était pas tolérée non plus et les Grecs s'étonnaient des mœurs des Égyptiens et des Achéménides. Cependant, le mariage entre frère et sœur était permis, dans certains cas différents, à Athènes et à Sparte, où on pratiquait le lévirat. Les mœurs étaient généralement conformes au droit, et les unions entre consanguins et demifrères et sœurs étaient rares. En dehors de ces cas de mariages prohibés, les Grecs avaient coutume de se marier entre proches parents. Voir art. Inceste, dans le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Daremberg et Saglio, t. ni a, p. 449-455.

Chez les Romains.

Le droit romain était plus rigoureux. Au sens strict, il désignait par incestum l’impudicité des vestales et le commerce prohibé entre personnes unies par un lien de parenté ou d’affinité. Tous les membres d’une famille étant sous l’autorité du père, tout mariage entre eux étail interdit non seulement parla loi civile, mais encore par la loi morale. On distinguait l’inceste juris genlium et l’inceste juris civilis. Le premier interdisait le mariage entre ascendants par le sang ou l’adoption ou alliés dans la même ligne et descendants naturels ou par adoption ou alliés dans la même ligne, entre frère et sœur ou alliés au même degré. Le second, fixé par les lois civiles, prohibait l’union entre l’oncle et le nièce ou petite-nièce, la tante et le neveu ou petit-neveu. La prohibition s’arrêtait au sixième degré. Avant la seconde guerrre punique, elle fut levée pour ce dernier degré. Peu après, le mariage fut permis entre cousins germains, parents au quatrième degré. L’empereur Claude fit autoriser par le sénat le mariage entre un oncle et la fille de son frère ; mais Constantin abrogea cette autorisation. L’ancien droit frappait de sanctions sévères l’inceste juris genlium. Aucune loi ne punissait l’inceste juris ciinlis. Sous l’empire, le mariage incestueux fut considéré comme nul et les enfants comme spurii ; le mari était puni de relégation ; la femme et les mineurs n'étaient soumis à aucune peine.

Ibid., p. 455-456. Pour l’inceste par affinité, voir Affinité, 1. 1, col. 519-520.

Dans le christianisme.

1. Interdiction de l’inceste dans le décret apostolique. Act, , xv, 29. — Quelques interprètes modernes ont entendu la TTOpveta, interdite aux hellénochrétiens dans ce décret, non pas de la simple fornication qui, aux yeux des païens, était une action indifférente, mais qui, pour les chrétiens, était une souillure morale et un péché, ni de la fornication religieuse, en rapport avec la prostitution qui se pratiquait dans les temples de Syrie, comme l’entend Preuschen, Die Apostclgeschichte, dans Handbuch zum Neuen Testament, Tubingue, 1912, t. iv, p. 95, mais des rapports sexuels interdits par la loi mosaïque, , tant des unions incestueuses, Lev., xviii, 6-18, que des autres relations prohibées, 19-23, fautes que commettaient les tribus chananéennes, qui souillaient leur pays, que Dieu voulait punir sévèrement et qu’il interdisait même aux étrangers qui vivaient au milieu de son peuple, 24-30. Ces unions et ces relations sexuelles étaient donc défendues par Dieu aux païens eux-mêmes. A l’assemblée de Jérusalem, il s’agissait de savoir si l’on imposerait les observances légales desJuifs aux païens convertis, et on avait décidé de les en dispenser. Act., xv, 1-11. Mais saint Jacques demanda qu’on exigeât d’eux au moins trois abstentions de pratiques païennes, que la loi mosaïque interdisait, 20. Or, à moins de supposer que Paul et Barnabe permettaient aux païens convertis la fornication, ce qui est tout à fait invraisemblable, il faut penser que saint Jacques insistait spécialement sur des pratiques que les fidèles, issus du paganisme, auraient pu continuer à suivre conformément à leurs habitudes antérieures et à des coutumes spéciales à leurs pays. Au nombre de ces coutumes pouvaient se trouver lesunions incestueuses, et nous verrons bientôt que la communauté de Corinthe n’avait pas exclu un incestueux de son sein. Or, on pouvait, sans violer le principe de la liberté des hellénochrétiens, admis par l’assemblée, imposer à ceux-ci des interdits de la loi juive que Dieu avait imposés aux païens, quoiqu’ils fussent des souillures légales, spécialement graves aux yeux des Juifs. Voir J. G. Sommer, Das Aposteldekret, dans Theologische Studien und Skizzen ans Ostpreussen, . Kœnigsberg, 1887, t. ii, n. 4, p. 43-48 ; H. J. Holtzmann. Die Apostelgeschichte, 3e édit., Tubingue et Leipzig, 1901, p. 98 ; H. Wilbert, Het verbod van hef Aposlelconcil (Act., xv, 28-29) Studlën, dans Tijdschrijt van Godsdienst, Wetenschap en Letleren, 1907, t. Lxvii, p. 211 ; M. Hagen, Lexicon biblicum, Paris, 1907, t. ii, col. 757 ; A. Loisy, Les Actes des apôtres, . Paris, 1921, p. 558, 590-591.

Cette interprétation cadre bien avec la situation historique, puisqu’il s’agissait seulement des observances juives, et avec la reccnsion orientale du texte, qui est généralement admise par les critiques. La signification morale de la recension occidentale, adoptée par Harnack, voir Idolothytes. col. 670, est justement réfutée par Loisy, op. cit., p. 588-594. Le P. Six, Das Aposteldekret, Inspruck, 1912, p. 39-41, oppose à l’interprétation précédente que le sens étendu, donné à TTOpveta, s'écarte trop du sens ordinaire du mot et qu’il pouvait être difficilement compris par les païens convertis au i'e siècle de notre ère. Or, comme nous allons le voir, saint Paul signale le cas de l’incestueux de Corinthe comme un exemple rare de TTopveta. I Cor., v, 1. D’autre part, saint Jacques justifie sa motion par le fait que Moïse est prêché tous les samedis dans les synagogues des villes helléniques. Act., xv, 21. Le sens de son argument est clair. Les restrictions qu’il demande d’imposer aux païens convertis ne les surprendront pas. Ils connaissent par la prédication synagogale du Pentateuque les unions réprouvées par-