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INCARNATION

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c’est l’union, mode subslanliel, se distiiiguaiiL réellement et de la nature luimaiiie, et du Verbe, et de la relation prédicamentale qui est le résultat de l’union de la nature humaine au 'erbe. Voir Hypostatique (Union), loc. cil. De plus, dans l’union liypostatique, tout le changement se tient du côté de l’humanité, qui acquiert, par l’union au Nerbe, une subsistence divine ; or, ce changement suppose quelque chose de substantiel qui modifie l’humanité. Enfin, la relation prédicamentale qu’admettent, à la suite de saint Thomas, tous les thomistes, dans l’humanité par rapport au Verbe, doit avoir un fondement réel. Ce ne peut être que ce mode substantiel de l’union. En dehors de ces raisons, prises dans l’humanité même que s’unit le Verbe, il en est au moins une autre, non moins forte : il faut un terme à l’action de la trinité dans l’incarnation. Ce terme ne sera pas le Verbe ; il ne sera pas non plus l’humanité du Christ, cette humanité étant logiquement présupposée à son union au Verbe et l’action créatrice préludant logiquement à l’action unitive, voir col..'Ï25 ; donc, on doit reconnaître comme terme de l’action divine ce mode substantiel d’union, lequel dispose précisément l’humanité à recevoir la subsistence du Verbe. Quant à la manière de concevoir ce mode substantiel, il est évident qu’il n’en faut pas faire un accident ou quelque chose de semblable. C’est une modihcation de la substance, appartenant à la substance même, dont elle se dislingue réellement, non par une distinction réelle cnlitalive, mais par une distinction réelle modale, comme le mode substantiel peut se distinguer de la substance qu’il modifie. Telles sont les idées maîtresses et tels les arguments déportée générale que l’on rencontre chez Araujo, De incarnaliane, q. II, a. 8, dub. ii, concl. 2° ; Herrera, In I V Senl., t. V, q. ii, a. 7 ; Godoy, De incarnalionc, disp. XI, § 1, n. 4, et surtout chez les Salnianticenses, qui, dans l'école thomiste, sont venus apporter le poids de leur grande autorité en faveur d’une opinion assez mal accueillie par la majorité des disciples de saint Thomas. Cf. De incarnatione, disp. l^', dub. i, § 1-5. Voir, n. [i, les noms des auteurs cités en faveur de cette opinion, - - 2. Suarez est fidèle à son système des modes, voir Myi’ostase, col. 420, en admettant un mode substantiel dans l’humanité, lequel a pour elïel, non de terminer la nature en elle-même (comme le ferait sa propre subsistence), mais de l'élever jusqu’au Verbe et de la terminer en lui, disp. VIII, sect. iii, n. 8. Ce mode d’union est le terme formel de l’action de la Trinité, n. 13, et le fondement prochain de la relation réelle par laquelle l’hunianilé est rapportée au Verbe et dite unie à lui, n. 22. Suarez toutefois se distingue des thomistes dont on a rapporte l’opinion similaire, tout d’abord par le fondement métaphysique de son système, ensuite par la formule embarrassée par laquelle il définit la nature de la distinction du mode d’avec la substance. C’est, dit Suarez, une distinction e.r natura rci. Loc. cit., n. 8. Les Salnianticenses n’omettent pas de relever cette imprécision de la doctrine suaréziennc, n. 28. — 3. Vasquez, disp. XVIII, c. iii, adopte un sentiment analogue à celui de Suarez, qu’il puise pouvoir accorder avec la doctrine exposée par saint Thomas, Sum, theol., III », q. ii, a. 7 ; mais il appelle ce mode substantiel un mode relatif, modus relalus, par lequel la nature humaine est disposée à subsister non en elle-même, mais dans le Verbe. La relation qui en est la conséquence, entre la nature humaine et le Verbe, ne s’en distingue pas réellement ; elle est, à proprement parler, ce mode substantiel. Disposition de la nature humaine à l’union hypostatique, ce mode est, de plus, le terme de l’action de la trinité dans l’incarnation, et, de plus, l’acte qui.jouant par rapport au Verbe le rôle de cause formelle et de cause matérielle en un sens impropre, établit le lien

substantiel entre Dieu et l’humanité. — 4. Scot et son école doivent être rapprochés ici des théologiens thomistes de Salamanque, de Suarez et de Vasquez. Le point de départ de la théorie scotiste est qu’il faut à l’action unilive, distincte logiquement de l’action créatrice de l’humanité, un terme. Ce terme est une réalité, ililTérente du Verbe et de l’humanité, la relation qui est imposée ab extrinseco par la cause efficiente de l’incarnation, relation qui n’existe réellement que dans l’hunuinité et qui a pour effet de rendre la nature humaine dépendante dans sa subsistence du Verbe lui-même. A quel genre de cause ramener cette relation de dépendance ? Scot pense qu’on peut la ramener à la causalité efficiente, cette relation de dépendance de la nature humaine par rapport au Verbe réalisant l’effet de l’action commune des trois personnes de la trinité dans l’incarnation. Scot, In IV Senl., I. III, dist. I, q. I, n. 3. Cf. Duns Scot, t. iii, col. 1888. A noter que la thèse d’une relation de dépendance, terme de l’action de la trinité dans l’incarnation, ne contredit pas le caractère immédiat de l’union, col. 1889. Vis-à-vis de la nature humaine, le Verbe, en raison de cette relation de dépendance, ne joue pas le rôle d’une cause matérielle : il n’est pas sujet qui reçoit en lui la nature humaine, il est simplement le suppôt, dont la subsistence soutient dans l'être, termine la nature humaine qui, sans lui, n’existerait pas. Cf. Frassen, disp. 1, a. 2, sect. i, q. i.

Opinion négative.

La plupart des thomistes répondent négativement. La doctrine d’un mode substantiel est à rejeter, parce que le mode substantiel tel que le supposent, dans l’humanité du Christ, les auteurs de la partie adverse, est inconcevable et inutile. Inconcevable, voir Hypostatique (Union), col. 530 ; inutile, parce que le Verbe, par la jierfection même de sa subsistence qui contient éminemment les perfections des existences créées, peut terminer, dans l’ordre de l’existence, toute nature inférieure, sans que besoin soit d’introduire, en cette nature, une disposition à l’union. Les raisons qu’on rapporte en faveur de cette disposition qu’on dit nécessaire, valent pour les natures qui sont réellement indifférentes, par ellesmêmes, à subsister sous telle ou telle forme ; mais il ne s’agit jias de cela ici. La nature humaine, par ellemême, n’est pas indilTérente par rapport à sa propre subsistuice, puisque naturellement elle est ordonnée à elle. Ce n’est qu’en raison de sa puissance obédentielle qu’elle acquiert cette indifférence par rapport à la subsistence du Verbe. Nous sommes ici dans les œuvres mystérieuses de la toute-iiuissance divine, et il est parfaitement inutile de vouloir lui imposer des voies dont elle peut se passer. Sur l’opinion négative des thomistes, on n’a rien de particulier à ajouter à ce qui a été dit. col. 530-531. L’opinion scotiste serait, d’ailleurs, parfaitement admissible, si la relation de dépendance était conçue, comme chez les thomistes, comme manifestant l’union déjà existante. Cf. S. Thomas, hi IV Sent., t. III, dist. II, q. ii, a. 1 ; q. iii, ad 3'"".

II. CAUSALITÉ MÉRITOIRE.

Sur cc dernier point, se rapportant à la causalité matérielle, la doctrine lliéologique est claire, facile, ne comportant, pour ainsi dire, pas de controverses. On l’exposera donc brièvement. On étudiera successivement si l’on trouve quelque cause méritoire de l’incarnation dans le Christ, dans les saints de l’Ancien Testament et dans la sainte Vierge. Sur les conditions du mérite et la division du mérite de condigno et de congnio, voir Mérite et De congruo, de condigno, t. iii, col. 1138 sq.

Le Christ.

Toute la question du mérite du Christ par rapport à l’incarnation elle-même devient claire, dès lors qu’on se pénètre de la vérité catholique exposée à Hypostatique (Union), col. 534,